Rwanda:détruire les maisons en paille sans se soucier des habitants

Publié le par veritas

Devel kamaienPeu leur importe que les villageois sans moyens se retrouvent sans toit. L'objectif pour certains dirigeants de base rwandais est, avant tout, d'être les premiers à avoir détruit toutes les maisons en paille, comme le veut le gouvernement. Des excès de zèle qui multiplient les sans-abris…

"Adieu les maisons en paille (Bye bye Nyakatsi) !", prône le programme du gouvernement rwandais. C'est ainsi que des centaines de personnes du secteur Rugarama, district de Gatsibo dans la province de l'est du pays, se sont retrouvées sans logement, après la démolition de leurs maisons. Désemparés, ces sans-abris passent la nuit à la belle étoile.

Les autorités de Gatsibo sont très déterminées : toutes les maisons construites depuis deux ans, date de la mesure interdisant les constructions en matériaux non durables, doivent être démolies sans condition. Il en est de même pour ceux qui construisent des maisons en tôles avec une annexe en paille. Le maire du district, Anselme Rurangwa Majoro, reconnaît que la campagne de destruction des maisons en paille, nombreuses dans sa circonscription, est en cours.

Il appelle la population à se regrouper dans des mutuelles de solidarité pour construire des habitats améliorés et promet que les vulnérables seront assistés par le fonds gouvernemental pour les nécessiteux. Les autorités comptent aussi mener des négociations auprès des banques locales pour qu'elles accordent facilement des crédits pour l'achat de tôles à la population. Mais pour l'instant, rien n'est fait. On leur demande seulement d'attendre…

Près de trois quarts des 115 000 maisons en paille du pays ont déjà été détruites sans que leurs habitants soient indemnisés et beaucoup n'ont pas les moyens de reconstruire.

Changer de mentalité avant de détruire les maisons

La province de l'Est, par exemple, compte plus de 30 000 maisons en paille. Éphraïm Kabayija, le gouverneur de cette province, accuse les habitants d'être trop conservateurs. Certains propriétaires ne manquent pourtant pas de moyens, d'autres ont construit des maisons modernes, mais préfèrent rester dans leurs huttes. Il a cité l'exemple d'une vieille mère de Nyamata, district de Bugesera, qui a deux belles maisons mais vivait dans une troisième en paille qu'elle louait. C'est le même cas à Gatsibo, où un vieillard a préféré laisser à ses enfants la maison qu'ils lui avaient construite, se sentant plus à l'aise dans une maison traditionnelle. "À Rilima toujours dans le district de Bugesera, ajoute, le gouverneur, plusieurs habitants ont vendu leurs maisons modernes pour rester dans les maisons en paille.

C'est inacceptable pour le gouvernement." Avis partagé par le ministre de l'Administration locale, James Musoni, qui reconnait l'inviolabilité du domicile de quelqu'un, mais qui ajoute que nul n'est au dessus de la loi. "Même les grattes ciel non conformes à l'urbanisme sont parfois démolis", brandit-il. Pour les dirigeants, "ces maisons provoquent beaucoup d'accidents à cause des feux ou de la pluie."

Atteintes aux droits de l'homme

"Cependant, constate un ingénieur constructeur de Kigali, certains villageois apprécient ces maisons pour leur fraicheur, quand elles sont bien entretenues. D'autres restent nostalgiques des constructions traditionnelles." Mais le gouverneur du Sud, Fidèle Ndayisaba n'en a cure.

"Ceux qui veulent voir ces maisons n'auront qu'à visiter le musée et les contempler à leur aise", martèle-t-il lors du dialogue national tenu à Kigali les 20 et 21 décembre.

Le gouvernement rwandais avait d'abord fixé à juin dernier la fin des maisons en paille sur toute l'étendue du territoire, date récemment reportée à fin 2011 par le dialogue national. Mais certaines autorités font la course contre la montre pour y parvenir avant la fin de l'année. "Toutes les maisons de ce genre devront disparaitre au 31 décembre", met en garde le gouverneur de l'Est qui compte aller vite en besogne.

"Puisque la mesure est non négociable, les villageois se cotisent pour acheter des tôles et fabriquer des briques", explique un leader de l'Est.

Ces excès de zèle s'accompagnent souvent de graves atteintes aux droits de l'homme. Par exemple, le secrétaire exécutif de secteur Rwimiyaga est poursuivi car il a poussé une villageoise enceinte à monter sur le toit de sa maison pour le détruire elle-même. C'était une façon de la punir car elle avait résisté longtemps aux instructions des responsables. La femme est tombée ce qui aurait provoqué son avortement.

À Kiramuruzi, district de Gatsibo, certaines autorités de base ont même été convoquées à une réunion par le secrétaire exécutif, et appréhendées par la police nationale, car elles traînaient à faire démolir les huttes de leur population…

De récentes informations en provenance du Burundi font état d'une cinquantaine de Rwandais, majoritairement des Twas, qui ont fui le Rwanda depuis trois jours, parce que, disent-ils, la police brûle leurs maisons.

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