Le Rwanda lâche apparemment le M23, mais que cache ce revirement spectaculaire?

Publié le par Veritas

Lors du sommet des chefs d’État de la région des Grands Lacs tenu ce jeudi 29 mai 2025 à Kampala, une déclaration a surpris bon nombre d’observateurs : le général James Kabarebe, représentant officiel du Rwanda, a condamné fermement les exactions commises par la coalition rebelle M23-AFC et exigé leur retrait des territoires occupés à l'Est de la RDC. Une sortie qui, si elle semble marquer une rupture, cache mal les manœuvres régionales en cours autour du démantèlement de l’État congolais.

Le Rwanda, représenté par James Kabarebe au sommet de haut niveau sur la paix et la sécurité qui s'est tenu à Entebbe en Ouganda

Un désaveu du M23… ou un écran de fumée ?

Kabarebe a dénoncé les massacres, enlèvements, pillages et tortures commis par les éléments du M23-AFC, s’appuyant sur le récent rapport accablant publié par Human Rights Watch (HRW). Il a qualifié les actions de la coalition comme étant des crimes graves contre les populations civiles, dans des zones comme Rutshuru, Masisi et Nyiragongo. Cette condamnation publique par Kigali survient après des années d’accusations contre le Rwanda pour son soutien militaire et logistique au M23. Mais derrière ce geste diplomatique, le gouvernement congolais voit une stratégie bien plus profonde et dangereuse se dessiner.

Kabila et ses anciens lieutenants à Goma : la machine se met en place

Selon des sources sécuritaires à Kinshasa, Joseph Kabila, ancien président de la République, est actuellement à Goma, accompagné de Moïse Nyarugabo, Azarias Ruberwa et Bizima Karaha, tous d'anciens cadres issus des rébellions pro-rwandaises (AFDL, RCD). Leur présence soulève des soupçons graves. Pour Kinshasa, Kagame miserait sur Kabila comme cheval de Troie, afin de diviser la RDC de l’intérieur, sur le modèle syrien, pour mieux asseoir le contrôle rwandais sur l’Est.

L'objectif ? Faciliter la balkanisation du pays, en s'appuyant sur l’idéologie expansionniste de l'empire Hima-Tutsi, un vieux projet régional visant à constituer un vaste territoire contrôlé indirectement par Kigali, allant de l'Ouganda jusqu’aux deux Kivu.

Joseph Bahati appelle à un État Tutsi à l’Est.

Dans une déclaration incendiaire, Joseph Bahati, gouverneur autoproclamé de la coalition M23-AFC, a récemment lancé un appel à la population tutsi de la région, déclarant que «le moment est venu de trouver notre propre pays à l’Est de la RDC». Ce message est vu comme une provocation majeure et une tentative assumée de sécession territoriale, sur fond de manipulation identitaire et de guerre d’influence.

Une CPI sous pression : vers des mandats d'arrêt ?

La reconnaissance indirecte du M23-AFC comme groupe armé criminel par Kabarebe pourrait ouvrir la voie à des poursuites judiciaires internationales. Si la Cour pénale internationale décidait d'agir comme dans le cas du CNDP et de Bosco Ntaganda, plusieurs noms pourraient figurer sur un mandat d’arrêt potentiel :

  • Joseph Kabila, accusé d’être le leader politique de la coalition,
  • Corneille Nangaa, son bras administratif,
  • Sultani Makenga, chef militaire du M23,
  • Et même Paul Kagame, soupçonné d’être l’architecte de la stratégie régionale.

Un faux désengagement ou une recomposition géopolitique ?

Certains analystes pensent que la déclaration de Kabarebe ne marque pas une véritable rupture avec le M23-AFC, mais plutôt une reconfiguration stratégique : Kigali chercherait à se déresponsabiliser publiquement, tout en conservant ses leviers d’influence sur le terrain à travers des figures comme Kabila et ses anciens alliés rebelles. Un jeu subtil de dédoublement d’alliance qui permettrait au Rwanda de garder la main tout en se présentant comme acteur de paix.

Conclusion : la RDC à l’épreuve d’un complot régional ?

Les récents développements à Goma, les déclarations de Bahati, et le discours surprenant de Kabarebe à Kampala confirment une chose : la stabilité de la RDC est plus que jamais menacée de l’intérieur et de l’extérieur. La prétendue rupture du Rwanda avec le M23 ne saurait masquer une réalité géopolitique plus sombre : celle d’un projet de démembrement national, orchestré sur fond de trahisons internes et d’ingérences transfrontalières.

Par notre correspondant à Kampala/Veritasinfo.

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