Le Rwanda : un des derniers rares régimes au monde à sanctionner le délit d’opinion
Peu avant le simulacre d’élection qui a permis à Paul Kagame de se déclarer élu à 93% en août 2010, le dictateur avait déjà mis sa machine répressive en marche. Le président du parti PDP-Imanzi, M. Déo Mushayidi, fut kidnappé au Burundi voisin et ramené secrètement au Rwanda. Il fut condamné à la réclusion à perpétuité pour « atteinte à la sécurité de l’Etat », entendez par là : avoir créé un parti politique opposé au FPR au pouvoir . Les seuls documents en conviction présentés en preuve par le procureur et auxquels les juges ont accordé crédit ne sont que les manifestes politiques de son parti ainsi que des communiqués et des déclarations publiques qui n’ont rien de séditieux sauf pour critiquer le régime.
Une justice au service d’une dictature paranoïaque.
Quelques semaines après son retour d’exil de plus de 16 ans de Madame Victoire Ingabire , présidente du parti Maître Bernard Ntaganda, président du parti d’opposition PS-Imberakuri, a eu la même mésaventure que Victoire Ingabire. Après s’être déclaré candidat de son parti pour défier le dictateur Paul Kagame, son parti fut scindé par les services secrets du régime en deux factions dont celle qui s’est ralliée au FPR et qui a « exclu » le fondateur du parti. Non content de l’avoir ainsi politiquement affaibli, le pouvoir l’a fait arrêter et jeté dans la triste prison centrale de Kigali connue sous le sobriquet de 1930 (année de sa construction par les belges !). Après avoir échappé à la mort, son procès vient de commencer et il est accusé d’avoir repris une expression rwandaise qui dit : « Tura tugabane niwanga bimeneke ». Littéralement : « déposes ton magot pour que l’on partage, sinon qu’il se renverse ». Se dit quand quelqu’un affiche son abondance parmi les affamés en attirant son attention que sans partage, il risque de perdre lui-aussi. Le procureur juge qu’en évoquant cette situation, il voulait faire comprendre que le FPR règne sans partage sur le pays et qu’il se devait d’associer l’opposition à la gestion du pays. Il assimile cette évidence à une « atteinte à la sécurité de l’Etat » et demande 10 ans de prison pour Maître Ntaganda. Les juges sous les ordres risquent de suivre ce commis zélé du régime FPR. La même semaine où se tenait le procès de Maître Bernard Ntaganda, un prêtre catholique, l’abbé Emile Nsengiyumva était arrêté et jeté en prison pour avoir exposé dans un sermon, qu’il condamnait les destructions des maisons en paille quand les occupants n’avaient nulle autre part où se loger. De même il s’était prononcé contre la stérilisation forcée des couples dans le cadre du planning familial prôné par le gouvernement. Il est officiellement accusé de « s’opposer aux projets du gouvernement » et est maintenu en prison en attendant sa certaine condamnation à une lourde peine pour avoir exprimé en chaire ses convictions en tant que prédicateur et homme d’Eglise.
Une amnésie suspecte et coupable
Il faut remonter loin dans l’histoire récente pour trouver des régimes paranoïaques qui ont condamné leurs citoyens pour des délits d’opinions ou tout simplement pour des motifs puérils pourvu que les victimes soient éliminées. Les procès staliniens de l’entre -deux guerres donne une idée approximative de ce qui se passe au Rwanda actuellement. Plus proche de nous, les procès intentés aux « dissidents » dans la Chine de Mao pendant la révolution culturelle s’apparentent à ceux que Kagame intentent à ses opposants. La seule grande différence est que ces procès étaient dénoncés en leur temps par la presse du monde libre et en tous cas pas encouragés par les démocraties. Or, au Rwanda, non seulement la presse reste muette quand elle ne loue pas Kagame, mais certains gouvernements dits démocratiques aident financièrement ou matériellement le régime dictatorial à organiser ces procès pour délit d’opinion. Certaines polices des pays occidentaux n’hésitent pas à participer à la fabrication de fausses preuves (emails trafiqués, extraits des transferts d’argent par Western Union, …) pour voler au secours du procureur de Kigali quand il ne trouve rien pour charger les opposants.
Que retiendra l’Histoire ?
L’Histoire, en évoquant la période actuelle devrait jeter la honte à trois sortes d’acteurs ; - Honte à une dictature implacable et paranoïaque qui s’était emparé du pays par les armes et qui entendait régner sans contestation et qui pour cela n’a pas hésité à tuer ou à condamner lourdement des personnes qui osaient la critiquer ; - Honte à des juges du système dictatorial qui étaient aux ordres de la dictature et qui ont déshonoré leurs robes en obéissant aux injonctions de la dictature pour condamner des innocents ; - Honte à une certaine presse internationale qui, pour des raisons souvent personnelles ou mercantiles, aura fermé les yeux ou présenté de façon biaisée la persécution que le dictateur Paul Kagame a exercé sur ses opposants ; - Enfin, honte à certaines puissances dites « démocratiques » qui, pour des raisons de géopolitique, auront fait du Rwanda un champ d’expérimentation au grand malheur des Rwandais et qui au passage auront foulé aux pieds les principes qu’elles étaient censées promouvoir.
Emmanuel Neretse |