Dissidence au sein du parti FDU : vers une clarification ?
Plus de deux ans après que quelques membres du parti FDU-Inkingi (Forces Démocratiques Unifiées–Inkingi) aient boudé et même saboté les activités du parti mais sans oser en sortir officiellement, il semble que cette fois-ci le groupe de dissidents grossi par les frondeurs et mauvais perdants du congrès d’Alost (13 et 14 septembre 2014), aient franchi le Rubicon pour quitter le parti « Forces Démocratiques Unifiées »-Inkingi et fonder le leur sous l’appellation de : « Mouvement National- Inkubiri ». En effet, le 9 novembre 2014, réunies à Bruxelles, une dizaine de personnes [voir Charte et signataires du Mouvement national_Inkubiri] ont signé un document mettant sur pied un nouveau parti politique d’opposition au régime en place à Kigali. Ainsi donc, après des mois de tergiversations, les dissidents, menés par Eugène Ndahayo puis rejoints par Nkiko Nsengimana et les autres déçus du congrès d’Alost, viennent de se rendre à l’évidence qu’ils ne pourraient pas continuer à agir politiquement sous le couvert d’un parti dont ils sont en profond désaccord idéologiquement.
D’ailleurs, dans l’exposé des motifs, les fondateurs du nouveau parti signalent clairement que ces divergences étaient manifestes dès la création du Parti FDU-Inkingi dans ses composantes FRD (Forces de résistance pour la Démocratie), RDR (Rassemblement Républicain pour la Démocratie au Rwanda) et ADR (Alliance démocratique rwandaise). Mais, ils omettent de signaler aussi que la nouvelle entité FDU-Inkingi, née de ces trois composantes, n’était point une juxtaposition des idéologies de ces anciennes composantes, mais bien un nouveau parti qui s’était alors doté de son propre projet de société et de son programme politique n’ayant rien à voir avec ceux des anciens FRD, RDR et ADR. Mais Ndahayo et consorts auraient toujours cru qu’ils étaient dans le parti FDU-Inkingi pour y défendre les intérêts et idéologies politiques de FRD ou ADR. Il semble donc que c’est ce malentendu de départ qui a été à la base de ces dissidences et que donc maintenant la situation devient plus claire avec la formation de leur parti par ceux qui se croyaient des FRD et de ADR opérant au sein des FDU-Inkingi.
Divergences idéologiques ou mauvaise foi ?
Les fondateurs du parti « Mouvement National-Inkubiri » reprochent aux cadres actuels du parti FDU-Inkingi orthodoxe d’être des anciens du MRND de l’ancien président Juvénal Habyarimana, ce qui ne correspond pas du tout à la configuration actuelle des membres et leaders des FDU-Inkingi dont la majorité a rejoint ses rangs après 2006. Ce seul pretexte suffit au groupe Ndahayo de vouer aux gémonies ses anciens partenaires au sein du parti FDU-Inkingi. Ce faisant, ces inquisiteurs politiques oublient ou tentent de faire oublier qu’ils furent tous des collaborateurs du FPR que ce soit lors de sa guerre de conquête ( 1990-1994) quand ils étaient ses complices de l’intérieur, ou après sa victoire quand ils sont entrés dans les institutions que cette ancienne rébellion mettait en place après juillet 1994. Le message que nous livre le groupe Ndahayo est que pour lui, avoir collaboré avec le régime Habyarimana est de loin plus criminel que d’avoir collaboré avec le FPR (Front Patriotique Rwandais) ou participé à son pouvoir comme l’ont fait Ndahayo, Musangamfura et Mberabahizi.
Les anciens dissidents de FDU-Inkingi désormais dans le parti « Mouvement National-Inkubiri » entendent se distinguer de FDU-inkingi en soulignant dans leur « projet de société » que sur la question du génocide, ils affirment mordicus, en dépit des recherches infructueuses du TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) et d’autres instances internationales, que le « génocide des Tutsi » a été planifié par le régime du président Habyarimana. Seul le FPR est aussi catégorique sur cette affirmation. Mais si pour le FPR, il y va de sa légitimité dans la conquête et l’asservissement du Rwanda, on comprend mal dans quel intérêt Ndahayo et consorts feraient eux aussi de cette supercherie leur fond de commerce. Enfin, le nouveau venu sur l’échiquier politique, nous voulons citer le parti « Mouvement National-Inkubiri », entend amener la communauté internationale à modifier l’appellation consacrée par l’ONU de « génocide contre les Tutsi » en « génocide tutsi ». Ici aussi on ne sait pas dans quel intérêt.
