RWANDA : Ne pas se laisser duper par le « départ annoncé » de Paul KAGAME en 2017. Ce n'est autre qu'un « Miroir aux alouettes »...
On a envie de s’arracher les cheveux en écoutant d’aucuns se réjouir et se livrer parfois à des dissertations inopportunes et quasiment teintées « d’hommages » et aux allures de propagande, autour du « départ annoncé « du pouvoir » en 2017 » du président rwandais, Paul KAGAME. Ils en viennent – Mon Dieu ! – jusqu’à se lancer dans des comparaisons trop osées avec d’anciens chefs d’État africains, de surcroît, grands hommes et fils dignes d’Afrique noire, – même s’il ne fait aucun doute que cette assertion reste à bien des égards discutable – que furent : Léopold Sédar SENGHOR, Amadou AHIDJO, Julius NYERERE, Jerry RAWLINGS, Sam MUJOMA ou Nelson MANDELE, pour ne citer que ceux-là, qui jadis, avaient de leur(s) plein(s) gré choisi de quitter le pouvoir en cédant la place à la succession, soit selon la prééminence protocolaire, ou soit par désistement de briguer un nouveau mandat, en se mettant en retraite politique, bien que rien ne les s’y contraignait.
En effet, s’agissant du cas de Paul KAGAME, il faudra bien se garder d’aller vite en besogne en faisant des affirmations hâtives. Cela requiert plutôt une perception des choses plus lucide, de peur de voir sa faculté de juger et d’apprécier les choses avec discernement, être remise en question et soumise à de sévères jugements de la part des gens à l’esprit bien averti. Et ce, compte tenu du fait que cette « malgré lui » initiative de ne plus à nouveau se porter candidat à la présidence du Rwanda, s’il va falloir y accorder le moindre crédit, est loin de lui être venue de gaieté de cœur, en vue de favoriser la naissance d’une démocratie participative rwandaise tant souhaitée par le peuple, mais il y a été contraint par un contexte international devenu différent à bien des égards.
C’est le cas de le dire, les configurations politiques dans les puissants pays occidentaux qui le placèrent au pouvoir sur les « cendres du génocide inte-rwandais de 1994 », et le tenaient encore il y a peu à bras-le-corps, ont certes beaucoup changé au cours de ces dernières années. Et que par ailleurs, la contestation au plan intérieur – comme à l’extérieur – avec un nombre d’opposants à son régime toujours aussi croissant, n’a cessé par les temps qui courent d’influer sur le cours des événements socio-politiques du Rwanda, et d’en rendre l’issue de plus en plus incertaine. Bref, ses « anciens sponsors » occidentaux n’ont pas mâché les mots en lui opposant autant qu’à ses autres homologues africains : une fin de non-recevoir à tout tripatouillage de la Loi fondamentale, visant à se donner le droit de briguer un mandat de trop, afin de se maintenir au pouvoir au-delà des échéances régulières telles que prescrites par celle-ci. De même que le peuple rwandais – à l’instar d’autres peuples africains – n’en est pas favorable.
S’en prendre à la France, n’est qu’une stratégie d’où KAGAME a toujours puisé sa « légitimité et une assise internationales ».
D’une part, rien de surprenant que la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise MUSHIKIWABO, s’en soit prise au président français, François HOLLANDE, lors du 15ième Sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Dakar au Sénégal, du 29 au 30 novembre dernier, en fustigeant les propos de celui-ci, selon elle, « inélégants et paternalistes » à l’endroit de ses pairs africains qui seraient tentés de s’agripper au pouvoir, par le biais d’indécentes modifications des dispositions constitutionnelles, limitant le nombre de mandats présidentiels. Bref, en plus du fait le Rwanda s’est plus tourné vers Commonwealth (Anglophone), cette réaction épidermique n’était qu’un « coup de publicité » de mauvais goût – pour faire « le buzz de l’actualité du continent » – de la part de cette représentante du Gouvernement de « Nègres de service et de sales besognes » en Afrique des Grands Lacs, qui veut faussement faire croire aux Africains : leur chimérique indépendance tant nationale, d’esprit, d’initiative que d’action, vis-à-vis de l’impérialisme de leurs maîtres, pour ne pas dire « suzerains anglo-saxons » en particulier, et occidentaux en général. De toute façon, cette rhétorique périmée de ce régime ne convainc et n’intéresse plus personne.
Et d’autre part, que Paul KAGAME ait choisi peu avant la tenue du Sommet de Dakar pour « annoncer avec fracas » son prétendu « départ prochain » au terme de son deuxième et dernier mandat septennal en 2017, – obtenu en 2010 grâce à un score stalinien de « 93% » des suffrages exprimés, à l’issue d’une « élection uninominale », à partir du moment où tous les vrais opposants en étaient exclus – sans vouloir à en briguer un troisième ; entre bien sûr, en droite ligne de la stratégie de son régime, qui aime les actions d’éclats pour s’attirer l’attention du monde, en s’en prenant notamment à la France ou aux Nations unies.
