Afghanistan : cet inquiétant rapprochement entre la Russie, l'Iran et... les talibans !
Alors que le rapprochement entre la Russie, l'Iran et les talibans inquiètent fortement le gouvernement afghan et les Etats-Unis, cette nouvelle donne géopolitique pourrait bien perturber les équilibres géopolitiques déjà très précaires dans la région.
Atlantico : Alors qu'une bonne partie de l'attention médiatique internationale se concentre sur le théâtre syrien, la Russie et l'Iran se seraient rapprochés ces derniers temps des talibans en Afghanistan, une situation qui inquiète notamment les États-Unis, qui pointent le risque de déstabilisation du gouvernement afghan. Dans quelle mesure un rapprochement Russie – talibans peut-il effectivement représenter une menace pour la stabilité de cette zone ?
Alain Rodier : Il est vrai que des responsables de groupes talibans ont eu des contacts avec des Russes au Tadjikistan et même à Moscou. De son côté, Téhéran a toujours joué un rôle complexe dans l’ouest de l’Afghanistan où les taliban ne sont pas ou sont très peu présents. Maintenant, le terme "taleb" (1) est un générique qui regroupe de nombreuses formations diverses et variées. D’ailleurs, il existe des différences entre les taliban afghans et pakistanais même si des liens existent.
Un élément majeur pour tenter de comprendre la situation, c’est que la société afghane reste profondément tribale. Pour compliquer l’équation, des chefs ex-taliban sont passés du côté de Daech! Alors, il serait utile de savoir quels groupes participent à ces pourparlers. Il est possible que l’on soit dans des effets de manches qui n’auront pas de traduction réelle sur le terrain.
Atlantico : L'ambassadeur russe en Afghanistan, Alexander Mantytskiy, assure que les liens avec les talibans visent à "assurer la sécurité en Asie centrale", arguant du fait que les talibans combattent l'État Islamique. Est-ce une réalité concrète sur le terrain ? Tous les groupes talibans présentent-ils un front uni contre l'EI ?
Alain Rodier : Il y a effectivement une guerre en Afghanistan et au Pakistan entre des partisans de Daech, anciennement membres des taliban ou même d’Al-Qaida "canal historique" et les autres mouvements islamistes radicaux. Il est à noter que très peu d’activistes de Daech sont venus de l’extérieur. Ce sont des militants locaux qui ont changé de bannière car Daech était en "odeur de victoire".
Mais surtout, les moudjahiddines - de toutes tendances - sont dans leur majorité opposés au pouvoir central de Kaboul. Ce dernier oublie aussi un peu vite qu’il a bien tenté des ouvertures vers les talibans mais elles ont été rejetées par la majorité d’entre eux. Pourquoi négocieraient-ils alors qu’ils savent qu’ils prendront Kaboul quand les derniers soldats de l’OTAN auront quitté le pays ?
Pour les Pakistanais qui jouent un rôle central dans la région, les "bons taliban" sont ceux qui n’attaquent pas Islamabad ! Par contre, ils sont utiles pour installer un pouvoir "ami" à Kaboul. Il ne faut pas oublier que l’Afghanistan assure la profondeur stratégique aux Pakistanais face à la "menace indienne". Si des négociations sérieuses doivent avoir lieu, les Pakistanais seront incontournables.
Source:atlantico.fr