Rwanda-Condamnation de Léon Mugesera: Guy Bertrand n'est pas surpris
Léon Mugesera et son avocat québécois, Me Guy Bertrand, lors d'une conférence de presse en juin 2005, à Québec
(Québec) La condamnation à la prison à vie de l'ancien résidant de Québec Léon Mugesera, vendredi, au Rwanda, pour incitation au génocide, ne surprend «pas du tout» l'avocat Guy Bertrand, qui l'a défendu pendant la quasi-totalité de ses procédures judiciaires au Canada. «Les dés étaient pipés. Ç'a été une moquerie de la justice du début à la fin, un procès bidon, un mensonge total», tonne le célèbre juriste.
«On se doutait depuis février qu'il écoperait d'une sentence à vie», explique Me Bertrand, qui a appris la nouvelle par les médias et qui attendait la «confirmation officielle» de la condamnation de celui qui s'était installé à Québec en 1993, avec sa femme et ses cinq enfants. Me Bertrand qualifie de «farce monumentale» le procès que son ex-client a subi à Kigali, où le gouvernement rwandais l'a reconnu coupable d'incitation publique à commettre un génocide, persécution et enseignement de la haine basée sur l'ethnicité.
Les juges ont reproché à l'accusé de 63 ans un discours anti-tutsi prononcé en 1992, dans l'ouest du Rwanda, à l'occasion d'un rassemblement de son parti du président assassiné Juvénal Habyarimana. Son allocution publique aurait été vue comme un des éléments qui avaient amorcé le massacre, en quelques semaines, d'environ 800 000 personnes, essentiellement membres de la minorité tutsie.
Au cours de son procès, qui s'était ouvert en janvier 2013, Mugesera avait contesté l'authenticité de l'enregistrement du discours présenté par la Couronne, dénonçant des «anomalies». Selon Me Bertrand, Léon Mugesera n'a jamais eu droit à une défense pleine et entière. «Le gouvernement ne lui a pas fourni l'argent pour avoir accès l'aide juridique. Il a dû se défendre lui-même. Seulement quelques bénévoles l'ont accompagné au niveau de la procédure. Ils ont fait leur possible.»
«C'est une farce monumentale que le Canada ait accepté ça, poursuit-il. C'est une humiliation pour quiconque croit à la justice canadienne.» À plusieurs reprises, Me Bertrand avait demandé à ce que son client soit jugé au pays, ce qui lui a toujours été refusé. L'avocat déplore également que la presse internationale n'ait pas «joué son rôle», le procès n'ayant été couvert que par quelques journalistes locaux, «des perroquets de l'information» du président Paul Kagame.
Si Me Bertrand «parle régulièrement» avec la famille de l'accusé, il n'a pas pu s'entretenir de vive voix avec ce dernier depuis son extradition au Rwanda, il y a quatre ans. L'accusé lui a toutefois écrit à quelques reprises pour faire état de ses conditions de détention. «Il a reçu des menaces en prison, il n'y a rien qu'il n'a pas vu.» Même si Léon Mugesera a interjeté appel du verdict sur le champ, Me Bertrand ne se fait pas d'illusions pour la suite des choses. «Je ne fais confiance à aucun tribunal de ce pays. Là-bas, on ne fonctionne que sous la pression publique.»
Avec La Presse et AFP