La banalisation du génocide nazi pour protéger “notre” génocidaire Paul Kagame [Joan Carrero, 18.04.2019]
Alors que la France continue d’être accusée à tort d’être gravement responsable du génocide rwandais, la Belgique revient à la charge. L’Etat européen véritablement complice de ceux qui, comme l’a dénoncé Boutros Boutros Ghali, sont réellement responsables de ce grand génocide, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne – exactement comme dans l’assassinat de Patrice Lumumba, avec la complicité de l’ONU – viennent de promettre au génocidaire Paul Kagame de prolonger les lois que punissent le négationnisme de la Shoah.
Objectif: faire taire totalement les “négationnistes” qui, comme moi, rejettent la version officielle – fausse et perverse – du génocide rwandais. Pour soutenir le génocidaire Paul Kagame, ses “parrains” occidentaux atteignent un tel degré d’impudeur dans l’utilisation malveillante du génocide tutsi qu’il est presque impossible à croire : en l’assimilant à l’archétype par excellence du génocide, le Nazi, l’extermination terrible et planifiée dont les Juifs ont été victimes de la part de ceux qui cherchaient à éliminer de la face du monde tout ce peuple devient sérieusement banalisée. C’est pourquoi l’indignation de nombreuses personnes d’origine juive qui connaissent bien le dossier rwandais ne cesse de grandir. Comme c’est le cas avec ma propre femme, sans aller plus loin.
Ils gonflent d’une manière tellement insoutenable cette grande fake news que, par la loi naturelle, elle peut les exploiter à tout moment. Le temps est peut-être venu d’une provocation plus active, comme l’a fait mahatma Gandhi ou Martin Luther King. Ou comme Charles Onana l’a fait, accusant Paul Kagame et le FPR du double assassinat du 6 avril 1994. Je devrai décrire systématiquement Paul Kagame comme un “grand génocidaire”, sans utiliser l’adjectif “présumé”. Peut-être cette question parviendra-t-elle ainsi enfin à un grand tribunal international impartial et seront révélés de nombreux faits, déjà décrits par le juge Fernando Andreu mais qui ont été réduits systématiquement au silence par les médias. Ce sont des faits qui ont conduit le juge espagnol à accuser Paul Kagame -immunisé et impuni alors qu’il assurait la présidence du Rwanda- d’être l’auteur des crimes les plus graves et les plus massifs répertoriés par le droit international, y compris le génocide. Et aussi d’émettre un mandat d’arrêt contre ses quarante collaborateurs les plus proches et les plus importants.
Comme en 2009 j’ai écrit dans mon livre Afrique, la mère outrée :
“C’est une grande infamie, comme le dénoncent Helmut Strizek, les avocats de la défense du TPIR et tant d’autres analystes honnêtes, d’essayer de faire de ce tribunal un nouveau Nuremberg, en cachant à l’opinion publique que le rôle des grands agresseurs internationaux, alors joué par les Nazis, appartient maintenant aux ‘libérateurs’ hymas-tutsis et leurs grands parrains anglo-saxons, et non au régime du Juvénal Habyarimana. Augustin Ngirabatware se demande si les Juifs ont attaqué l’Allemagne militairement, comme les Tutsis du FPR ont attaqué le Rwanda [déjà en octobre 1990, trois ans et demi avant le début du génocide tutsi]. Il se demande si les Juifs ont assassiné le président de l’Allemagne et un grand nombre de ses hauts fonctionnaires, comme les Tutsis du FPR ont assassiné le président Juvénal Habyarimana et de nombreux autres dirigeants rwandais. Si les Juifs ont pris le pouvoir en Allemagne et ont geré le pays en exterminant des centaines de milliers d’Allemands, comme le FPR l’a fait au Rwanda. Si les Juifs ont attaqué alors un pays voisin de l’Allemagne pour renverser son chef d’Etat, comme le FPR l’a fait au Congo… Et termine par cette dernière question : Pourquoi alors ne dit-on pas qu’une grande conspiration a été montée contre le peuple Rwandais ?”
