Burkina Faso, cas d’école pour l’Afrique
Parmi les milliers de dépêches du département d’Etat dévoilées par Wikileaks, celle de l’ambassadrice américaine au Burkina Faso, datant de 2009, mérite aujourd’hui le détour. La diplomate y évoquait l’échéance "décisive" de la présidentielle de 2015 pour laquelle le président Blaise Compaoré a le choix de "se retirer avec élégance" ou de "suivre les conseils de son ami le colonel Kadhafi selon lequel si un président est bon pour le pays, la Constitution doit être modifiée pour le maintenir au pouvoir". On sait ce qu’il est advenu du dictateur libyen. Et pour avoir tenté un véritable putsch constitutionnel, Blaise Compaoré fait aujourd’hui difficilement face à une insurrection populaire d’une ampleur sans précédent après 27 ans de pouvoir.
Hâtivement estampillée "printemps noir", la rébellion du "pays des hommes intègres" partage avec les révolutions arabes l’explosivité et la radicalité d’une jeunesse (deux tiers des Burkinabés ont moins de 25 ans) lassée par des décennies de pouvoir autoritaire à forts relents népotistes. L’autre point commun est le rôle d’une armée omniprésente d’où provient le capitaine Compaoré, arrivé initialement au pouvoir par un putsch militaire. Mais l’évolution des événements à Ouagadougou signale une différence majeure: l’existence d’une opposition politique organisée avec laquelle Blaise Compaoré tentait de négocier hier soir après avoir dissous le gouvernement et proclamé l’état d’urgence.

Les centaines de milliers de manifestants burkinabés ont réussi en deux jours à faire plier Blaise Compaoré sans que l’armée vienne à son secours. Cette dernière choisissant même de prendre le pouvoir. Les négociations en cours, les pressions internationales et surtout les garanties offertes d’alternance politique offertes aux protestataires seront déterminantes pour que ce pays, parmi les plus pauvres du monde, surmonte sans trop de dommages cette crise politique majeure. D’ores et déjà, la chute annoncée et inéluctable de Blaise Compaoré vaut cas d’école pour les encore nombreux chefs d’Etats africains installés dans des présidences qu’ils imaginent forcément à vie.
Source : charentelibre.fr