Génocide rwandais: un ancien rebelle tutsi détaille ses accusations contre Paul Kagame
"Paul Kagame a déclenché le génocide": en accusant l'actuel président rwandais, James Muyandinda se joint à la longue liste d’ex-rebelles tutsis venus témoigner contre leur ancien chef dans l'enquête française sur l'attentat qui a donné le signal des massacres perpétrés par les extrémistes hutu en 1994. "J'ai reçu des appels de menaces, mais je n'ai pas peur de mourir, car je dis la vérité", assure d'une voix sereine l'ancien militaire de 42 ans, rencontré jeudi à Paris par l'AFP, un an après son arrivée clandestine en France où il a demandé l'asile politique.
"Si je la garde pour moi, c'est un poids trop lourd", affirme ce Tutsi né en Ouganda, en livrant un récit dénué de preuves matérielles mais qui s'ajoute à d'autres témoignages plus ou moins concordants. Cet ancien soldat du Front patriotique rwandais (FPR), affecté à l'escorte de leur chef Paul Kagame, affirme avoir eu la garde des missiles qui auraient, selon lui, servi à ses camarades pour abattre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana au soir du 6 avril 1994 à Kigali. L'attentat, non élucidé, est considéré comme le signal déclencheur du génocide qui fit 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement parmi la minorité tutsi.

Le juge a clos dans la foulée cette enquête sensible qui empoisonne les relations entre les deux pays, ouvrant la voie aux réquisitions du parquet sur les suites à lui donner, 24 ans après les faits. En mars 2017, James Muyandinda avait été entendu deux fois par le juge antiterroriste Jean-Marc Herbaut. "Je venais d'arriver en France et mon principal objectif, c'était de témoigner chez le juge", assure-t-il. Au magistrat, l'ex-militaire décrit comment lui, alors âgé de 17 ans, et ses camarades au QG du FPR à Mulindi, ont chargé les deux missiles SA-16 dans un camion et les ont cachés sous du bois de chauffage, direction Kigali, "lors d'un après-midi entre fin février et début mars". Resté au QG, Muyandinda prétend avoir reçu par la suite le témoignage des tireurs des missiles du 6 avril.
- 'Négationniste' -

Il en profite pour faire défection et, sous le pseudonyme de Jackson Munyeragwe, se consacre "immédiatement" à témoigner sur une radio d'opposition, qualifiée de "négationniste" par Kigali. Sur son passeport rwandais consulté par l'AFP, aucun visa et aucun autre tampon que ceux de son entrée en Ouganda le 2 octobre 2008. "Ensuite, j'ai essayé de joindre la justice française, mais j'ai été découragé quand Emile Gafarita a été enlevé à la veille de venir témoigner en France", en novembre 2014. Ce compagnon d'armes qui, dans une lettre au juge, affirmait lui aussi avoir eu la garde des missiles, n'a jamais été retrouvé.
TV5 Monde