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Rwanda : « Nous gardons espoir, notre souffrance sera reconnue un jour »
Publié le
par veritas
Patrick Horanimpundu
Rescapé d’une épuration ethnique perpétrée entre 1995 et 1998 dans sa commune de Gaseke, au nord du Rwanda, Patrick Horanimpundu raconte l’horreur qu’il a vécue, notamment la tuerie qui a emporté la quasi-totalité de sa famille alors qu’il se trouvait caché, effrayé, sous un lit à quelques pas de là. Installé en Belgique depuis peu, il livre son témoignage sur le cauchemar amorcé en 1995, au moment de son retour au Rwanda après des mois dans un camp de réfugiés à l’Est du Zaïre (devenu République démocratique du Congo). Patrick revient aussi sur plusieurs autres carnages qui ont touché sa commune mais aussi les communes avoisinantes.
Patrick est issue d’une famille nombreuse de 14 enfants, originaire de la commune de Satinsyi à Ngororero, dans la région de Muramba. En 1994, en compagnie de centaines de milliers de ses compatriotes, il fuit le Rwanda et se retrouve dans le camp de réfugiés de Mugunga à l’Est de la RDC en compagnie de sa famille. En mai 1995, il est parmi les premiers réfugiés à rentrer au Rwanda aux côtés de sa mère. Ses autres frères et sœurs, pas encore rassurés sur les conditions sécuritaires au Rwanda, préfèrent rester au camp, et ce n’est qu’à la fin de l’année 1996 que toute la famille rentre au pays.
Quelques semaines seulement après le retour de sa famille au Rwanda, l’horreur commence: « Fin 1996 le FPR s’est livré à une extermination systématique de la population. Je peux vous donner l’exemple de ce que j’ai vu de mes propres yeux. À une colline en face de chez nous, dans un lieu qu’on appelait Rutare, une centaine de soldats du FPR ont quitté leur position à Muramba, ils sont passés non loin de notre habitation, et arrivés à Rutare , ils se sont mis à tirer sur toute personne qu’ils croisaient. Il y a eu environ une quinzaine de victimes. En entendant les coups de feu beaucoup ont couru pour aller se cacher, parmi les victimes il y avait des femmes et des enfants, je me souviens d’un homme au nom de Murigande qui fut abattu alors qu’il cultivait son champs. »
Dès cette date, un climat de peur s’est installé dans la région, chaque personne craignant d’être la prochaine cible des tueries qui s’amorçaient. Le 21 janvier 1997 vers 20h30, Patrick qui était en compagnie de son neveu Gilbert, aujourd’hui également réfugié en Belgique, ont vu des soldats qui pénétraient dans leur parcelle. Il raconte ensuite le carnage perpétré chez lui, au cours duquel une grande partie de sa famille, dont 7 frères et sœurs et sa mère, fut exterminée. Gilbert et lui eurent la vie sauve en se cachant sous un lit, et grâce à l’obscurité dans la maison. « Ce jour-là, presque toute ma famille fut décimée par les soldats du FPR. Je fus parmi les quelques survivants sur ceux qui étaient présents ce soir-là. On est 3 à avoir survécu à cette tuerie, au total 13 membres de ma famille furent abattus froidement par plusieurs hommes qui ont fait irruption chez nous à la tombée de la nuit, c’était vers 20h30. J’ai survécu en me cachant sous le lit, moi avec un de mes neveux. Un de nos voisins qui a simplement croisé le chemin de ces soldats revenant de chez nous, fut aussi tué. En tout, 14 personnes perdirent la vie ce soir-là, même un nourrisson présent dans la maison au moment des faits n’a pas été épargné. »
Patrick explique que peu après l’extermination de sa famille, il a été obligé de quitter la maison familiale, pour aller se réfugier chez son frère qui habitait à quelques kilomètres de là. Mais là aussi il dit qu’il sentait la menace planer sur eux, étant rescapé et témoin du massacre qui venaient d’être perpétré contre sa famille. « Chez mon frère où je me suis réfugié après les massacres à la maison, je ne me sentais pas en sécurité. Les soldats de FPR rodant par-là, ils venaient régulièrement à la maison, souvent la nuit, prétextant venir voir si tout va bien, mais c’était une façon de nous surveiller et voir qui habitait là, contrôler nos moindres faits et gestes. Même les amis et voisins nous mettaient en garde du risque qui pesait sur notre famille. Ainsi j’ai pris la décision d’aller me réfugier chez ma grand-mère, qui habitait dans une commune voisine. Deux autres survivants de ma famille sont partis se réfugier chez ma sœur à Ruhengeri ».
« C’est chez ma grand-mère dans la commune de Gaseke que j’ai vu les pires des atrocités, j’y ai vécu entre 1997 et début 1999. On fuyait tout le temps, personne ne cultivait son champ, les enfants n’allaient pas à l’école, les incursions des soldats du FPR dans les quartiers étaient réguliers, c’est pourquoi on passait notre temps à fuir pour se cacher loin des maisons dans la forêt, la brousse ou les bananeraies, » ajoute-t-il.