Lettre de GIFR adressée au Président français Emmanuel MACRON sur le cas du RWANDA!
S.E. Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République Palais de l’Élysée
55 Rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris
Objet : Mémorandum N° GIFR/14/07/2019 du Groupe d’initiative France-Rwanda sur la situation politique et les droits de l’homme au Rwanda.
Excellence Monsieur le Président,
Avant l’entrée en matière, permettez-moi de vous présenter le Groupe d’Initiative France- Rwanda, en sigle GIFR, dont j’assure la coordination.
Le GIFR est un collectif composé de citoyens français d’origine rwandaise, ainsi que de Rwandais vivant en France en qualité de résidants ou de réfugiés. Les membres du GIFR sont pour la plupart affiliés à des partis de l’opposition rwandaise ou à des associations de la société civile rwandaise en exil.
Notre groupe d’initiative a pour objectif de contribuer au bien-être de ses membres, de promouvoir la démocratie et l'établissement d’un système pluraliste et de gouvernement représentatif au Rwanda, et de contribuer dans la mesure du possible au renforcement des relations d’amitiés et à la coexistence pacifique entre notre pays d’origine et notre pays d’adoption.
Dans ce contexte, le GIFR suit de près et avec intérêt l’évolution actuelle des efforts que votre gouvernement déploie pour l’éclosion de la vérité et pour mettre un terme à la méfiance, aux mensonges, aux manipulations et aux tensions qui ont caractérisé les relations entre ces deux pays depuis plus de deux décennies.
Aussi avons-nous noté avec satisfaction l’envoi d’une délégation française dirigée par le député Hervé BERVILLE, d’origine rwandaise, aux cérémonies de commémoration du 25ème anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda.
Nous avons par ailleurs apprécié à sa juste valeur votre décision de ne pas vous rendre personnellement dans ce pays où les valeurs de démocratie et de respect des droits de l’homme sont quotidiennement bafouées sous l’autorité du Président Paul KAGAME.
Le mois d’avril 2019 constituait pour nous comme pour l’ensemble du peuple rwandais, un mois de deuil, un rappel déchirant du génocide qui continue de hanter nos esprits.
Pour les ressortissants rwandais de France, cet anniversaire rappelle aussi hélas 25 années de souffrance, de traumatisme, de persécution et de harcèlement de la part de certains médias et associations complaisants avec le régime du FPR qui a tué des millions de Rwandais et Congolais et qui a produit des millions de réfugiés.
Certains medias français ont porté des accusations globalisantes contre des membres de l’opposition rwandaise en général et contre les membres de l’ethnie hutu en particulier considérés à tort comme une communauté de « génocidaires ». Cette campagne médiatique est le fait de militants pro-Kagame, des journalistes engagés, des intellectuels et autres chercheurs dont beaucoup ignorent tout de l’histoire du Rwanda mais n’hésitent pas à gloser sur la prétendue implication de la France dans le génocide des Tutsi.
Depuis 1994 en effet, le général Paul Kagamé n’a jamais cessé d’instrumentaliser politiquement le génocide tutsi, et ce, dans le but de détourner l’attention de la communauté internationale sur les responsabilités du Front Patriotiques Rwandais (FPR) dont il est le commandant en chef depuis octobre 1990.
Monsieur le Président de la République,
Permettez-nous de rappeler, dans les lignes qui suivent, certains crimes graves et autres violations du droit international et des droits de l’homme auxquels Paul Kagame s’est livré depuis 1990 jusqu’à nos jours.
Pour prendre le pouvoir, le général Paul KAGAME a commandité l’attentat du 06 avril 1994 contre l’avion du Président rwandais Juvénal Habyarimana. Cet attentat reconnu par l’ONU comme le facteur déclencheur du génocide a coûté la vie au Chef d’état rwandais Juvénal Habyarimana, au Président burundais Cyprien Ntaryamira, à leurs délégations respectives ainsi qu’à trois membres de l’équipage de nationalité française.
L’implication du président Paul KAGAME dans cet attentat a été attestée par l’ancien enquêteur en chef du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), l’Australien Michael Hourigan, ainsi que par le juge antiterroriste français Jean- Louis Bruguière. Depuis la parution du rapport du juge français, le régime de Kigali a tout mis en œuvre pour bloquer le déroulement normal de la justice, en accusant à tort et à travers les dirigeants politiques et militaires français d’avoir participé au génocide alors que tout le monde sait que la diplomatie française de l’époque a été la première à alerter la communauté internationale sur la tragédie rwandaise et la seule à mener une intervention humanitaire internationale pour mettre fin au génocide.