Car, en s’attaquant en permanence – à travers des querelles diplomatiques sans fond – à la France, qui est sans doute un puissant et influent pays dans le concert des nations, – pour des raisons politiques dont les dirigeants rwandais sont jusque-là les seuls à pouvoir bien en cerner les tenants et les aboutissants –, le Rwanda qui n’est en fait qu’un « Petit poussin » face au grand « Coq gaulois » qu’il prend plaisir à défier, se donne ainsi l’illusion de se croire aussi à son tour « puissant », et en tire pour ainsi dire : « sa légitimité et une assise internationales ». Cela semble être devenu l’essence même de sa politique extérieure…
Paul KAGAME s’est inspiré de la « Passation de pouvoir à la Poutine–Medvedev » comme variante à la modification constitutionnelle tant décriée par la Communauté des nations.
Placé entre le marteau et l’enclume, en se rendant à l’évidence que, d’un côté son « histoire d’amour » avec les Occidentaux « faiseurs de rois » touche déjà à sa fin, malgré tous les « macabres et vassaux » services rendus en RD Congo, à leurs multinationales – où se retrouvent certains de ces mêmes gouvernants occidentaux dans leurs Conseils d’administration –, et que ceux-ci restent fermes sur leurs positions. Et de l’autre, des « dossiers de justice internationale » très accablants, établis par aussi bien de multiples rapports d’experts des Nations unies que par ceux de tant d’autres organisations de défense des Droits de l’Homme, l’épinglant – et sa clique – pour ses crimes de guerre et crimes contre l’Humanité voire terrorisme ; commis à l’encontre des populations civiles tant rwandaises (hutues) que congolaises, en attente de le voir un jour dépouillé de son immunité présidentielle.
Sans pour autant en oublier ses démêlés avec les Justices française et espagnole d’abord, qui l’accusent avec ses compagnons sur la base de preuves irréfutables, d’avoir massacré leurs ressortissants avant ou pendant les massacres de 1994 au Rwanda. De même que la Justice sud-africaine, l’accuse d’avoir fait tirer sur des généraux rwandais dissidents, notamment Faustin KAYUMBA, et Patrick KAREGEYA, tué à Johannesburg en janvier 2014. Fallait-il aussi rappeler que Paul KAGAME compte à son actif les assassinats de trois présidents de la sous-région des Grands Lacs africains que furent : Juvénal HABYARIMANA (Rwanda), Cyprien NTARYAMIRA (Burundi) et Laurent-Désiré KABILA (Rdc)? Donc, pour rien au monde, ne vous y faites pas d’illusions, ce bonhomme ne fera jamais preuve d’initiative, en débarrassant à coeur joie de ce « bouclier anti-justice » qu’est le pouvoir. C’est hors de question ! Quoi de plus naïf que de croire en la sincérité de ce dernier à ce propos ? Le mensonge caractérisé a toujours été son outil de communication internationale. Le documentaire de la BBC : The Untold Story of Rwandan Genocide, tout récemment diffusé, vient une fois de plus de nous en donner des preuves rigoureuses.
Ceci dit, Paul KAGAME comptabilisant beaucoup plus de crimes abominables que « ex-collègue burkinabè » qui accrochait au pouvoir pour avoir « la vie sauve » ; craignant ainsi pour son avenir, est bien conscient que la conservation du pouvoir reste pour lui – jusqu’à preuve du contraire – le seul « abri anti-poursuites » pouvant lui garantir l’impunité et « l’immunité judiciaire » dont il jouit encore à ce jour, et espérer continuer ainsi à se soustraire à la Justice tant rwandaise qu’internationale.
Ainsi, la fin justifiant les moyens, sa seule et plausible issue en vue de son maintien déguisé au pouvoir reste : une « Passation de pouvoir à la Poutine–Medvedev », consistant à échanger éventuellement de fauteuils avec un « homme de paille », en quittant fallacieusement le devant de la scène, tout en continuant de manoeuvrer à sa guise toute la politique du pays dans les coulisses, en attendant peut-être des jours meilleurs, pour reprendre le pouvoir au bond. Sinon, dans le pire de cas pour ses innombrables victimes, en attendant sa mort physique dans l’impunité la plus totale.
Car, dans un pays comme le Rwanda, foncièrement marqué par un très fort clivage ethnique, caractérisé par un dualisme ethniste Hutu vs Tutsi ; qui du reste, a été exacerbé au cours de ces vingt dernières années de pouvoir sans partage des Tutsis du Front patriotique rwandais (FPR) ; les partis politiques qui y existent sont malheureseument et essentiellement aux contours ethniques. Au regard de ceci : que croyez-vous vraiment que les élections puissent bien y produire de bon, en termes de résultats crédibles, si ce n’est de la triche et du hold-up électoral?
