Climat sous haute tension au Burundi à la veille des élections
Les mesures de sécurité ont été renforcées au Burundi à la veille d'élections controversées. Ici un militaire patrouillant le 27 juin 2015.
Des explosions de grenades et des tirs ont été entendus dans plusieurs quartiers de Bujumbura samedi 27 juin au soir. Ces attaques sont devenues quasi-quotidiennes ces derniers jours. Le gouvernement et l’opposition s’accusent mutuellement d’en être, sur fond d’échec des négociations autour d’un éventuel report voulu par l’équipe de facilitation internationale. Samedi, ils étaient nombreux à avoir choisi de quitter la capitale. Gares routières bondées, minibus et cars débordant de passagers comme de bagages.
Des bagages qui passent par les fenêtres des bus, des familles qui se disent au revoir sur le bord de la route et au milieu, un prêcheur qui hurle à qui veut l’entendre la bonne parole. Ils sont nombreux à fuir le micro, tout en observant la réaction de leurs voisins. L’un d’eux finit par accepter. «L'insécurité qui règne à Bujumbura pousse les gens à prendre la fuite pour se réfugier à la campagne, dit-il. Ma femme et mon enfant vont regagner la campagne parce que je crois que la situation peut s'empirer d'un moment à l'autre».
Ces réticences à parler aux médias sont inhabituelles au Burundi. En cause, la multiplication des attaques à la grenade et les rumeurs devenues légion en l’absence des principales radios privées toujours fermées. Certains disent même préférer quitter le pays pour quelques jours, le temps de voir, le temps de savoir ce qu'il va se passer.
Elections maintenues malgré les tensions
Jusqu'ici, le principal argument avancé par le gouvernement du Burundi pour rejeter toute idée d'un nouveau report du calendrier électoral est qu'il doit éviter tout vide institutionnel. D'où sa décision de maintenir les législatives et communales à ce lundi et la présidentielle au 15 juillet, malgré les demandes répétées de la communauté internationale. La facilitation dans le dialogue, qui a réitéré cet appel jeudi sans résultat, a assuré samedi 27 juin qu'avec sa proposition de regrouper les élections législatives, communales et présidentielle au 30 juillet, il n'y aurait pas eu de vide institutionnel tant invoqué par le pouvoir.
«Ce que nous avons proposé respecte le cadre constitutionnel, assure le Sénégalais Abdoulaye Bathilye, représentant spécial de l'ONU en Afrique centrale et l'un des quatre facilitateurs dans la crise burundaise. Nous avons dit : «si les élections se déroulent sur la base du dialogue et les points qui ont été indiqués par les communiqués de la Communauté économique de l’Afrique de l’Est et de l’Union africaine, il est possible qu’on arrive à trouver une solution dans les délais constitutionnels. C’est ce que nous avons proposé. Il n’y aurait pas de vide institutionnel».
Pour lui, même en cas de débordement, « le Parlement doit être associé à ce processus. S’il devait y avoir même un problème de date en ce qui concerne les mandats qui seraient mis en jeu, le Parlement pourrait voter une loi pour réglementer cette question. Il y a eu un vide à propos de la Céni [la Commission électorale nationale indépendante, ndlr], mais le vide a été comblé parce que le Parlement est intervenu. Donc, il n’y aurait pas eu de vide constitutionnel. Absolument pas. Dans notre proposition, il n’y en aurait pas. Ça, je voudrais vraiment le dire très clairement. »
Le pouvoir droit dans ses bottes
Côté gouvernement, on campe sur ses positions. «Toute proposition allant dans le sens de reporter les élections est impossible et impensable, du moment que nous devons respecter les mandats des institutions de la République et la souveraineté nationale, insiste le ministre burundais de l'Intérieur Edouard Nduwimana, rappelant ainsi la ligne maintenue par le président burundais Pierre Nkurunziza. Nous n’avons pas encore vu cette proposition, mais dans tous les cas, nous vous disons que les élections, c’est pour le 29 juin 2015. »
Problème, le facilitateur international estime que des élections libres, transparentes et pacifiques ne sont pas garanties lundi 29 juin au Burundi. « Je ne sais pas la manière dont il apprécie, ce facilitateur, mais je pense qu’il y a de la mauvaise foi de sa part, rétorque le ministre de l'Intérieur pour qui la facilitation a clairement échoué. [Le facilitateur] n’a pas été reçu par le président, alors je pense qu’il est venu avec des idées préconçues. Nous lui avions bien annoncé que le gouvernement n’a pas l’intention de le récuser, mais que toute proposition allant dans le sens de reporter les élections constitue une récusation de sa part. Je pense qu’il devrait se récuser d’office. Pour le processus actuel, sa facilitation a quand même échoué parce que son rôle, c’est exactement de convaincre l’opposition pour qu’elle aille aux élections. »
RFI