Tshisekedi céderait-il l'Est de la RDC au Rwanda dans sa lutte contre les FDLR?
Depuis plusieurs mois, des interrogations persistent sur les véritables intentions du président Félix Tshisekedi en ce qui concerne la gestion du conflit à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les récents développements laissent craindre que le chef de l'État congolais puisse, volontairement ou sous pression, céder à l'influence de Kigali, voire permettre au Rwanda de renforcer son emprise sur cette partie dévastée du pays. La traque des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), autrefois alliées de Kinshasa, en serait l'illustration.
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Un « amour parfait » entre Kinshasa et Kigali?
«Nous avons l’impression qu’il y a un amour parfait entre le pouvoir de Kinshasa et celui de Kigali », s’indigne le député national Justin Bitakwira. Cette déclaration, teintée de frustration, résume le sentiment de nombreux Congolais face à la situation sécuritaire qui prévaut dans l'Est du pays. En effet, cela fait trois ans que la ville de Bunagana, située dans le Nord-Kivu, est sous l’occupation du mouvement rebelle M23, soutenu par le Rwanda. Malgré cela, le gouvernement congolais n’a ni fermé ses frontières avec le Rwanda, ni coupé ses relations diplomatiques avec ce voisin accusé de piller les ressources de la RDC et de déstabiliser la région.
Pour Bitakwira, tout cela ressemble à «du théâtre». Cette proximité entre les deux capitales suscite de nombreuses interrogations. D’autant plus que, selon des informations relayées par «AfricaIntelligence», Félix Tshisekedi a décidé de mener une offensive contre les FDLR, un groupe rebelle rwandais basé en RDC, sous la pression des puissances occidentales, notamment les États-Unis et l'Europe.
Une guerre d’influences internationales!
Les FDLR, composés en grande partie de réfugiés hutus ayant fui le Rwanda après le génocide de 1994, étaient jusqu’à présent considérés comme des alliés stratégiques de Kinshasa dans sa lutte contre le M23. Ce groupe armé (M23), soutenu par Kigali, est responsable de nombreux massacres et d'actes de pillage dans l’Est de la RDC. Cependant, en dépit de cette alliance de circonstance, Tshisekedi a pris la décision de combattre les FDLR, une décision qui semble davantage motivée par le besoin de conserver le soutien des puissances occidentales, soucieuses de maintenir un équilibre fragile dans la région des Grands Lacs.
Le paradoxe réside dans le fait que ces mêmes puissances, tout en exerçant une pression sur Kinshasa pour neutraliser les FDLR, sont perçues comme soutenant indirectement le régime de Paul Kagame au Rwanda, régime accusé de déstabiliser l’Est de la RDC. En ciblant les FDLR, Kinshasa affaiblit de fait un acteur clé de la résistance face au M23, facilitant ainsi l'avancée de ce groupe rebelle (M23) et, par extension, l'influence rwandaise.
Collusions avec des caciques des FARDC.
Ces derniers jours, le renseignement a permis de localiser la cible (général Omega) dans le village de Shovu, près de la cité de Saké. Omega, le chef des FDLR, s'est volatilisé peu avant l’arrivée des forces spéciales et des éléments de la 11e brigade. Cette fuite mystérieuse a semé le doute au sein de l'état-major sur d'éventuelles collusions avec des responsables locaux des Forces armées de la RDC (FARDC). Sous le commandement du «général Jérôme Chico Tshitambwe», les opérations continuent néanmoins, avec l'appui de plusieurs officiers supérieurs, dont les colonels Serge Monga Nonzo et Donatien Bawili, ce dernier étant impliqué dans le massacre de Goma, le 30 août 2023.
La capacité d’Omega à anticiper l’arrivée des commandos a renforcé la suspicion de liens avec des caciques locaux des FARDC. Un des cadres des FDLR, Lucien Nzabamwita, alias André Kalume, a d’ailleurs été repéré à Goma le 20 septembre. Ces collusions sont alimentées par le fait que Peter Cirimwami, le gouverneur militaire du Nord-Kivu, documenté pour ses liens avec les FDLR par le groupe d'experts de l’ONU, a récemment ordonné le déploiement de miliciens FDLR sur la ligne de front.
Cette manœuvre coïncide avec un accord signé le 30 août 2024 entre les services de renseignement rwandais et congolais, prévoyant un plan pour la neutralisation des FDLR, accompagné du retrait des troupes rwandaises du territoire congolais. Ce document, négocié sous la médiation de l’Angola et de l’Union africaine (UA), a toutefois été rejeté par la ministre congolaise des affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, lors d’une réunion ministérielle à Luanda en septembre.
Proxys pour les troupes d’Omega
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Les FDLR peuvent compter sur de solides alliances avec d'autres mouvements armés composés en partie de Hutus. Parmi ces groupes, trois se démarquent par leur fidélité aux FDLR : le Collectif des mouvements pour le changement-Forces de défense du peuple (CMC/FDP), dirigé par Dominique Kamanzi Ndarurutse, déjà ciblé par des sanctions de l'Union européenne pour violations des droits humains ; l'Union des patriotes congolais pour la résistance nationale (UPCRN), menée par un certain «Kagiri» ; et l'Alliance des nationalistes congolais pour la défense des droits humains (ANCDH/AFDP), sous la direction du «général Jean-Marie».
Ces groupes, réputés pour l'expérience de leurs combattants, servent de proxys aux troupes d'Omega, chef des FDLR, qui répartit ses forces au sein de ces diverses milices en fonction des opportunités et des menaces. Certains soldats des FDLR opèrent même sous des uniformes des FARDC, compliquant encore davantage l'identification des éléments fidèles à Omega, dont le contingent est estimé à près de 1 000 hommes, majoritairement congolais.
Cet entrelacement de forces armées rend la situation encore plus complexe pour Kinshasa, notamment dans ses efforts pour expurger les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), ou «Wazalendo», de ces miliciens imprégnés d’une idéologie héritée des génocidaires hutus. Les réactions de ces groupes armés, qui se sentent trahis par le sort réservé à leurs frères d'armes ayant combattu avec acharnement contre le M23, pourraient à terme perturber le fragile équilibre militaire du gouvernement congolais. Certaines de ces milices menacent déjà de se retourner contre Kinshasa, ce qui risquerait de fracturer encore davantage les FARDC et de bouleverser les dynamiques sécuritaires dans l’Est.
Repositionnement américain.
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Alors que les efforts de médiation angolais, menés par le président João Lourenço, continuent, notamment à travers une rencontre bilatérale prévue en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, les espoirs de résoudre la crise à l’Est se sont estompés. Lourenço avait espéré annoncer des avancées significatives sur le dossier de l’Est congolais, tandis que Tshisekedi envisageait de présenter la neutralisation d’Omega comme un gage envers ses alliés internationaux. Washington, en particulier, s'est repositionné dans cette crise. Après l’échec des négociations à Luanda, la directrice du renseignement national américain, «Avril Haines», a intensifié la pression sur Tshisekedi pour qu'il enclenche les opérations contre les FDLR et rompe les liens entre son armée et le groupe armé.
Cependant, la situation reste complexe, car la nébuleuse milicienne hutue du Nord-Kivu, regroupée au sein des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), ou «Wazalendo», s’est renforcée, compliquant davantage les opérations de neutralisation. La question demeure: Tshisekedi cherche-t-il réellement à protéger l’intégrité territoriale de son pays, ou cède-t-il, sous la pression, aux intérêts étrangers, au risque de perdre une partie de l’Est congolais au profit de groupes armés et de puissances étrangères comme le Rwanda ?
Veritasinfo