Plusieurs membres du Groupe d’Initiative France-Rwanda et leurs familles ont eu la vie sauve grâce à l’action héroïque de l’Opération Turquoise conduite par la France et à laquelle ont participé quelques pays africains. Le GIFR affirme sans peur de se tromper qu’entre le 23 juin et le 10 août 1994, l’Opération Turquoise a arrêté le génocide dans la Zone Humanitaire Sûre créée à ce effet et a pu sauver des dizaines voire des centaines de milliers de nos compatriotes, alors que le général Paul Kagame et certains de ses alliés membres du Conseil de Sécurité de l’ONU prônaient le retrait de la Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (MINUAR), livrant ainsi les populations rwandaises à la guerre civile et au génocide.
Depuis le début de la guerre qui a conduit le président Kagame au pouvoir, le FPR s’est rendu coupable de graves crimes en violation du droit international, au Rwanda comme en République Démocratique du Congo (RDC). La justice espagnole interpellée par la gravité des massacres qui avaient coûté la vie à plusieurs humanitaires espagnols, a mené des enquêtes au Rwanda comme en RDC et lancé des mandats d’arrêt internationaux contre 40 militaires de l’entourage du président Kagame, lui-même épargné par son immunité en tant que chef d’État en exercice (Voir Acte de Son Excellence D. Fernando Andreu Merelles, Juge
Central d'Instruction n°4, Juzgado Central de Instrucción Numero Cuatro, Audencia Nacional, Royaume d'Espagne, 6 février 2008)
En effet, après la prise du pouvoir par le FPR, le processus criminel s’est poursuivi comme le montrent plusieurs rapports d’experts de l’ONU ou des ONG de défense des droits de l’homme. Tous ces rapports attestent l’implication directe et personnelle des dirigeants rwandais actuels dans ces crimes.
Dans sa volonté de terroriser la population intérieure, l’armée du FPR a, courant avril 1995, massacré plusieurs milliers de déplacés internes à Kibeho au Sud-Ouest du Rwanda, en présence des casques bleus zambiens et australiens. Lors de ce massacre de triste mémoire marqué par une brutalité inqualifiable, le Rapporteur spécial du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le Professeur René Degni-Ségui déclarait que « Le Gouvernement rwandais n'a enregistré que 300 décès, tandis que d'autres sources font état de 8000 personnes. Quant à la MINUAR, elle fait osciller ce chiffre entre 1 500 et 2 000. L'on ne saura jamais le chiffre exact. Mais ce qui importe et est partant condamnable, ce n'est pas tant le nombre de morts que l'acte qui a été perpétré et de la manière dont il l'a été. L'on comprend dès lors sa condamnation unanime par la communauté internationale. » (Voir Nations Unies, Rapport Degni-Ségui, 28 juin 1995, par.103).
Lors de ses campagnes militaires au Congo, le régime militaire de Paul KAGAME a massacré des centaines de milliers de réfugiés Hutus et provoqué la mort de millions de Congolais (Rapport Mapping du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme rendu public en octobre 2010). Les auteurs de ce rapport relèvent ce qui suit:
« La question du génocide à l’encontre des Hutu a soulevé de nombreux commentaires et demeure irrésolue jusqu’à aujourd’hui. Elle ne pourra être tranchée que par une décision judiciaire basée sur une preuve hors de tout doute raisonnable. Le Projet Mapping n’est pas un mécanisme judiciaire et les éléments de preuves recueillis ne satisfont pas le standard élevé exigé par les tribunaux. Néanmoins, le mandat du Projet Mapping lui imposait de se livrer à une qualification juridique générale des crimes commis, y compris dans le cas du crime de génocide » (Nations Unies, Haut-commissariat aux droits de l’homme, Projet Mapping, octobre 2010, par.295).
À ce stade, il y a lieu de rappeler que s’agissant de la qualification des crimes consécutifs au massacre des Tutsi en 1994, l’ONU n’avait pas attendu la mise en place du Tribunal Pénal International pour le Rwanda pour conclure qu’il s’agissait bel et bien d’un génocide, sur simple considération du rapport du rapporteur spécial du Secrétaire général de l’ONU.
L’on est en droit de s’étonner que le Rapport Mapping, de loin plus fouillé et mieux documenté que les différents rapports Degni Segui entre mai et octobre 1994, n’ait pas été suivi d’une décision ferme et non équivoque du Conseil de Sécurité quant au caractère génocidaire des crimes commis par l’armée de Paul Kagame contre les réfugiés Hutu en RDC et contre les populations civiles de ce pays comme le suggéraient les auteurs dudit Rapport Mapping.