Depuis le début de mon implication personnelle dans la tragédie rwandaise, implication immédiate au nom des victimes tutsies le même 7 avril 1994, j’ai toujours cru et soutenu publiquement qu’il s’agissait d’un véritable génocide, que les massacres systématiques des Tutsi par des extrémistes hutus – et aussi par trop de membres infiltrés du FPR – au printemps 1994 étaient à considérer comme un génocide. Et cela malgré l’absence de planification par les génocidaires avec l’intention d’éliminer l’ensemble de l’ethnie tutsi. Contrairement à ce que l’on peut entendre et lire à plusieurs reprises dans les grands médias, ce n’est pas nécessaire, pour qualifier les massacres de génocide, d’inventer une planification – que n’existait pas en l’occurrence, comme le TPIR a finalement dû le reconnaître – ni d’attribuer aux génocidaires l’intention supposée de détruire tous les membres des groupes – ethniques en l’occurrence – qui sont visés par la Convention pour la Prévention et la Répression du Génocide, approuvée en 1948 par l’ONU. Il n’y a aucune référence à la planification dans la présente Convention. Et quant à l’intention, elle dit : “génocide s’entend de l’un quelconque des actes suivants perpétrés dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tant que tel”
Quant au facteur ethnique, qui est fondamental pour que les crimes de masse contre les Hutus ou les Tutsis soient qualifiés de génocide, j’ai déjà écrit dans mon livre précité :
“J’espère qu’avec le temps, les massacres de nature politique seront considérés comme un génocide. Pour l’instant, affirmer que le génocide rwandais du printemps 1994 s’inscrit parfaitement dans le cadre de la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide serait, à mon avis, déformer la nature de ces massacres en donnant à leur composante ethnique une place centrale que je ne pense pas qu’il ait réellement. Je suis convaincu que la majorité de ceux qui ont assassiné des centaines de milliers de Tutsis l’ont fait non pas tant parce que les victimes appartenaient à ce groupe ethnique, mais parce qu’ils étaient persuadés que, vu la grande fracture ethnique que l’agression du FPR avait produite entre Hutus et Tutsis et vu la solidarité ethnique intense qui prévalait donc pendant cette période, leur statut ethnique faisait de tout Tutsi un collaborateur probable de leurs frères Inkotanyi-FPR. Inkotanyi qui étaient perçus par la population hutu comme les seigneurs de guerre qui ravageaient le pays depuis plus de trois ans, qui venaient d’assassiner le “père de la patrie”, qui infiltraient des milliers de personnes à Kigali et qui les tueraient à tous eux si ne l’empêchaient pas. Il y a certainement eu une globalisation injuste et criminelle des Tutsis par les extrémistes hutus. Mais il ne s’agissait pas d’abord de les globaliser en tant que membres d’un groupe ethnique qu’il fallait éliminer, comme les nazis l’ont fait avec les Juifs, mais plutôt de les globaliser en tant que collectif ethnique d’agresseurs.
La peur, la rage, la haine et l’impuissance face à une troupe du FPR bien armée, contre laquelle les machettes ne pouvaient rien faire, ont déclenché le massacre des seuls qui étaient à leur portée : les collaborateurs présumés, les Tutsis de l’intérieur du Rwanda. Le fait qu’au milieu de ces ravages, de tels massacres étaient plus ou moins organisés et que, dans certaines préfectures et municipalités, même des autorités nationales ou locales étaient impliquées dans cette organisation, ne contredit en rien mon point de vue. Cette position consiste donc à nier non pas le génocide mais ses motivations fondamentalement ethniques, ainsi que sa planification. Comme nous le verrons plus loin, l’observation selon laquelle une telle planification n’existe pas est la position générale de ceux que je considère comme de véritables experts dans ce conflit.
