Burundi: rare manifestation, un avertissement pour Nkurunziza
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La mobilisation a été sans précédent, jeudi 19 février, dans les rues de Bujumbura au Burundi. Des milliers de personnes ont manifesté à l’occasion de la libération du directeur de la RPA, Bob Rugurika, emprisonné depuis un mois. A son arrivée dans la capitale, il a été accueilli par une véritable marée humaine, du jamais vue dans les rues de Bujumbura. A trois mois du premier scrutin des élections générales dans ce pays, les Burundais réputés pour être discrets, ont voulu lancer un signal fort au pouvoir.
Combien étaient-ils hier dans les rues de Bujumbura ? Personne n’a compté, mais ils étaient plusieurs dizaines de milliers sans doute, tous plongés dans la même ferveur, tous conscients que l’enjeu de cette mobilisation allait bien au-delà de la seule libération du directeur de la RPA, la plus populaire des radios du Burundi.
Pierre un petit fonctionnaire qui vit dans la capitale burundaise depuis une trentaine d’années a son explication sur l’importance de cette mobilisation : « C’est la première fois qu’on voit ça, ça nous rend fiers de nous. Cela montre clairement que les Burundais ont changé, qu’ils se battent aujourd’hui pour leur dignité, pour leurs droits. Tous ici, nous sommes heureux, car il y a de nouveau de l’espoir dans le pays. »
Le responsable de la plus importante ONG locale de lutte contre la corruption explique une telle mobilisation par un ras-le-bol généralisé dans le pays. « C’est un message qui va au-delà parce que la population assiste à une situation d’injustice généralisée, explique-t-il. La population est fatiguée de beaucoup de maux. » Le directeur de l’une des principales radios du Burundi, Bonesha FM, d’enfoncer le clou : « J’interprète cela comme une façon de dire non, non avec un grand « N » aux injustices répétitives, à la dictature, à la mauvaise gouvernance au Burundi. Ca montre que depuis longtemps, le peuple burundais s’est réservé, mais maintenant il en a marre. »
« Changement » et « liberté »
Cette mobilisation populaire inégalée depuis plusieurs décennies au Burundi est un signal fort lancé au pouvoir du président Pierre Nkurunziza à quatre mois de la présidentielle. Les organisations des professionnels des médias, la société civile, à l’origine de la mobilisation sans précédent en vue de faire libérer le directeur de la RPA, ont tout fait pour éviter toute récupération politicienne de ce mouvement. Il n’y avait aucune banderole, aucun slogan hostile au pouvoir burundais. Mais les dizaines de milliers de patriotes présents dans les rues de Bujumbura ont scandé à plusieurs reprises les mots de « changements » et de « liberté ». De simples citoyens n’ont pas hésité à mettre en garde le président Nkurunziza contre toute tentative de se représenter pour la troisième fois à la présidentielle prévue en juin.
Il y a à peine une semaine, un des proches du président disait avec assurance que Bujumbura n’est pas Ouagadougou. Pour Agathon Rwasa, le principal opposant burundais, en descendant dans la rue jeudi par dizaine de milliers malgré la mise en garde du ministre de l’Intérieur, la population burundaise a exprimé son ras-le-bol général. Elle a défié le pouvoir et gagné. Il appelle donc le président à entendre ce message de la dernière chance que lui lance dit-il tous les Burundais. Une digue semble avoir cédé à Bujumbura. De nombreux manifestants se disent prêts à descendre de nouveau dans la rue pour défendre la démocratie dans ce pays.
RFI