Surtout, sachant que les Hutus, majorité sociologique à plus de 84%, se sentant opprimés et discriminés, en cas d’élections pluralistes respectant toutes les normes de liberté et de transparence dont la règle : un homme – une voix, ne peuvent que voter pour un des leurs. En conséquence, les Tutsis viendraient à perdre le pouvoir et ne pourraient plus jamais espérer y accéder par la voie des urnes. Ce qui est donc hors de question dans l’esprit de ceux qui s’estiment appartenir à une « caste de seigneurs », et dont la primauté féodale et anachronique sur les Hutus doit demeurer à tout jamais.
Ce fut d’ailleurs la cause principale à la base de « l’option militaire » du FPR, consistant à s’emparer du pouvoir par les armes, à l’issue des massacres de 1994, au détriment des Accords d’Arusha d’août 1993, préconisant le partage et la tenue d’élections générales. Simplement parce que ceux-ci se savaient d’avance « perdants » par la voie électorale, et n’y voyaient aucun intérêt à s’engager dans un tel processus ne faisant pas du tout leur affaire.
Ceci ne vient que renforcer nos convictions comme quoi : en annonçant son « prétendu départ prochain » pour leurrer ceux qui, dans la Communauté internationale, prêtent l’oreille à ses récits mensongers ; Paul KAGAME s’employer d’ores et déjà pour les besoins de la cause, à manigancer un scénario au sein de son parti le FPR, visant à passer la main – le moment venu en 2017 – à l’un de ses pantins actuellement en gestation, qu’il placera au pouvoir en « docile figurant » à travers une « pseudo-présidentielle », tout en y conservant lui-même l’effectivité et la haute main sur tous les domaines régaliens à l’arrière-plan. Voilà en réalité, ce en quoi se résume son plan d’action, derrière cette fameuse annonce fantaisiste.
Toutefois, n’ayons pas le mémoire courte, car c’est bien ce même procédé qu’il appliqua par le passé. Dès leur accession au pouvoir en juillet 1994, Paul KAGAME fit le choix tactique de se tenir à l’arrière-plan au poste de vice-président et ministre de la Défense nationale, tout en plaçant pour les besoins du décor Pasteur BIZIMUNGU (hutu), au poste de « président de la république figurant », – ce fut de la poudre aux yeux – avant de l’en chasser et l’emprisonner en avril 2000, en l’accusant de « divisionnisme » pour avoir osé créer un parti politique d’opposition au FPR. Une liberté considérée fondamentale partout ailleurs, fut pourtant là-bas assimilée à un crime de lèse-majesté…
Et c’est bien ce qu’il pense rééditer à travers cette farfelue annonce, un véritable non-événement, qui n’est d’ailleurs qu’une tentative d’anticipation, mais malheureusement en retrait par rapport aux « réalités géopolitiques » de l’heure qui, incontestablement, avaient une longueur d’avance sur lui, et lui en imposent plutôt son diktat. Et il y a bien sûr, l’effet « Blaise CAMPAORE », qui y est aussi pour beaucoup. Car, il n’y a pas longtemps, il était encore question au Rwanda – selon paraît-il le vœu d’une bonne partie de la population – d’amender la Constitution par « voie référendaire » afin de reconduire Paul KAGAME dans ses fonctions. Donc, ce soudain revirement à 180 degré n’a rien d’anodin. Ce n’est ni plus ni moins qu’un « Miroir aux alouettes », destiné à berner les gens crédules, voire naïfs dans une certaine mesure. Une subtile variante – pour la consommation des non-avisés – à la modification constitutionnelle tant décriée, pour se maintenir indéfiniment au pouvoir, plutôt en loge cette fois-là. En un mot : l’Homme de l’ombre et la toute puissante « Éminence grise », avec plus de pouvoir que le « président de la république de façade », placé sous les feux des projecteurs.
En vérité, Paul KAGAME y a purement et simplement été contraint par la force des choses imprévues, et non pas par un quelconque esprit de fair-play, à l’image de ce « bon démocrate » qu’il chercherait tous azimuts à se donner, en contradiction totale avec son image de marque internationalement reconnue : d’un lamentable despote sanguinaire, partout-dessus tout opposé à toute idée de dialogue avec l’Opposition et de réconciliation nationale avec la majorité hutue en rébellion, sévissant non au Rwanda, mais plutôt en RCD. Avec semble-t-il d’après ceux qui le soutiennent, un petit bémol au plan économique, et on ne le dira jamais assez, grâce à l’aide financière massive de la Communauté internationale et au pillage systématique – dans le sang – des ressources naturelles, économiques et autres de la RD Congo.
Une chose est sûre, c’est que de cette prochaine « Passation de pouvoir à la Poutine-Medvedev », beaucoup d’autres chefs d’État concernés à l’instar de Paul KAGAME, vont s’en inspirer en lui emboîtant les pas sur cette autre « voie royale » de la reconquête du pouvoir sans l’avoir en réalité jamais perdu, sachant surtout « excellemment bien » contourner la Constitution.
Qui vivra, verra !
STOCKHOLM, le 14 décembre 2014
Pépin LULENDO