Processus de Luanda: Le piège de KAGAME pour un conflit perpétuel et la dislocation de la RDC.
La crise sécuritaire dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) continue de se jouer sur plusieurs fronts, et le processus de Luanda, censé apporter une solution durable, semble plutôt servir les intérêts du Rwanda. Ce processus diplomatique comporte de nombreux risques pour la RDC, dont l’un des plus graves est la perpétuation du conflit par le biais d’une stratégie ambiguë concernant les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et l’incertitude entourant le retrait des Forces de défense rwandaises (RDF) du territoire Congolais.
Le plan de neutralisation des FDLR : une stratégie ambiguë et dangereuse.
Lors des discussions récentes, un plan harmonisé pour la neutralisation des Forces démocratiques de la libération du Rwanda a été adopté. Cependant, ce plan manque cruellement de clarté quant à la définition exacte de ce que sont les FDLR et de la nature exacte de la menace qu’ils représentent pour Kigali. Cette absence de précision ouvre la porte à une manipulation facile et certaine de la part du Rwanda, qui pourra toujours prétendre que la menace persiste et justifier ainsi son maintien ad vitam en RDC.
Il faut noter qu’en 30 ans et malgré les différentes interventions du Rwanda en RDC, avec ou sans le consentement de Kinshasa, sous prétexte de vouloir régler le problème des FDLR, les RDF n’ont jamais réussi à atteindre cet objectif soi-disant stratégique pour eux. Cela soulève des questions sur la sincérité et l’efficacité de cette stratégie de neutralisation. En réalité, la persistance des FDLR sert souvent de prétexte au Rwanda pour intervenir militairement en RDC, renforçant ainsi son contrôle sur des régions stratégiques riches en ressources naturelles et sécurisant par la force ou par la corruption l’acheminement de ces minerais vers le Rwanda.
Ce cycle sans fin de promesses non tenues et de réengagements militaires suggère que le problème des FDLR est davantage un levier géopolitique qu’une menace existentielle sérieuse pour Kigali.
L’incertain désengagement des RDF : un pari risqué.
À ce jour, aucune garantie n’existe pour la RDC concernant le retrait effectif des Forces de défense rwandaise de son territoire. Même les Etats-Unis, malgré leur influence, semblent incapables d’exercer une pression suffisante sur le Président rwandais Paul Kagame, en grande partie à cause de l’habileté de Kigali à manœuvrer au sein des différentes agences américaines (Département d’État, CIA, Pentagone, etc.) pour neutraliser toute tentative de contrainte.
Kigali sait également s’appuyer sur des alliés stratégiques des États-Unis, tels que la France, devenue un partenaire stratégique de premier ordre, pour convaincre les Etats-Unis en cas de besoin. Quant aux autres pays africains, aucun allié de Kinshasa ne semble prêt à risquer une confrontation militaire coûteuse avec le Rwanda, d’autant plus que le financement de l’opération SAMIDRC, déployée en décembre 2023, reste encore incertain et que les pertes sud-africaines ont refroidi l’enthousiasme du géant africain.
En réalité, la présence militaire rwandaise en RDC répond à une nécessité existentielle pour Kigali : l’accès aux richesses minières congolaises, cruciales pour soutenir son économie en difficulté. En effet, le soutien du Rwanda aux terroristes du M23 et la guerre en RDC ont exacerbé les tensions économiques internes au Rwanda, mettant en lumière les faiblesses structurelles de son économie.
La tempête économique au Rwanda : une économie en danger.
Le soutien militaire coûteux au M23 et les tensions régionales ont gravement affecté l’économie rwandaise. La hausse des importations d’armes et de fournitures pour les RDF a creusé un déficit dans la balance des paiements, obligeant Kigali à solliciter une aide financière de ses partenaires multilatéraux. Cette situation a entraîné une inflation galopante qui pèse lourdement sur les ménages rwandais, déjà accablés par la hausse du coût de la vie et la dévaluation alarmante du franc rwandais.
Depuis 2000, le franc rwandais a perdu près de 70% de sa valeur par rapport au dollar américain, aggravant ainsi le fardeau de la dette nationale, qui représente désormais environ 30 % du PIB. Cette dette, en grande partie libellée en dollars, devient de plus en plus difficile à gérer en raison de la hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis.
Cette crise économique, alimentée entre autres par la guerre en RDC et le soutien au M23, place le Rwanda dans une situation précaire où même l’aide des partenaires ne suffira pas à stabiliser durablement l’économie sans un changement radical de stratégie. En attendant, les minerais de l’Est de la RDC représentent donc une manne dont le régime de Kigali ne peut absolument pas se passer sous peine d’un effondrement du système.
Un problème fondamental : La fermeture de l’espace politique au Rwanda.
Au-delà des considérations militaires et économiques, le véritable problème auquel fait face la région est la fermeture de l’espace politique au Rwanda et les violations systématiques des droits de l’homme, que beaucoup au sein de la communauté internationale choisissent d’ignorer. Tant que ce problème ne sera pas abordé, toute tentative de paix sera vouée à l’échec. La répression sévère de l’opposition politique par le régime de Paul Kagame et l’absence de libertés fondamentales nourrissent un climat de violence qui s’étend bien au-delà des frontières du Rwanda.
Les tentatives de neutralisation des FDLR ou de négociation avec le M23, sans un engagement sérieux à ouvrir l’espace politique au Rwanda et à respecter les droits de l’homme, ne feront que prolonger le cycle de violence. Toute solution qui ignore cette dimension essentielle ne peut aboutir à une paix durable.
Conclusion.
Le processus de Luanda, tel qu’il est actuellement conçu, risque de prolonger le conflit en RDC au lieu de le résoudre. Le manque de clarté sur la définition et la menace des FDLR, combiné à l’incertitude quant au retrait des RDF, met la RDC dans une position vulnérable. En outre, l’absence de considération pour les problèmes internes du Rwanda, notamment la fermeture de l’espace politique et les violations des droits de l’homme, compromet sérieusement toute chance de paix durable dans la région des Grands Lacs.
Il est donc impératif que la communauté internationale et les dirigeants régionaux réévaluent leur approche et intègrent ces éléments pour éviter de tomber dans le piège de Kagame et assurer la stabilité future de la région.
Lorsque les autorités rwandaises disent qu’il faut aborder le problème des groupes rebelles dans l’Est de la RDC de façon globale nous sommes tout à fait d’accord. Mais il faut pousser la démarche jusqu’au bout. Il ne peut pas s’agir uniquement de dire que les Congolais doivent résoudre leurs problèmes par la négociation sans commencer par balayer devant sa propre porte.
Jean-Luc Habyarimana (Fils de feu Président rwandais Juvénal Habyarimana).