Burundi : L'opposition boycotte les scrutins décidés par Nkurunziza
«Toute l'opposition a décidé unanimement de boycotter les élections qui ont été préparées par la Céni (la Commission électorale) et qui commencent par les communales et législatives de lundi», a déclaré l'un de ses responsables de l'opposition Charles Nditije. Une lettre, signée par tous les représentants de l'opposition politique et dont l'AFP a obtenu une copie, a été déposée jeudi à la Céni.
Dernier signe en date de son entêtement, le parti présidentiel CNDD-FDD a boycotté cette semaine la reprise du dialogue avec ses opposants, sous l'égide de l'ONU. Une façon, estime un analyste burundais, de faire comprendre que les législatives et communales de lundi auront lieu "quoi qu'il arrive". Le petit pays d'Afrique des Grands-Lacs est plongé dans une grave crise politique depuis l'annonce, le 25 avril, de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat lors de la présidentielle prévue le 15 juillet. Ses opposants estiment un nouveau mandat contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha qui avait ouvert la voie à la fin de la longue guerre civile burundaise (1993-2006).
"Le CNDD-FDD n'était pas une rébellion comme les autres, il n'avait pas de branche politique même du temps de la rébellion et ce sont les chefs militaires qui faisaient également office de leaders politiques", poursuit un ex-combattant, issu du mouvement. Officiellement, le CNDD-FDD est devenu parti politique après la signature d'un accord global de cessez-le-feu en 2004.
Sourd aux appels de l'opposition, de la société civile et de la communauté internationale à reporter les élections, le pouvoir burundais, concentré entre les mains d'une poignée de très proches du président Pierre Nkurunziza, est engagé dans une fuite en avant, quitte à risquer l'isolement total selon les observateurs.
La reprise du dialogue boycottée

Au moins 70 morts
Essentiellement concentrées à Bujumbura et dans quelques villes de province, des manifestations longtemps quasi-quotidiennes ont été émaillées de heurts entre les contestataires et la police, qui a parfois ouvert le feu à balles réelles. Les violences liées à la contestation - affrontements, explosions de grenades, meurtres - ont fait au moins 70 morts, selon une organisation burundaise de défense des droits de l'homme. Fait suffisamment rare pour être souligné, le pouvoir se heurte à une pression quasi-unanime de la communauté internationale.
Des réflexes du maquis
L'Union européenne l'a menacé de sanctions et a réitéré, comme l'Union africaine et la Communauté est-africaine (EAC), médiatrices dans la crise, que "les conditions propices à l'organisation des élections ne sont pas réunies actuellement". Les Etats-Unis sont sur la même ligne. "Le problème, c'est que le pouvoir burundais ne réagit pas aux schémas classiques de la diplomatie et est totalement sourd aux appels et aux menaces de sanctions", s'inquiète un diplomate sous couvert d'anonymat, reconnaissant que la communauté diplomatique se sent "totalement désarmée face à un tel pouvoir".
Cette tendance à la "bunkérisation" du régime s'explique aussi par le fait que le CNDD-FDD, ex-rébellion, a gardé ses réflexes du maquis. Et que le pouvoir est aujourd'hui de facto entre les mains d'un très petit nombre de gens, parmi lesquels un groupe de très puissants généraux accusés de semer un climat de terreur et dont les intérêts sont intimement liés à ceux du président.
Le pouvoir reste détenu par un groupe dix personnes

Mais "les choses n'ont pas changé, ce sont les chefs militaires qui dirigent tout jusqu'à ce jour", poursuit l'ex-combattant. Dans les faits, "le pouvoir reste détenu par un groupe de moins de dix personnes qui ont tous le même objectif et la même vision: rester au pouvoir et changer ainsi le régime en mettant de côté le consensus politique incarné par l'accord d'Arusha", juge Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group. Ils sont prêts à tout pour garder le pouvoir, renchérit le cadre frondeur. "Même à voir le pays replonger dans le chaos".
Source : AFP/Newsnet