RDC : retrait du Qatar de la médiation à Doha — le front se réchauffe, le Burundi entre dans la danse et Kigali sur la sellette.
Kinshasa, 8 octobre 2025 — La décision du Qatar de suspendre sa médiation des pourparlers de Doha entre le gouvernement congolais et la coalition M23–AFC a immédiatement ravivé les tensions sur le terrain et relancé les interrogations sur l’avenir immédiat du conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo. Sans médiateur international perçu comme impartial, la logique militaire risque de reprendre le pas sur la diplomatie — avec des acteurs régionaux (notamment le Burundi) qui pourraient jouer un rôle décisif, et des conséquences politiques et diplomatiques lourdes pour le Rwanda.
Dès l’annonce de la suspension qatarie, des mouvements et accrochages ont été signalés dans plusieurs secteurs du Nord-Kivu et du Sud-Kivu — zones où la présence du M23 s’est accrue cette année. L’absence d’un cadre de négociation entraîne un double effet : d’un côté, le M23 se sent moins contraint et multiplie les démonstrations de force ; de l’autre, Kinshasa se trouve sous pression pour «reprendre» les territoires et répondre aux appels de populations locales traumatisées. Cette dynamique augmente le risque d’une offensive généralisée, notamment autour de centres urbains stratégiques comme Goma et Bukavu.
Le rôle (et l’incertitude) des forces burundaises.
Le Burundi a, par épisodes, envoyé des contingents au côté des forces pro-Kinshasa ou des forces coalisées contre le M23, avant d’opérer des retraits partiels rapportés ces derniers mois. Les sources internationales décrivent une situation mouvante : à certains moments Bujumbura a affirmé la présence de troupes engagées dans des opérations anti-M23, à d’autres moments des retraits ou repositionnements ont été signalés. La suspension de Doha pourrait pousser le gouvernement burundais à reconsidérer son engagement : soit en renforçant une contribution militaire coordonnée avec Kinshasa (risque d’ouverture d’un nouveau front commun), soit en restant prudent pour ne pas internationaliser davantage le conflit. Dans les deux cas, toute implication burundaise amplifierait la dimension régionale du conflit.
Conséquences pour le Rwanda : isolement diplomatique, pression économique et risque militaire.
Le retrait du Qatar complexifie la donne pour Kigali. Accusé par Kinshasa et par plusieurs rapports d’expert d’exercer une influence — directe ou indirecte — sur le M23, le Rwanda voit sa marge de manœuvre diplomatique réduite : les initiatives qui cherchaient à «normaliser» la situation (accords régionaux, projets économiques) risquent d’être gelées tant que la question de la soutenance du M23 par des acteurs extérieurs ne sera pas résolue. Sur le plan pratique, le blocage d’accords économiques et la suspension de certaines coopérations (ou leur renégociation) constituent des leviers supplémentaires de pression. Enfin, si une coalition militaire (FARDC renforcées, appui burundais et autres alliés régionaux) se met en place pour reconquérir les territoires occupés, Kigali pourrait se retrouver militairement engagée indirectement ou contrainte d’augmenter son soutien au M23 — situation susceptible d’aggraver son isolement face à la communauté internationale.
Scénarios probables à court terme.
- Escalade militaire : sans médiation active, Kinshasa lance une vaste offensive pour « libérer » Goma, Bukavu et autres territoires — le risque d’un affrontement frontal avec des forces soutenues par Kigali devient réel.
- Guerre d’usure et contrôle territorial : combats localisés, annexions de fait de territoires par le M23, gouvernance parallèle et crises humanitaires prolongées (pénurie de soins, déplacements massifs).
- Reprofilage diplomatique : réactivation d’autres médiations (Union africaine, Angola, États-Unis ou retour du Qatar sous condition) si la pression humanitaire et diplomatique devient insoutenable.
L’impact immédiat se fera sentir sur les civils : hôpitaux à court de médicaments, exodes internes et besoin accru d’aide humanitaire, comme le soulignent organisations et médias sur le terrain. Parallèlement, une régionalisation du conflit (interventions burundaises, positionnement rwandais, implications des voisins) pourrait fragiliser la stabilité dans les Grands Lacs et compromettre tout projet économique ou d’intégration régionale en gestation.
Le retrait du Qatar fragilise l’un des rares cadres internationaux susceptibles d’exercer une pression diplomatique neutre. Sans médiation crédible, le choix revient aux acteurs congolais et régionaux : prendre le chemin de la force pour reprendre le contrôle des territoires — avec un risque élevé d’affrontement régional — ou maintenir une posture plus prudente, accueillir d’autres médiateurs et préserver un fragile cessez-le-feu en attendant une relance politique. Dans tous les cas, la population civile paiera le prix fort si la diplomatie ne redevient pas la priorité immédiate.
Veritasinfo.