À ce stade déjà, l’on ne peut manquer de dénoncer un traitement inégal et inéquitable quant à la gravité des crimes commis contre les Tutsi d’une part, et contre les Hutu d’autre part.
Pareille injustice est attentatoire au principe d’égalité consacré par la Déclaration Universelle des droits de l’homme, s’agissant notamment du droit à la vie (Art 3 : Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne....), lequel implique l’accès de tous à une justice équitable.
Entre 1997 et 2003, des crimes graves ont été commis contre les populations civiles du Nord- Ouest du Rwanda dans la guerre dite des infiltrés. Malgré le massacre documenté de plusieurs milliers de civils, aucune autorité civile ou militaire du FPR n’a eu à en répondre. Pourtant, ces crimes ont été qualifiés de crimes contre l’humanité par plusieurs rapports circonstanciés d’ONG de défense des droits de l’homme et par le rapporteur spécial des Nations Unies.
Se présentant, à tort, comme ayant mis fin au génocide des Tutsi, le président Paul Kagame profite du soutien aveugle de certaines grandes puissances pour réduire l’opposition au silence.
Son gouvernement tue et emprisonne des citoyens civils et militaires dans des lieux de détention inconnus où la torture est pratiquée à très grande échelle. On se souviendra qu’en 2014, les relations diplomatiques entre le Rwanda et le Burundi ont commencé à se détériorer, après la découverte de dizaines de corps dans le lac RWERU faisant la frontière entre les deux pays. Bujumbura ayant demandé une enquête internationale indépendante, Kigali s’y est violemment opposé, étant donné que les cartes d’identité et de mutuelles de santé trouvées sur certaines victimes établissaient clairement que ces corps venaient du Rwanda. (Voir RFI Afrique, « Cadavres du lac Rweru : l’opposition rwandaise exige une enquête », 28 Août 2014; « Cadavres de Rweru : des témoignages accréditent la piste rwandaise », 15 septembre 2014; Jeune Afrique, « Burundi : des cadavres du lac Rweru viennent-ils du Rwanda ? », 19 septembre 2014).
Dans son rapport de janvier 2018, le Groupe des Nations Unies contre la détention arbitraire a dénoncé de nombreux cas de détention arbitraire des opposants au régime du président Paul Kagame ainsi que d’autres personnes soupçonnées d’avoir des opinions séditieuses. Ce rapport a notamment cité le cas de trois officiers généraux et supérieurs de l’armée rwandaise emprisonnés pendant plusieurs années au terme de fausses accusations et de procès entachés d’irrégularités et a demandé, en vain, leur libération immédiate.
Plus près de nous, le 23 février 2018, des manifestations pacifiques de réfugiés Tutsi congolais devant le bureau du Haut-commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) à Kibuye, au Rwanda, ont été matées dans le sang par la police rwandaise.
Des sources indépendantes font état de plus de 80 personnes tuées et de plusieurs dizaines de blessés. Aucune condamnation ni jugement n’a été prononcé par les autorités de Kigali. Au contraire, les membres de familles endeuillées ont été intimidés et réclamé, en vain, les corps des leurs pour les enterrer.
Au Rwanda, contrairement aux affirmations du gouvernement, il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait une ou des personnes tuées, disparues ou emprisonnées simplement parce qu’elles ne soutiennent pas la politique dictatoriale du régime du président Paul Kagame.
Excellence Monsieur le Président de la République,
S’agissant particulièrement des relations franco-rwandaises, le Groupe d’Initiative France- Rwanda a noté avec inquiétude que depuis la dernière visite du président Paul Kagame à Paris du 23 au 25 mai 2018, des agents des services secrets rwandais sont entrés en grand nombre sur le territoire français où ils s’adonnent à des activités d’infiltration et de harcèlement de membres de la communauté rwandaise en exil qui refusent de prêter allégeance au régime de Kigali.
Au nombre de ces agents dont certains se sont déjà illustrés dans plusieurs pays africains à la tête d’« escadrons de la mort », nous citerons Monsieur Désiré NYARUHIRIRA, nommé ambassadeur itinérant et conseiller de la Secrétaire Générale rwandaise de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dès la prise de fonctions de cette dernière. Il nous revient en effet que Monsieur NYARUHIRA effectue divers contacts destinés à appuyer et à faire la propagande de la politique dictatoriale de KAGAME ; Nous mentionnerons par ailleurs Monsieur Aimable BAYINGANA, responsable du cyclisme à l’OIF, mais qui est chargé par Kigali d’organiser et d’encadrer les réunions des milices Intore pour préparer des actions de déstabilisation des réfugiés rwandais ; Citons enfin Monsieur Théos BADEGE, ancien porte-parole de la Police rwandaise, nommé fonctionnaire à INTERPOL en France, mais chargé en réalité de ficher les opposants politiques au régime de Kigali, les accusant au besoin d’être des génocidaires.
