Lettre au Secrétaire Général de l'ONU concernant l'imminence d'un nouveau cataclysme en RDC.
Son Excellence Antonio GUTTERES
Secrétaire Général de l'ONU
New York
Excellence Monsieur le Secrétaire Général,
Objet : L'imminence d'un nouveau cataclysme en RDC
Le Mouvement Rwandais pour le Changement Démocratique (ci-après MRCD-Ubumwe), Plateforme politique réunissant 4 partis d'opposition, a appris avec stupéfaction le scandaleux accord entre 4 pays : Rwanda, Ouganda, Burundi et RDC en vue de constituer une coalition armée avec pour objectif utopique d'"éradiquer les groupes armés opérant sur le sol congolais". A nos yeux, une telle entreprise relève d'un "accord sur fond de désaccord" dont les conséquences ne peuvent être que catastrophiques sur le droit à la paix des peuples de la Région des Grands Lacs d'Afrique.
1.S'agissant des réfugiés rwandais, permettez-nous, Excellence Monsieur le Secrétaire Général, de rappeler que :
- Depuis 23 ans, les réfugiés rwandais en RDC n'ont eu aucun répit ; ils subissent le massacre et toutes formes de violations, dans l'indifférence de l'ONU et de la communauté internationale, depuis la destruction des camps en 96-97.
- Ces réfugiés sont connus et reconnus aussi bien par l'Etat congolais que par l'UNHCR, au regard de la loi n° 021/2002 du 16/10/2002 portant statut de réfugié en RDC, loi conforme à la Convention de Genève du 28/07/1951 ainsi qu'à la Convention de l'UA du 10/09/1969. La Commission Nationale pour les Réfugiés (CNR) et la Représentation Régionale du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) leur ont délivré, à chacun, une attestation de Réfugié valable jusqu'au 31/12/2021.
- En tant qu'êtres humains brutalement arrachés du sol natal depuis 25 ans, ces réfugiés devraient voir leurs droits intransgressibles rappelés et sauvegardés comme il en est pour les autres réfugiés dans le monde; en tout état de cause, le principe universel du "non-refoulement" doit leur être reconnu;
- L'Etat congolais, en tant que pays d'asile et nouvelle "patrie" au regard des normes internationales, devrait pleinement jouer son rôle dans la protection et la sécurisation de ces réfugiés au lieu d'être complice et co-auteur de leur extermination ;
- Ces réfugiés sont constitués d'enfants de moins de 25 ans, nés en exil et donc totalement étrangers à la tragédie de 1994 ; en plus de cette jeunesse laissée pour compte, le groupe de réfugiés est constitué de femmes et de personnes âgées.
2. Excellence, le MRCD-Ubumwe voudrait aussi prévenir quant aux conséquences dramatiques des opérations militaires envisagées sur les populations congolaises de l'Est et l'ensemble du peuple congolais. En effet, les groupes armés dont il est question à l'Est du Congo sont majoritairement congolais. Leur fragmentation, la persistance des conflits interethniques, la tension avec des pays limitrophes, la crise politique et la fragilité institutionnelle devenue endémique en RDC ainsi que la convoitise et le trafic illicite de richesses naturelles, sont les principaux facteurs qui expliquent la prolifération de ces groupes armés, selon plusieurs rapports d'experts concordants. Ainsi, d'après une étude publiée en 2015 par le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), un projet de recherche du Centre de coopération internationale de l’Université de New York, ces groupes se sont morcelés pour passer d'une vingtaine en 2008 à plus de 70, et l'écrasante majorité de ces groupes sont constitués de congolais : les Maï-Maï, les Nyatura, les Maï-Maï-Simba, les Mazembe, les APCLS, les Nduma Defence of Congo (NDC), les Raïa Mutomboki, les Maï-Maï Yakutumba, les FRPI etc sont des groupes composés exclusivement de ressortissants congolais. La difficulté majeure est qu'il est impossible de séparer un combattant de sa famille. Alors nous allons tout droit, les yeux béants, vers un nouveau cataclysme dans la sous-région.
Le MRCD-Ubumwe est d'avis que seule l'option militaire ne peut régler le problème des groupes armés. De telles opérations ont d'ailleurs eu lieu dans le passé : Umoja Wetu en 2009, qui sera suivi par les opération Kifagio, Amani Leo et aujourd'hui même demeure en cours l'opération Sokola. Ces opérations ont toutes échoué face aux groupes armés. En fait, le problème est politique : au cours de la 1ère décennie du pouvoir de Joseph Kabila, plusieurs groupes ont abandonné la lutte armée en échange d'une intégration de leurs combattants ou commandants dans l'armée régulière ou la police. Mais depuis l'adoption de la loi de réforme de l'armée en 2011, Kinshasa refuse tout arrangement. Aussi, craignons-nous que les opérations militaires en vue contribuent plutôt à créer un énorme chaos, situation recherchée en particulier par Kigali et les prédateurs du système international, pour continuer à faire main basse sur les richesses du Congo. La myopie de l'Exécutif congolais sur cette réalité relève d'une inconscience effarante.
Au regard de ce qui précède, le MRCD-Ubumwe lance ce cri d'alarme pour les réfugiés rwandais mais aussi pour les populations congolaises de l'Est. Vu l'étendue du péril et son imminence, l'ONU et ses partenaires devraient intervenir pour faire renoncer auxdites opérations militaires conjointes. En effet, ces opérations ne feraient que contribuer à allumer un feu inextinguible mettant en péril des millions de vie au cœur de l'Afrique.
Fait à Bruxelles, ce 18/10/2019
Pour le MRCD-Ubumwe, le Collège des Présidents :
Wilson IRATEGEKA, Président en exercice
Paul RUSESABAGINA, Vice-Président
Kassim BUTOYI, Vice-Président
Faustin TWAGIRAMUNGU, Vice-Président
Copie pour information à :
- Monsieur Félix Tshisekedi, Président de RDC ;
- Monsieur Yoweri Museveni, Président de l'Ouganda ;
- Monsieur Paul Kagame, Président du Rwanda ;
- Monsieur Pierre Nkurunziza, Président du Burundi ;
- Monsieur Abdel Fatah Al-Sissi, Président d'Egypte et Président en exercice de l'UA ;
- Monsieur Donald Trump, Président des USA ;
- Monsieur Vladimir Poutine, Président de Russie ;
- Monsieur Boris Johnson, Premier Ministre de Grande Bretagne ;
- Monsieur Emmanuel Macron, Président de France ;
- Monsieur Xi Jinping, Président de Chine ;
- Monsieur John Magufuri Pombe, Président de Tanzanie ;
- Monsieur Joao Lorenço, Président d'Angola ;
- Monsieur Cyril Ramaphoza, Président d'Afrique du Sud ;
- Monsieur Charles Michel, Premier Ministre de Belgique ;
- Monsieur Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne ;
- Mme Fatou Bensouda, Procureur de la CPI ;
- Monsieur Filippo Grandi, Haut Commissaire UNHCR ;
- Général Elias Rodrigues Martins Filho, Commandant de la Monusco ;
- La SADC, tous les pays;
- Le CICR-Genève;
- Human Right Whatch;
- Amnesty International ;
- La Conférence Episcopale Nationale de RDC (CENCO).