Tout cela ne coïncide pas exactement avec ce que notre monde entend par génocide après que le peuple juif a été presque exterminé par les différents organes armés du gouvernement nazi [d’où la détermination de la version officielle susmentionnée à préciser que la planification était le fait du gouvernement rwandais]. Des millions de civils, qui n’étaient en guerre avec personne, ont été éliminés simplement parce qu’ils étaient Juifs. La preuve de cette disparité [entre les deux génocides] est que les extrémistes hutus ont assassiné non seulement l’ensemble des Tutsis, mais aussi tout Hutu soupçonné de collaborationnisme. […]
D’autre part, en ce qui concerne la deuxième question, celle de la vengeance comme motivation supposée des massacres systématiques contre des centaines de milliers de Hutus, nous devons tout d’abord garder à l’esprit que les faits qu’Abdul Ruzibiza et tant d’autres nous ont dit sont similaires ou plus terribles que les barbaries, si médiatisés, commises par des extrémistes hutu pendant cent jours. Mais ils ont aussi diverses circonstances aggravantes, dont je me limiterai à mentionner trois :
– La première est l’existence de la planification. Une planification que, d’autre part, le TPIR n’a pas été en mesure de démontrer dans le génocide perpétré par les extrémistes hutus. Et ce, malgré le fait que, pour y parvenir, il bénéficie depuis quinze ans d’un financement substantiel et d’un soutien de toutes sortes.
– La deuxième est la condition de l’agression internationale. C’est le premier des grands crimes punissables par la justice internationale, selon les Principes de Nuremberg.
– La troisième est la forte composante ethnique. Certes, les massacres perpétrés par le FPR/APR correspondent beaucoup plus que ceux des extrémistes hutus à ce qui est défini par la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide. Il est vrai qu’il y avait en eux une forte composante politique, comprenant le politique tel que le FPR le comprend : la lutte pour le pouvoir par tous les moyens, y compris les crimes de masse. Mais je suis convaincu que dans le noyau irréductible du FPR, il y a une idéologie raciste beaucoup plus évidente que chez les extrémistes hutus qui ont réagi aux agressions insupportables du FPR.
Mais surtout, si on qualifie les massacres planifiés et systématiquement perpétrés par le FPR/APR – dont beaucoup ont été perpétrés des années avant le génocide du printemps 1994 – d’actes isolés de revanche pour ce génocide, une telle qualification devient une énigme difficile à résoudre. Les massacres perpétrés par cette organisation pendant le génocide dans les zones qu’elle contrôlait et le nettoyage ethnique qui a suivi dans tout le pays après sa victoire étaient planifiés et systématiques. Ils ne peuvent en aucun cas être considérés comme des actes de vengeance. Mais prétendre que même les massacres d’avant le 6 avril ont le caractère d’une vengeance, c’est de l’impudence pure et simple de la part du FPR et de la complicité de ses alliés. A moins que, pour les experts officiels, ces premiers et grands massacres ne soient pas dignes d’intérêt.
Cependant, aucune commission de l’ONU n’aurait dû ignorer une réalité scandaleuse qui n’aurait jamais pu avoir le caractère d’une revanche : des régions entières du Rwanda ont été vidées de leur population hutu. D’octobre 1990 à avril 1994, des dizaines de milliers de Hutus ont été massacrés par le FPR, environ 200 000 selon les estimations de ceux qui les ont vécu de près et des experts qui me méritent plus de confiance. A cela s’ajoute la fuite terrifiée de plusieurs centaines de milliers d’autres qui en ont entendu parler, surtout depuis l’attaque virulente déclenchée par le FPR en février 1993. Il en a résulté la vidange de régions entières de la moitié nord-est du Rwanda. Robin Philpot propose un chiffre concret qui révèle cette infamie : ‘Deux ans et demi après l’invasion, il ne restait que 1800 personnes dans une région du nord du Rwanda qui en comptait 800 000 avant la guerre’
Cette vidange, surtout de Byumba mais aussi de Ruhengeri, de Kibungo ou de la zone rurale de Kigali, était si flagrante que le FPR, quelques mois plus tard, alors qu’il était déjà au pouvoir, s’est sérieusement inquiété que cette réalité transcende les frontières. A l’intérieur du Rwanda, heureusement libéré par des sauveurs aimés du peuple… des millions de Rwandais ont disparu ! Mais ceux qui ont survécu dans les immenses camps de réfugiés, dans les pays limitrophes, ont préféré vivre mal dans ces camps plutôt que de tomber entre les mains des inkotanyi de l’intérieur du Rwanda. Sans le prétendre, ils ont laissé en évidence un FPR qui s’est présenté comme un mouvement libérateur, mais qui n’a provoqué que la terreur chez l’immense majorité de leurs concitoyens. Une terreur qui avait vidé le Rwanda de plus de la moitié de sa population [d’environ 8 000 000 de personnes].”
