Rwanda:L’Affaire Ntaganda ou nouveau happening dans la diplomatie judiciaire .

L’Ambassade des États-Unis à Kigali a reçu ce lundi 18 mars 2013 un visiteur indésirable. Le Général rebelle Jean-Bosco Ntaganda vient de s’y rendre ou, mieux encore d’y être livré par Kigali sur un plateau d’or.

Un cadeau empoisonné dont les américains auront du mal à digérer, qui risque de plonger le pays de l’Oncle Sam dans un imbroglio de la diplomatie judiciaire difficile à décortiquer.

Recherché par la CPI, un tribunal international dont les USA, tout comme le Rwanda, n’ont pas ratifié le traité, Jean-Bosco Ntaganda sera-t-il rendu au Congo malgré la volonté de ce dernier de bénéficier d’un sauf conduit vers La Haye? Sera-t-il remis aux autorités congolaises sans accord bilatéral dans ce sens? Sera-t-il refoulé hors de l’enceinte de l’ambassade américaine pour qu’il soit ramassé par Kigali qui voudrait bien se passer d’un autre cas similaire à celui de Laurent Nkunda qui se retrouve malgré lui dans un no man’s land judiciaire depuis début 2009?

Désormais l'affaire Ntaganda fait naître un quartet USA-RDC-CPI-Rwanda ainsi qu’un happening dans la diplomatie judiciaire qui ne donnera aucun repos aux différents acteurs de ce nouveau chapitre du bourbier congolais dans lequel Kigali vient de réussir le coup d’inviter le Département d’État Américain. En escortant le fugitif Ntaganda devant les portes de l’ambassade américaine, Kigali s’est certes débarrassé d’un dossier gênant. En effet, Kigali reste ainsi conforme à un accord tacite avec le chef rebelle qu’il ne le livrera ni à la CPI ni à Kinshasa. Kigali vient également de se doter d’un ballon d’oxygène car le dossier des M23 devenait étouffant tant pour le gouvernement et le pouvoir du Président Kagamé que pour l’économie du Rwanda.

En remettant le Général Ntaganda aux américains plutôt qu’à la CPI qu’il n’a cessé de décrire comme une juridiction néocolonialiste, Paul Kagame vient d’agir en fin stratège : Personne ne pourra l’accuser d’avoir livré « un innocent » à une juridiction qui, selon lui, ne s’en prend qu’aux pauvres. Avec la reddition de Ntaganda, Kigali croit-il ainsi donner une nième preuve de sa bonne foi lorsqu’il clame sur tous les toits qu’il ne soutient pas les rebelles congolais du M23? L’arrestation de Ntaganda était-elle l’une de plusieurs conditions sine qua non à la levée des sanctions économiques contre le Rwanda? A entendre les déclarations péremptoires de Paul Kagame contre la Justice Internationale, on en déduit qu’il a courbé l’échine pour éviter un suicide politique.

Mais ce n’est pas suffisant. Que va faire Kigali des centaines de soldats ayant suivi le Général renégat dans sa fuite? Les livrer manu militari aux autorités kinoises? Les garder impunément au Rwanda et donner ainsi l’impression d’avoir rapatrié ses propres soldats du Congo? Quid de l’autre faction des M23 encore armée dans l’Est du Congo? En livrant Ntaganda aux Américains, Kigali a ainsi pelleté en avant car le bourbier congolais reste entier et Kigali y est toujours plongé jusque-là! Le Rwanda vient tout de même de faire une ultime démonstration que c’est lui qui décide de tout à l’Est de la RDC, qu’il décide de qui mettre à la tête de la rébellion et qui détrôner, qui arrêter et décider de son sort.

Le cas de Bosco Ntaganda qui s’est sûrement décidé à Kigali est une autre illustration que l’histoire se répète. Notons enfin que les États-Unis avaient récemment mis le prix sur toute information permettant la capture Bosco Ntaganda qu’ils considéraient comme criminel de guerre. Le Rwanda devrait donc s’adjuger cette récompense d’un montant de $ 5 millions.

Espérons que la reddition du Général Ntaganda marque le début de la fin de l’impunité pour le Terminator congolais.

Par Philibert Muzima

Source : http://www.rdirwandarwiza.com