Aussi, à la lumière de nombreux signes de bonne volonté que vous n’avez cessé de manifester pour la normalisation des relations entre la France et le Rwanda, le Groupe d’Initiative
France-Rwanda, en sigle GIFR, aimerait vous recommander respectueusement de prendre des mesures pouvant ramener le régime de Kigali à des réformes pouvant aboutir à une ouverture politique globale et inclusive, au respect des droits humains dans son pays, et au respect de la légalité internationale, en rapport avec les points ci-après :
1.L’ouverture de l’espace politique pour permettre au peuple rwandais d’exprimer ses opinions politiques et contribuer ainsi à la démocratisation du pays, au développement économique et à la réconciliation nationale.
À cet effet, le régime de Paul Kagame doit :
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- Mettre fin aux arrestations arbitraires, aux disparitions et aux assassinats des membres de l’opposition rwandaise à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
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- Libérer tous les prisonniers politiques condamnés injustement à de lourdes peines de prison pour avoir osé exprimer des opinions dissidentes, entre autres, des officiers généraux et supérieurs de l’armée rwandaise emprisonnés à l’issue de fausses accusations et de procès entachés de graves irrégularités.
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- Mettre fin à l’ingérence des pouvoirs politiques dans les affaires judiciaires au Rwanda comme à l’étranger.
- En matière de justice, le gouvernement rwandais doit cesser ses ingérences intempestives dans le déroulement de la justice française chargée d’élucider les circonstances de l’attentat du 6 avril 1994 qui a plongé le Rwanda et la région des Grands Lacs dans une insécurité que la communauté internationale n’est jamais parvenue à enrayer.
- Les services chargés de la sécurité des citoyens sur le territoire de la République devraient être appelés à surveiller de près les fanatiques du régime de Kigali dits «Intore » infiltrés en France et dans d’autres pays européens sous le couvert de l’Association Ibuka-France.
- Le GIFR recommande enfin au gouvernement français de ne pas exécuter les mandats d’arrêt complaisants à caractère politique que le régime de Kigali a lancé dans différents pays à l’encontre des opposants politiques.
Le Groupe d’Initiative France-Rwanda se tient à Votre disposition et à celle des différents services compétents de la République pour le suivi de nos recommandations, et Vous tiendra régulièrement informé de l’évolution politique et de la situation des droits de l’homme dans notre pays d’origine.
Vous remerciant de votre compréhension, je vous prie d’agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l’assurance de ma plus haute considération.
Fait à Paris, le 14 juillet 2019.
Jean Marie Vianney Ndagijimana
Ancien ambassadeur du Rwanda en France, Ancien ministre des Affaires étrangères,
Coordinateur du Groupe d’Initiative France-Rwanda (GIFR)
LISTE DES SIGNATAIR ES
1.Jean Marie Vianney Ndagijimana
Coordinateur CUPR - Comité pour l’Unité, la Paix et la Réconciliation au Rwanda
2.Théobald Rutihunza
Président RIPRODHOR (Réseau International pour la promotion et la défense des droits de l'Homme au Rwanda
3.Augustin Sebahakwa
Président du Covigla (Collectif des Victimes des crimes de masse commis dans la Région des Grands Lacs Africains)
4.Théophile Mpozembizi
Président du parti FDU-Inkingi, section France
5.Abdul Hategekimana
Secrétaire général RNC, France
6.Anicet Karege
Commissaire à la diplomatie, RNC France
7.Théophile Mwanga
Coordinateur RNC Île de France
8.Benoît Umuhoza
Coordinateur RNC France
9.Charles Bakundakwita
Président du Comité Politique Local des FDU, Paris
10.Emery Nshimiyimana
Secrétaire général IBUKABOSE-RENGERABOSE, Mémoire et Justice pour tous
11.Eleazar Marasinga
PDR-Ihumure, section France
12.Alphonse Rukundo
Coordinateur RDI-Rwanda Rwiza, France
13. Dany Uwilingiyimana
Coordinateur adjoint RNC France
14.Eterne Kubwimana
Conseiller du président du parti RDI-Rwanda Rwiza, chargé des relations avec les organisations politiques et les associations de la société civile, France
15.Marie Chantal Inyange
Commissaire aux droits de la femme et à la parité, RNC France
16.Laurent Munyandilkirwa
Coordinateur ODHR (Observatoire des droits de l’homme au Rwanda)
17.Pierre Célestin Rwalinda
Commissaire FDU-Inkingi
18.Edison Ndayisaba
Juriste