Ukraine : au moins quatre morts à Odessa dans une attaque pro-russe
Quatre civils ont péri dans des affrontements inédits entre défenseurs de l'unité et séparatistes, qui font craindre une propagation de l'insurrection au sud.
Des Ukrainiens se munissent de pavé dans un affrontement contre des militants pro-russes le 2 mai 2014 à Odessa, à l'est de l'Ukraine.
Au moins quatre civils ont été tués vendredi à d'Odessa, dans des affrontements inédits entre défenseurs de l'unité du pays et séparatistes pro-russes, qui font craindre une propagation de l'insurrection dans le sud de l'Ukraine.
Les violences ont éclaté lorsqu'un défilé de partisans des autorités pro-européennes de Kiev et de l'unité du pays a été attaqué par des militants pro-russes armés de battes de baseball, de chaînes métalliques et de pistolets, a constaté un journaliste de l'AFP.
La manifestation pro-Kiev, comptant environ 1 500 personnes, en grande partie des supporteurs des clubs de football d'Odessa et de Kharkiv (est), a été attaquée par plusieurs centaines de pro-russes casqués à coups de matraques, de pierres et d'explosifs, et ce malgré une tentative d'interposition de la police.
Selon les autorités municipales, les violences ont fait quatre morts et une quinzaine de blessés, et ce bilan pourrait être encore plus élevé.
Incendie "criminel"
Dans la soirée, les manifestants pro-Kiev ont mis le feu à un camp de tentes des pro-russes et ont ensuite incendié la Maison des Syndicats où ces derniers s'étaient réfugiés. 38 personnes ont perdu la vie dans cet incendie.
Si des violences similaires se sont produites ces dernières semaines dans l'est du pays, en proie depuis des semaines à une insurrection armée pro-russe, elles sont inédites pour Odessa, ville portuaire russophone d'un million d'habitants située sur les bords de la mer Noire.
"Aujourd'hui, c'est notre chère Odessa qui est visée. Des manifestants pacifiques ont été attaqués par ceux qui veulent transformer l'Ukraine en une zone de guerre et démanteler le pays", s'est insurgée Ioulia Timochenko, ex-Première ministre et candidate à la présidentielle prévue le 25 mai.
Odessa était russe sous les tsars
Ces violences sont d'autant plus inquiétantes qu'Odessa se trouve à proximité de la Transdniestrie, république séparatiste pro-russe de la Moldavie, contrôlée de facto par Moscou.
Le président russe Vladimir Poutine a laissé entendre à la mi-avril qu'Odessa et d'autres villes du Sud-Est ukrainien n'avaient pas toujours fait partie de l'Ukraine, à qui elles auraient été cédées "ultérieurement". Selon lui, ces villes faisaient partie de la "Novorossia (Nouvelle Russie) à l'époque tsariste". "Pourquoi (elles ont été cédées), je ne sais pas", a-t-il ajouté.
Ces remarques ont été jugées tout sauf anodines dans le contexte actuel de crise russo-ukrainienne, en particulier après le rattachement en mars à la Russie de la Crimée, péninsule qui a fait partie de la Russie avant d'être "offerte" à l'Ukraine soviétique en 1954.
"Je ne veux pas de militaires russes à Odessa", a déclaré à l'AFP Semen Korotkov, 29 ans, qui a participé à la manifestation pro-Kiev vendredi. "Les manifestants pro-russes font tout pour encourager un tel scénario", a-t-il ajouté.
Flash mobs patriotiques
Après le renversement du gouvernement pro-russe à Kiev en février, Vladimir Poutine a obtenu le feu vert du Parlement russe pour l'envoi de troupes en Ukraine afin d'y protéger "les russophones".
Pour le politologue ukrainien Olexiï Goloboutski, les heurts à Odessa "sont une provocation de la part des pro-russes" qui ont pour objectif de "déstabiliser la situation à Odessa comme à Donetsk ou à Lougansk", deux grandes villes industrielles de l'Est.
Il pense cependant que la rébellion pro-russe aura moins de chance de prendre de l'ampleur à Odessa dont les habitants avaient organisé ces derniers mois des flash mobs patriotiques comme chanter l'hymne ukrainien sur le célèbre escalier Potemkine (rendu célèbre par le film +Le cuirassé Potemkine de Sergueï Eisenstein) ou l'exécution par l'orchestre philharmonique de l'hymne de l'Europe sur le marché Privoz.
"Il y a à Odessa plus de partisans de l'Ukraine unie que de pro-russes et ils sont mieux organisés", souligne l'expert.
Source : lepoint.fr