Afrique du Sud: Ramaphosa succède à Zuma à la tête de l'ANC
Le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa a été élu lundi à la tête du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994, à la place du très contesté président Jacob Zuma, à deux ans d'élections cruciales pour l'avenir du parti et du pays.
Au terme d'un duel très serré, M. Ramaphosa a devancé de 179 voix à peine son unique rivale, l'ancienne patronne de l'Union africaine (UA) et ex-épouse de M. Zuma, Nkosazana Dlamini Zuma. "Nous proclamons le camarade Cyril Ramaphosa nouveau président du Congrès national africain", a déclaré à la tribune de la conférence du parti réuni à Johannesburg une responsable de la commisison chargée du scrutin.
Annoncée au terme de plusieurs heures de dépouillement, la victoire de M. Ramaphosa a été accueillie par un tonnerre d'acclamations de ses partisans et les sifflets de ceux de son adversaire, témoins des fractures qui divisent le parti. Fort de ce succès, M. Ramaphosa pourrait devenir en 2019 le nouveau président du pays à la fin du mandat de Jacob Zuma, en cas de victoire de l'ANC aux élections générales.
Soutenu par l'aile modérée du parti, très apprécié des marchés, Cyril Ramaphosa, 65 ans, a fait campagne en dénonçant la corruption du clan Zuma. Ancien syndicaliste reconverti en richissime homme d'affaires, il a aussi promis de relancer l'économie du pays, qui peine à sortir de la crise, et de créer des emplois pour faire reculer un taux de chômage au plus haut à plus de 27%.
"Cyril est le meilleur candidat", a estimé un de ses partisans, Siya Kolase, 35 ans. "Il va s'occuper de la question de la corruption (...) avec lui, notre économie va pouvoir redémarrer".
- 'Une femme' -
Ses critiques lui ont toutefois reproché de défendre les seuls intérêts des classes les plus aisées. Face à lui, Nkosazana Dlamini Zuma, 68 ans, avait repris le discours de son ex-époux sur la nécessaire "transformation radicale de l'économie" au profit de la majorité noire. Un quart de siècle après la chute de l'apartheid, des millions de Sud-Africains continuent à vivre dans la pauvreté.
Ses adversaires la soupçonnaient d'être la "marionnette" de Jacob Zuma et de lui avoir promis l'immunité dans les nombreux scandales politico-financiers où il est accusé. "Il est temps qu'une femme nous dirige", a estimé Arthur Raymond, un délégué de 39 ans. "Elle est capable. Elle a sa propre expérience politique", a-t-il plaidé, "vous ne pouvez pas juger quelqu'un sur son seul nom".
Sitôt aux commandes, le nouveau président élu de l'ANC va devoir s'atteler d'urgence au redressement du parti. Son étoile a sérieusement pâli depuis sa victoire aux premières élections libres de l'histoire de l'Afrique du Sud en 1994 et l'arrivée au pouvoir de son icône Nelson Mandela. Affaibli par la crise économique et les accusations de corruption qui visent Jacob Zuma, l'ANC a déjà subi un sérieux revers aux élections locales de 2016 en cédant à l'opposition le contrôle de villes de premier plan comme Johannesburg et Pretoria.
- Déchirures -
"Notre échec à régler les problèmes a commencé à peser sur notre mouvement", a lui-même concédé samedi M. Zuma, évoquant "la corruption, la criminalité et l'emploi". Le chef de l'Etat a fait lundi sa dernière sortie médiatique de chef de parti. "Je me retire très heureux parce que je crois (...) que j'ai apporté ma contribution", a-t-il déclaré, tout sourire, au milieu d'un essaim de journalistes.
M. Zuma laisse toutefois derrière lui un ANC profondément déchiré par son règne et la longue bataille pour sa succession. "J'espère que vous coopérerez avec la nouvelle direction (...) alors que nous allons vers les élections de 2019", a souhaité juste avant l'annonce des résultats la présidente du Parlement, Baleka Mbete.
Nombre d'analystes ont anticipé un éclatement du parti et lui prédisent déjà une défaite historique en 2019. Le choix de l'ANC était attendu avec impatience par les marchés financiers, qui s'inquiètent depuis des mois des "incertitudes politiques" qui pèsent sur l'économie de la première puissance industrielle du continent africain.
Avant même la proclamation des résultats, la devise sud-africaine, le rand, a fortement progressé lundi, saluant avant l'heure la victoire de M. Ramaphosa espérée par les investisseurs. "Les divisions vont continuer d'agiter l'ANC en 2018", a toutefois tempéré l'analyste George Nicholls, du cabinet Control Risks. "Les factions rivales vont nourrir (...) l'instabilité politique et, probablement, contraindre le président Jacob Zuma à démissionner avant la fin de l'année prochaine".
AFP / 18 décembre 2017 18h14