L'Arménie, la francophonie et le dictateur rwandais
L'Arménie est-elle bien le lieu pour faire un triomphe politique à un dictateur génocidaire ? La semaine prochaine doit être désigné le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie. Par une étrange ironie de l’histoire, c’est à Erevan, capitale de l’Arménie, que doit être fait ce choix.
Verra-t-il le triomphe politique d’un des pires massacreurs de l’histoire, dont le bilan est pire que celui de Talaat Pacha1 ? Avant de commettre ses immenses forfaits, Hitler disait à ses proches, s'exonérant par avance de ses entreprises criminelles : "Qui se souvient encore du génocide des Arméniens ? " La suite a montré combien l’oubli, même passager, des malheurs des Arméniens a pavé à voie au génocide des Juifs. Le monde juif a , lui, fort heureusement veillé à ce que la mémoire de la Shoah demeure dans les esprits.
Si Paul Kagame, président du Rwanda, réussit à placer sa candidate, son ministre des affaires étrangères Louise Mushikiwabo, au secrétariat général de la francophonie, on pourra dire : «Qui se souvient encore du génocide des Rwandais ? ». Pas le génocide que tout le monde connait, celui de l’ethnie minoritaire, historiquement dominante, à laquelle appartient le président Kagame, mais l’autre qui a eu lieu dans les années qui ont suivi et qui a fait au moins dix fois plus de victimes dans l’ethnie majoritaire.
La version standard, parfaitement fallacieuse, des massacres de 1994 selon laquelle Kagame, à la tête du Front patriotique rwandais y aurait mis fin, prend eau de toute part. Elle est aujourd’hui remise en cause par des témoignages de plus en plus nombreux, dont celui des proches du dictateur ayant fait défection, qui montrent que c’est Kagame lui-même qui a organisé l’attentat du 6 avril 2014 qui a coûté la vie à son prédécesseur et au président du Burundi, ainsi qu’à deux pilotes français, attentat qui a déclenché le massacre de centaines de milliers de ses congénères de l’ethnie tutsi. Ce qui est resté longtemps ignoré mais qui a été attesté par le Haut-Commissariat aux Nations unies pour les réfugiés :
Après avoir pris le pouvoir, Kagame, dont l’invasion sanglante du Rwanda en 1990, était déjà à l’origine de tous les drames, a diligenté à partir de 1997 des opérations de représailles au Congo voisin, qui se sont traduites par le massacre systématique de millions de réfugiés houtous et de nombreux congolais. Le bilan de ce second massacre serait de 4 à 6 millions de morts. Il a eu lieu dans l’obscurité des forêts équatoriales du Congo-Kinshasa et a été exécuté sur les ordres de Kagame, chef d’Etat toujours au pouvoir vingt-cinq ans après et à qui la plupart des chefs d’état du monde déroulent le tapis rouge.
Kagame a très bonne réputation à Bruxelles, la bureaucratie européenne ayant constaté que les rues étaient aussi propres à Kigali, la capitale du Rwanda, qu’à Pyongyang ! Kagame préside même cette année l’Union africaine. Il est évidement hors de question qu’il comparaisse devant le Tribunal pénal international qui ne juge que les vaincus. Pourtant la vérité d’un double génocide, contestée jusqu’ici, s’impose peu à peu2.
C’est dire combien se déshonoreraient les pays francophones en désignant la candidate rwandaise soutenue par Kagame et aussi, tout le monde se demande pourquoi, par Macron, au secrétariat général de la francophonie. Pour la France, le déshonneur se doublerait du ridicule dans la mesure où le régime de Kigali n’a cessé de couvrir d’accusations mensongères l’armée française qui avait tenté de s’interposer à la demande de l’ONU, et qui n’a rien fait qui la déshonore au Rwanda. Le même régime y a, qui plus est, ordonné l’abandon de la langue française au bénéfice de l’anglais, ce qui laisse supposer qu’il veut rendre le contrôle de cette organisation pour la détruire.
Il est même vital de dire que l’élection de la candidate de Kagame, apparaîtra, le jour prochain où toute la vérité sera rendue publique sur les drames du Rwanda, pour ce qu’elle est : une défaite de l’humanité. La secrétaire générale sortante, la canadienne d’origine haïtienne, Michaëlle Jean, n’a pas, quoi qu’on dise, démérité. Sa reconduction est aujourd’hui la seule solution honorable pour la francophonie.
[Ndlr : Clique ici pour lire le rapport top secret du TPIR sur les massacres du FPR et Paul Kagamé]
Roland HUREAUX/libertepolitique.com