Le Rwanda risque d'éclater à nouveau car les tueurs des enfants dans des camps de réfugiés sont des héros !

Publié le par veritas

http://www.tv5.org/cms/userdata/c_bloc/81/81237/81237_vignette_kagameouverture.jpgPaul Kagamé a deux visages. Celui du président moderne, actif sur Twitter, Facebook et d'autres réseaux sociaux. Et celui du dictateur traditionnel, dont le portrait est accroché jusque dans les moindres échoppes. Le regard sévère derrière ses minces lunettes, il semble dicter aux Rwandais la marche à suivre dans les moindres aspects de leur vie. Ce n'est pas qu'une impression. Au Rwanda, il est interdit de se balader pieds nus, de porter des vêtements sales ou même de partager une paille, sous prétexte que ce n'est pas hygiénique. Un samedi par mois, les citoyens doivent obligatoirement participer au nettoyage de leur quartier. Le progrès, ici, se réalise à marche forcée.


Au fil des ans, le régime est devenu de plus en plus autoritaire. Aujourd'hui, presque tous ses rivaux sont morts, en prison ou en fuite. Même les exilés sont en danger. Plusieurs dissidents ont été abattus dans le monde.


Est-ce le prix à payer pour maintenir la paix sociale ? Les alliés de Kigali - Londres et Washington en tête - sont prêts à le croire, et à tolérer la poigne de fer exercée par Kagamé sur la société rwandaise.


http://www.therwandan.com/ki/files/2013/09/twagirimana-boniface.jpg«Il est étonnant de voir les États-Unis et la Grande-Bretagne fermer les yeux sur les emprisonnements, l'intimidation et les tueries, dit l'opposant politique Boniface Twagirimana. La communauté internationale prétend aider les pays africains à promouvoir la démocratie mais ne fait rien. Les ambassadeurs nous écoutent et repartent. Les années passent. »


Boniface Twagirimana propose une autre version, non officielle, de l'histoire récente du Rwanda. Celle d'un régime qui exploite le souvenir du génocide pour renforcer sa mainmise sur le pouvoir. Celle d'une élite tutsie qui profite, seule, du développement fulgurant de la capitale. Celle d'une majorité hutue, pauvre et exclue, à qui l'on refuse de reconnaître les exactions commises contre les siens après le génocide et qu'on prive de tout dédommagement.


Bref, l'histoire des perdants. Sous prétexte de traquer les génocidaires en fuite, les forces du FPR ont massacré des milliers de civils hutus en République démocratique du Congo, dénonce-t-il. « Ceux qui ont exterminé des bébés, des mamans et des vieillards dans des camps de réfugiés sont considérés comme des héros du pays. Et si vous parlez de ces crimes, on vous accuse de nier le génocide contre les Tutsis ! »


Vice-président des Forces démocratiques unifiées, un parti non reconnu au Rwanda, M. Twagirimana est l'une des rares personnes critiques envers le régime à avoir accepté de nous accorder une entrevue à visage découvert. Les risques sont réels. Sa présidente, Victoire Ingabire, purge 15 ans de prison pour négationnisme, terrorisme et menace à la sécurité nationale.


L'entrevue, dans un hôtel de Kigali, s'étire depuis plus d'une heure. Quelques hommes rôdent autour de nous. Le FPR, dit-on, a des informateurs dans chaque quartier, dans chaque village.


«La peur a gagné toute la nation, dit M. Twagirimana. Imaginez quelqu'un dont la famille aurait été exterminée par un élément du pouvoir. Pour lui, que signifie la réconciliation ? Il ne peut pas demander justice, sachant qu'il finirait mort ou en prison. Alors, il garde le silence.»


Ntezimana.pngCe qu'il faudrait au Rwanda, dit Laurien Ntezimana, c'est une commission Vérité et Réconciliation, comme en Afrique du Sud, où tout le monde a pu exorciser les démons de l'apartheid. Et tourner la page.


«Il faut ouvrir des espaces protégés, où les gens pourront parler de leurs souffrances et des injustices qu'ils ont subies sans risquer leur vie et leur liberté. On n'y est pas encore », admet le théologien rwandais. Sans un véritable processus de guérison nationale, le Rwanda risque d'éclater à nouveau.


Il n'est pas le seul à le croire. Selon une étude gouvernementale, pas moins de 40% de la population estime qu'un autre génocide est encore possible. Cela fait beaucoup dans un pays où tout le monde, officiellement, est rwandais. Peut-être. Mais seuls les Tutsis ont droit de pleurer leurs morts. C'est le grand paradoxe de ce pays brisé, enserré dans une camisole de force idéologique pour empêcher qu'il s'effondre.

 

Source : lapresse.ca

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