Protestation contre la candidature de la Ministre rwandaise des Affaires étrangères, Mme Louise MUSHIKIWABO à la tête de l’OIF
A son Excellence Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République française
Palais de l’Elysée – PARIS
Transmis copie pour information
Aux Personnalités politiques françaises suivantes :
- Edouard PHILIPPE, Premier ministre
- Jean-Yves LE DRIAN, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
- Laurent WAUQUIEZ, Président des Républicains
- Jean-Luc MELENCHON, Président du groupe FI à l’Assemblée nationale
- Olivier FAURE, Premier secrétaire du parti socialiste
- Mme Marine LE PEN, Présidente du Front national
Paris, le 17 mai 2018
Objet : Notre protestation contre la candidature de la Ministre rwandaise des Affaires étrangères, Madame Louise MUSHIKIWABO, à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Monsieur le Président,
Lors du XVIIesommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui se tiendra les 11 et 12 octobre prochain à Erevan en Arménie, il est prévu que les Etats membres de cette grande famille de la Francophonie examinent la reconduction ou non de Madame Michaël JEAN dans ses fonctions de Secrétaire générale pour un nouveau mandat de quatre ans.
Dans l’entretemps, l’hebdomadaire panafricain, Jeune Afrique, vient de révéler, dans son édition en ligne du 8 mai 2018 à 21h35 (et mis à jour à 21h40), une probable candidature de la ministre rwandaise des Affaires étrangères et de la coopération, Madame Louise MUSHIKIWABO, à la tête de l’OIF lors du dit sommet. Et l’hebdomadaire souligne en passant que cette probable candidature du Rwanda aurait reçu le soutien de l’Elysée. Cette révélation a provoqué un choc dans les milieux des Congolais de la diaspora et de l’intérieur du pays à la simple hypothèse du soutien de la France à cette candidature.
C’est pourquoi par la présente, le Conseil National de la Résistance Congolaise (CNRCen sigle) et l’Alliance des Patriotes pour la Refondation du Congo (APARECOen sigle), deux grandes plates-formes politiques qui regroupent en leurs seins plusieurs mouvements des patriotes congolais de la diaspora et de l’intérieur du pays qui luttent contre l’occupation de la République Démocratique du Congo par le Rwanda et l’Ouganda, se voient dans l’obligation d’élever une vive protestation et d’attirer votre haute attention sur les raisons qui suscitent de profondes indignations de la grande majorité du peuple congolais réduit aujourd’hui au silence par un régime sanguinaire et répressif dirigé en l’occurrence par un ancien officier de l’armée rwandaise, «Joseph KABILA».
Monsieur le Président,
Deux raisons principales, l’une d’ordre culturel et l’autre politique, justifient l’inquiétude, l’indignation et la colère de la majorité des congolais :
- Sur le plan culturel,
Dès son avènement au pouvoir au Rwanda à l’issue du génocide tutsi et hutu en 1994, l’une des premières réalisations du régime de Monsieur Paul KAGAME fut de combattre la langue française au profit de l’anglais. Souvenez-vous en : le Rwanda quitta avec fracas la francophonie pour rejoindre le Commonwealth en novembre 2009 à l’issue du sommet qui a eu lieu à Trinidad et Tobago.
Point n’est besoin de vous rappeler que la langue administrative au Rwanda depuis 1994 n’est plus le français mais l’anglais. Et en 2008, s’inscrivant dans cette lignée, le gouvernement rwandais a officiellement remplacé le français par l’Anglais qui est ainsi devenu la langue d’enseignement obligatoire dans le public.
Par conséquent, dans les écoles primaires et secondaires, l’anglais a pris l’ascendant sur le français comme l’a d’ailleurs précisé fièrement à l’AFP, Mme Louise MUSHIKIWABO, alors ministre de l’information et porte-parole du gouvernement rwandais, à l’issue du sommet de Trinidad et Tobago en novembre 2009. Nous la citons : « Mon gouvernement voit cette accession comme une reconnaissance des progrès remarquables accomplis au cours des quinze dernières années ».
