USA-France: Pour Donald Trump, Macron rime avec déception!
Sans la soutenir officiellement, le président américain avait clairement affiché sa préférence pour la candidate du Front national. La perspective d'une victoire d'Emmanuel Macron, favori de Barack Obama, n'est pas pour le réjouir.
A chaque élection, c'était une blague rituelle : "Aux Etats-Unis, nos démocrates correspondent à vos conservateurs et votre parti socialiste, ici, serait vite taxé de communisme." Un océan séparait les deux continents, la vie politique de l'un n'avait pas grand-chose à voir avec celle de l'autre… Terminé. Pour la première fois, les Américains suivent de près notre élection, ils y voient le reflet de celle qui a élu Donald Trump et, au soir du premier tour, les comparaisons n'avaient plus rien d'exotique. Comme l'expliquait Ronald Bronstein, le commentateur de CNN :

C'est d'abord cela qui a parlé aux Américains, cet air de déjà-vu que l'animateur John Oliver a si parfaitement exprimé dans un sketch déjà légendaire. Une fracture qui a même opposé, par soutiens interposés, Barack Obama et Donald Trump : aucun ralliement officiel d'un candidat français, mais le premier a ostensiblement téléphoné à Macron, tandis que le second estimait que Marine Le Pen était "la plus ferme sur les frontières et la plus ferme sur les événements récents en France". C'était la première fois, dans l'histoire américaine moderne, qu'un président en poste saluait ainsi un candidat français d'extrême droite, avec qui plusieurs de ses proches entretiennent d'ailleurs des relations étroites.
Le sort de l'Europe
Pas étonnant, dans ces conditions, que pour des millions d'Américains la perspective d'une défaite de Le Pen au second tour apparaisse comme une revanche sur la victoire de Trump, et un coup d'arrêt à sa propagande nationaliste. Il y a bien eu, dimanche soir, quelques manchettes sensationnelles comme ce "breaking news" (flash de dernière minute) du "Washington Post": "La politicienne d'extrême droite Marine Le Pen a proclamé sa victoire, avec le centriste Emmanuel Macron, pour un second tour de la présidentielle française dans lequel le futur de l'Union européenne est en jeu."
Mais dans la réalité, la victoire de Macron le 7 mai est largement anticipée aux Etats-Unis, le site de prédictions politiques PredictIt lui donnant 83% de chances de l'emporter. L'autre souci, bien entendu, était le sort de l'Europe. Le Brexit, passe encore, les Etats-Unis ont toujours perçu la Grande-Bretagne comme un allié privilégié plutôt qu'un membre de l'Union européenne. Mais la France et l'Allemagne sont les piliers fondateurs de l'Europe, ont rappelé tous les commentateurs, et la perspective d'un duel Le Pen-Mélenchon aurait signé à leurs yeux la fin de l'UE – un facteur de déstabilisation de plus dans un monde déjà agité, et le risque d'un choc financier majeur dans une économie mondialisée.
L'ombre d'Obama

Mais le mal est fait. Trump a bruyamment applaudi le Brexit, horriblement mal accueilli Angela Merkel en visite à Washington et soutenu sans subtilité Marine Le Pen. Le 25 mai prochain, au moment même où Donald Tump arrivera à Bruxelles pour le sommet de l'Otan (sa première visite à l'étranger), un autre président américain débattra de la démocratie avec la chancelière allemande, devant cette Porte de Brandebourg où Ronald Reagan avait lancé son célèbre "Monsieur Gorbatchev, abattez ce mur !". Le lieu est hautement symbolique, le nom du président en question ne l'est pas moins : Barack Obama.
Philippe Boulet-Gercourt /tempsreel.nouvelobs.com