Je finis par dénoncer une autre honte : celle de prétendre que la théorie du double génocide – défendue, par exemple, par le juge Fernando Andreu dans son auto – est du négationnisme. S’il s’agissait d’une forme cachée de négationnisme – comme l’ont affirmé des gens comme John Carlin ou Ramón Lobo dans les médias espagnols – la fausse assimilation du génocide des Tutsis au génocide des Juifs serait encore plus négationniste. Négationnisme en ce qui concerne la Shoah, bien sûr. Parce qu’il y a plus de différences entre les deux qu’entre le génocide des Tutsis et celui de millions de Hutus tués pour le seul fait d’être Hutus. Avant d’étendre la législation sur le négationnisme pour écraser toute opposition à Paul Kagame, la Belgique devrait condamner ceux qui banalisent la Shoah en la dépouillant des caractéristiques qui lui confèrent une gravité et une singularité particulières, la rendant incomparable avec le génocide des Tutsis.
Chaque fois que le terme génocide est utilisé de façon inappropriée, la Shoah est banalisée. Chaque fois que sont assimilés à la Shoah d’autres génocides qui n’ont pas son ampleur, sa gravité et ses caractéristiques singulières particulièrement terribles, elle est banalisée. Elle est banalisée surtout si on la compare au génocide des Tutsis et est cachée une circonstance fondamentale qui rend impossible sa comparaison avec la Shoah. Je le souligne dans mon livre précité : “Derrière de tant de violence généralisée il y ait eu un facteur déterminant, qui n’était pas précisément l’ethnicité. L’ethnicité qui a été rendue responsable de tout. L’affirmation selon laquelle les Tutsis ont été assassinés du seul fait qu’ils étaient Tutsis, et seulement pour cette raison, est une explication totalement insuffisante, fauchée et fausse de leur extermination brutale. Sans tenir compte du facteur réellement déterminant auquel je me réfère, on ne peut jamais comprendre ce qui s’est passé : Et c’est surtout cette peur du retour de l’ordre ancien, cette peur de se retrouver sous un régime d’oppression, qui explique la rage extrême d’un peuple possédé par son désespoir (Edouard Kabagema).”
Certains d’entre nous n’ont pas dû attendre vingt ans pour que le rapport Mapping de l’ONU dénonce les grands massacres de hutus par le FPR, des massacres “à caractère génocidaire”. Nous les connaissions déjà et les dénoncions en 1996 avec tous les moyens à notre disposition, même avec un jeûne de quarante-deux jours. Et aujourd’hui, j’affirme que le génocide subi par les Hutus aux mains de Paul Kagame et de ses tueurs du FPR a beaucoup plus de similitudes avec le génocide nazi que le génocide des Tutsis. En commençant par le nombre de victimes. Je l’affirme, même si cela peut paraître scandaleux à ceux qui sont encore marqués par la version officielle. Je l’affirme, même si la préservation de sa propre sécurité ou de celle de ses proches empêche de nombreux hutus, bons connaisseurs de cette immense tragédie, de se positionner publiquement de la même manière. Je l’affirme, aussi téméraire que puisse paraître cette version gênant des événements dans un monde où la dignité et la vérité ne sont pas des valeurs absolues.
Source:l-hora.org