Loin de nous l’idée de condamner la promotion des deux langues (français et anglais) dans nos écoles africaines, nous stigmatisons cependant l’aversion politique exprimée par le Régime de Paul Kagamé contre l’usage du français au Rwanda, aversion qui s’est traduite par la brutalité qui a accompagné ce processus de substitution.
Par conséquent, accorder aujourd’hui au Rwanda la présidence de l’OIF juste après son rejet ostentatoire de la langue française semble paraitre aux yeux des dizaines de millions de francophones congolais et des autres francophones du monde comme une prime au régime politique du Rwanda pour son hostilité avérée contre la francophonie. C’est un très mauvais signal que la France donne-là à la grande famille de la francophonie dont l’un des objectifs majeurs consiste justement à la promotion de la langue française dans le monde.
- Sur le plan politique,
Il n’est plus un secret pour personne que depuis 1996, le Rwanda est au cœur de l’agression et de l’invasion de la République Démocratique du Congo, premier pays francophone, qu’il occupe encore aujourd’hui depuis 1997. Plusieurs rapports des experts de l’ONU (dont le Rapport Mapping) et des ONG internationales ont en effet stigmatisé le rôle que joue le Rwanda dans la déstabilisation de la RDC à travers les assassinats de masse, les viols des femmes, des enfants et des bébés, l’expulsion de plus de 4 millions de Congolais de leurs terres natales, le pillage des ressources du sol et du sous-sol et j’en passe. Devant l’ampleur du drame, le Nonce apostolique du Vatican a même qualifié ces crimes qui se commettent à l’Est de la RDC de « génocide » que le monde semble sciemment ignorer.
Placer aujourd’hui à la tête de la Francophonie une ministre du gouvernement criminel rwandais qui orchestre tous ces horribles crimes de guerre et crimes contre l’humanité équivaut à cracher sur la mémoire des dizaines de millions de victimes francophones congolaises, ainsi que sur le peuple congolais dans son ensemble.
Monsieur le Président,
Vous conviendrez avec moi que la République Démocratique du Congo, «ce magnifique gâteau africain » comme aimait l’appeler son prétendu « propriétaire » le roi des Belges Léopold II, appartient d’abord et avant tout au peuple souverain de ce territoire ! Et ce peuple a le droit d’attendre des autres peuples du monde, y compris la France, le respect de son droit à disposer de son territoire national et de ses biens comme le prévoit la charte de l’ONU et les textes fondateurs de l’OIF.
C’est donc dans ce contexte que nous attendons de la France, pays des droits de l’Homme, un geste de solidarité à l’égard du peuple congolais aujourd’hui privé de sa souveraineté et de sa dignité, en reboutant la candidature du Rwanda à la tête de l’OIF. Cette requête est d’autant plus justifiée car l’OIF est fortement sollicitée pour s’impliquer dans le processus de solution de la crise multidimensionnelle en République Démocratique du Congo en particulier, et dans la région des Grands Lacs africains en général. Le Rwanda ne peut donc pas être juge et partie dans la résolution de la crise congolaise dont il est l’un des principaux instigateurs et commanditaires. Il ne peut pas vouloir le beurre et l’argent du beurre ! Le Rwanda est l’agresseur, l’occupant et le pilleur de la RDC que les pays membres de l’OIF devraient plutôt pointer du doigt et rappeler à l’ordre, à défaut de l’en exclure.
Nous espérons donc, Monsieur le Président, avoir réussi à attirer suffisamment votre attention particulière sur les causes latentes qui sont à la base de l’indignation et de la colère des patriotes congolais concernant l’éventualité d’un soutien de la France à la candidature du Rwanda à la tête de la Francophonie.
Tout en vous remerciant d’avance pour l’intérêt que vous manifesterez à ces préoccupations, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de ma considération distinguée.
Honoré Ngbanda-Nzambo Ko Atumba
Responsable du pilotage stratégique du CNRC
Président de l’APARECO