Burundi : « S’il vous plait préservez la paix et retirez votre candidature ». (Festus Ntanyungu)
Il est l'un des frondeurs au sein du parti au pouvoir au Burundi, le Cndd-FD. Le député et ancien ministre Festus Ntanyungu refuse que le président Pierre Nkurunziza se présente pour un troisième mandat à la prochaine élection. Comme lui, plusieurs hauts cadres du Cndd-FDD ont signé une pétition en ce sens et dix d'entre eux ont été exclus du parti. Il répond aux questions de RFI.
RFI :Pourquoi ne voulez-vous pas que le président Pierre Nkurunziza soit candidat à la prochaine présidentielle ?
Festus Ntanyungu :Ce n’est pas en fait une question de vouloir, de nous-mêmes, c’est la situation qui prévaut dans le pays qui dicte cela, c’est une question de préservation de la paix dans notre pays. Notre pays pendant les cinquante ans de dépendance, est connu à travers le monde pour être un pays où il y a des massacres cycliques. La question du débat sur le mandat - deux mandats ou trois mandats – est le signe avant-coureur qu’il va y avoir des massacres à travers les manifestations et les répressions, d’un côté et de l’autre. Cela donc [nous] a motivé [pour dire] au président de la République : « Vaut mieux retirer votre candidature, vous avez fait deux mandats, dix ans, et l’accord d’Arusha dit : ‘ Dix ans c’est le maximum ‘. S’il vous plait préservez la paix et retirez votre candidature. »
RFI :Pensez-vous que le président va vous écouter ?
Festus Ntanyungu :Je ne sais pas ce qu’il va faire. Ce que je sais, c’est ce que nous nous allons faire. Nous devons tout faire pour que le sang ne coule plus dans notre pays pour des raisons politiques ou d’autres, quelles qu’elles soient.
RFI :Combien de membres de votre parti, le parti au pouvoir, ont rejoint ce mouvement de protestation ?
Festus Ntanyungu :C’est pratiquement toute la population qui dit : ‘ Arrêtez ça, pour que nous ayons la paix. ‘
RFI :Mais combien ont signé la pétition ?
Festus Ntanyungu :Un grand nombre de membres du parti CNDD-FDD, donc des hauts cadres, ont déjà signé.
RFI :Y-a-t’il des gens au sein du parti au pouvoir qui pensent comme vous mais qui n’osent pas franchir le pas ?
Festus Ntanyungu :C’est possible étant donné qu’il y a des menaces [d'abord] de renvoi. La seconde menace est de dire ‘ Vous aviez la sécurité, on vous l’enlève’. La troisième menace, c’est de dire, ‘ Vous avez été nommé dans des fonctions déterminées parce que vous êtes membre du CNDD-FDD, on va vous démettre ‘. Mais le peuple burundais veut la paix et les cadres, nombreux, sont en train de signer actuellement…
RFI :Vous-même, Festus Ntanyungu, êtes-vous menacé ?
Festus Ntanyungu :Je le suis un peu comme tous. Nous savons qu’il y a des gens qui ont des projets en ce sens, mais, tel que vous m’entendez, je suis serein et toute l’équipe avec laquelle je travaille actuellement. Partout dans les provinces, les gens qui ont signé, ils sont là, ils continuent les activités.
RFI :Et craignez-vous pour votre intégrité physique ?
Festus Ntanyungu :Absolument, je crains pour mon intégrité physique. Pas moi seulement, tous ceux qui ont signé, craignent étant donné que l’on a déjà observé certaines méthodes inhabituelles, que je ne veux pas nommer. Je crains pour mon intégrité physique. Le fait d’enlever la garde, ça veut dire que l’on préférerait que je meurs, plutôt que de continuer mes activités politiques et habituelles.
RFI :Vous n’avez plus de gardes du corps, c’est ça ?
Festus Ntanyungu :Je les avais jusqu’à présent et maintenant, on est venu me les retirer. Ils disent officiellement c’est pour trouver des policiers pour commencer à préparer les élections. C’est cynique. Au Burundi, c’est cynique. C’est comme ça qu’au Burundi, il y a eu des millions de morts. Mais quand vous posez la question : « Qui a tué ? », on vous dit : « Personne ne sait qui a tué ». C’est un pays de mensonges. On tue les gens, mais on ne trouve pas les tueurs. Et aujourd’hui on enlève la garde et on dit : « Non, non, non, on les enlève pour autre chose ».
RFI :Pourquoi vous prononcez-vous que maintenant, si je puis dire, alors que l’an passé, il y avait déjà eu une tentative de réforme pour lever la limitation du nombre de mandat présidentiel ?
Festus Ntanyungu :En fait, chaque chose en son temps ! Peut-être est-ce l’accumulation de tout cela qui a fait déborder le vase.
RFI :Il y a quelques jours, l’ancien président de votre parti, le CNDD-FDD, Hussein Radjabu, a appelé les militants du parti à faire opposition à un troisième mandat pour le président. Hussein Radjabu qui s’est évadé de prison, est-ce que votre démarche fait suite à cet appel?
Festus Ntanyungu :Ça n’a rien avoir et ça n’aura jamais de lien avec Monsieur Radjabu.
RFI :Etes-vous prêt à collaborer avec la société civile et l’opposition et avec tous ceux en fait, qui s’opposent comme vous, à un troisième mandat du président ?
Festus Ntanyungu :Pour nous, il n’y a pas de problème pour travailler avec tous ceux qui travaillent dans la légalité. Mais nous n’allons pas faire une coalition. Nous, nous sommes dans le parti au pouvoir actuellement, le parti CNDD…. Les décisions qui ont été prise par le parti sont irrégulières… [c’est] le président lui-même qui a violé les statuts et le règlement intérieur parce qu’il a pris des décisions alors qu’il n’en n’avait pas le pouvoir.
RFI