France: Charles Onana condamné pour contestation du génocide des Tutsis -Une décision historique du tribunal de Paris.
Paris, le 9/12/2024 – Le tribunal de Paris a rendu une décision marquante dans l'affaire Charles Onana. L'écrivain et journaliste a été reconnu coupable de "contestation de crime contre l'humanité" pour des passages de son ouvrage "Rwanda, la vérité sur l'opération Turquoise". Cette condamnation, inédite en France pour ce type d'accusation, constitue une étape majeure dans la lutte contre le négationnisme du génocide des Tutsis au Rwanda.
Une décision qui fait jurisprudence.
Le jugement de la 17e chambre correctionnelle de Paris a été perçu comme un signal fort. Les juges ont estimé que certaines affirmations du livre d’Onana, notamment la thèse qualifiant la planification du génocide d'«escroquerie», remettaient en cause des faits pourtant établis par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
La mise en doute explicite de la réalité du génocide ou l’utilisation de guillemets autour du mot "génocide" ont été jugées contraires à la loi française sur la contestation des crimes contre l'humanité. En réponse à cette décision, Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx ont annoncé faire appel, invoquant la défense de la liberté d'expression et la nécessité de débattre des responsabilités historiques.
Les arguments de la défense.
Lors du procès, la défense d’Onana a reposé sur plusieurs points essentiels :
Reconnaissance du génocide : Charles Onana a affirmé ne jamais avoir nié le génocide des Tutsis, qu’il considère comme un fait incontestable.
Critique du Front Patriotique Rwandais (FPR) : Il a soutenu que le FPR avait utilisé le terme "génocide" à des fins politiques dès avril 1994, sans en apporter la preuve.
Opération Turquoise : La défense a fait témoigner des officiers français pour justifier que l’action de la France au Rwanda visait à protéger des populations et ne constituait en aucun cas un soutien aux génocidaires.
Onana a également cherché à se démarquer du négationnisme, tout en défendant sa liberté de critique sur les responsabilités du FPR, qu’il accuse d’avoir manipulé les événements pour des intérêts politiques.
Les points de discorde avec les parties civiles.
Les parties civiles, représentées par des associations de rescapés du génocide et des organisations de lutte contre le négationnisme, ont dénoncé trois points majeurs :
Planification du génocide : Là où Onana parle d'« escroquerie », les parties civiles considèrent la planification du génocide comme un fait irréfutable.
Inversion des responsabilités : En pointant la responsabilité du FPR dans le déclenchement des événements, Onana est accusé par les parties civiles de réécrire l'histoire et de dédouaner les génocidaires hutus.
Propagande : Les avocats des parties civiles ont souligné les similitudes entre les propos d’Onana et les discours de propagande des extrémistes hutus avant et pendant le génocide.
Conséquences de la condamnation.
La condamnation de Charles Onana a plusieurs implications importantes. Elle réaffirme la jurisprudence française sur la contestation des crimes contre l'humanité, s'inscrivant dans la lignée des précédents procès de négationnistes de la Shoah. Cette décision marque également un avertissement à l’égard des auteurs et éditeurs qui remettent en cause la nature même de certains événements historiques.
Du point de vue symbolique, ce jugement protège la mémoire des victimes du génocide des Tutsis, qui reste un sujet sensible au Rwanda et à l'international. Pour les organisations de lutte contre le négationnisme, cette victoire est perçue comme un signal fort contre la propagation d'idéologies révisionnistes.
Des réactions publiques divisées.
La décision du tribunal a suscité des réactions contrastées. À la sortie de l’audience, une partie du public a scandé des slogans en soutien à Onana, notamment «Onana innocent» et «Kagame assassin», visant le président rwandais Paul Kagame. Les forces de l’ordre ont dû intervenir pour faire évacuer les manifestants de la salle d’audience.
Sur les réseaux sociaux, les avis sont également partagés. Certains soutiens de Charles Onana dénoncent un "procès politique" visant à museler toute critique envers le Front Patriotique Rwandais et son chef, Paul Kagame, au pouvoir depuis près de 30 ans. À l’inverse, de nombreuses associations de rescapés du génocide saluent un "acte de justice" pour la mémoire des victimes.
Un procès qui fait écho au contexte géopolitique.
Au-delà du cadre judiciaire, le procès d'Onana ravive les débats sur le rôle de la France au Rwanda. La question de l’implication française pendant le génocide reste une source de controverse, notamment sur la responsabilité de l'opération Turquoise, souvent accusée d’avoir servi de "couloir de fuite" pour les génocidaires hutus.
La condamnation d’Onana intervient également dans un contexte de relations tendues entre Paris et Kigali. Le président Emmanuel Macron a déjà reconnu en 2021 la "responsabilité accablante" de la France dans l'abandon des Tutsis, mais des zones d'ombre demeurent sur la nature exacte du soutien français au régime hutu avant 1994.
Conclusion.
La condamnation de Charles Onana pour contestation du génocide des Tutsis au Rwanda est perçue par certains comme une victoire de la mémoire contre le révisionnisme. Pour d'autres, elle symbolise un dangereux précédent portant atteinte à la liberté de débat sur l’histoire des conflits africains.
En attendant l’appel, les débats sur la liberté d'expression, la mémoire des victimes et la responsabilité des acteurs internationaux dans le génocide rwandais ne manqueront pas de s'intensifier. Une chose est certaine : ce procès, au croisement de l’histoire, de la mémoire et de la justice, continuera de faire couler beaucoup d’encre.
Par "VeritasInfo".