Fixation maladive sur le RDR
Le nouveau parti de Ndahayo, pour se justifier ou pour s’attirer quelques sympathies, se décharge sur le RDR, cette organisation née dans les camps de l’Est du Zaïre après 1994 et qui avait pour but de défendre les intérêts de plus de 2 millions de réfugiés alors entassés dans des camps de l’Est de l’actuelle RDC. Sixbert Musangamfura, alors chef des Renseignements du FPR ou un Mberabahizi qui avait rejoint ce mouvement et qui fut nommé député du FPR en 1994, devraient avoir informé plutôt leurs collègues que le RDR ne rassemblait pas que les tenants de l’ancien régime de la IIè République comme ils le mentionnent dans leur projet de société. Il est risible de prétendre que seuls les partisans du régime de Habyarimana se trouvaient dans ces camps dont, rappelons-le, la population était de plus de 2 millions.
La vérité est que les leaders du RDR venaient de tous les horizons de la scène politique rwandaise. Pour preuve, à la fondation du RDR, ce fut JMV Ndagijimana, issu du MDR, qui a été le premier responsable des Relations extérieures de cette organisation alors qu’un certain Habimana, lui aussi du MDR, en était le 2è vice-président. De même, c’est Ildephonse Munyeshyaka qui était responsable du RDR à Nairobi où cette organisation avait implanté l’essentiel des ses activités. Il était lui aussi du MDR. Le secrétaire général du comité régional était Vincent Ruhamanya, également du MDR. De plus, le RDR a cessé d’exister avec la création du parti FDU-Inkingi en 2006.
Il est donc surprenant que Ndahayo et son groupe, qui pourtant furent témoins de la fin du RDR, se réveillent quelques années plus tard en criant « au loup… c’est le RDR !» qui sous le couvert de FDU-Inkingi tenterait de réinstaurer le régime du MRND ! Le seul enseignement que l’on peut retenir de cette fixation maladive de Ndahayo et consorts sur le RDR est que le sort des réfugiés au Zaïre en 1994 ne les préoccupait pas, et pour cause, ils étaient des dignitaires du régime FPR qui devait pourchasser et exterminer ces réfugiés. Mais, même aujourd’hui, 20 ans après, il semble que ce groupe soit contrarié que ces mêmes réfugiés aient survécu et font encore parler d’eux, grâce notamment à ceux qui les ont défendus en leur temps dont en premier lieu le RDR. Il est significatif de noter que tout au long de leur long exposé, Ndahayo et compagnie ne font d’ailleurs nullement allusion au sort impitoyable qui attend beaucoup de ces réfugiés qui errent encore dans les forêts congolaises.
Conséquences pratiques de la clarification
En rompant officiellement le lien avec le parti FDU-Inkingi et en rendant public un manifeste d’une nouvelle formation politique, Ndahayo et compagnie ont agi logiquement et ont fait un pas dans la levée d’une confusion qui était entretenue sur cette question. Seulement, ils ne sont pas allés assez loin car il semble qu’ils veulent encore s’accrocher sur l’acronyme « FDU » auquel ils adjoignent le nom du nouveau parti « Mouvement National-Inkubiri ». Le bon sens voudrait qu’ils abandonnent définitivement l’acronyme FDU et tout sera clair. En effet, l’acronyme FDU reste et restera à jamais associé à l’héroïne de la lutte démocratique qu’est Madame Victoire Ingabire Umuhoza incarcérée au Rwanda mais toujours présidente du parti-FDU-Inkingi.
Or, vous aurez remarqué que tout au long de leur développement sur une dizaine de pages, il n’est nulle part fait référence à Madame Victoire Ingabire et ses compagnons d’infortune au Rwanda. D’autres cadres du parti FDU-Inkingi et des militants en payent un lourd tribut : Sylvain Sibomana, secrétaire général du parti, purge 8 ans de prison. Plus d’une dizaine de jeunes militants viennent de terminer leur peine de 6 ans de prison. Leur seul péché est d’avoir voulu répandre les idéaux démocratiques des FDU-Inkingi au Rwanda. Ndahayo et son groupe ayant coupé tout lien avec Victoire Ingabire et ayant clairement exposé leurs divergences idéologiques avec son parti, la logique voudrait qu’aucune référence aux FDU ne devrait être faite dans la dénomination de leur nouvelle formation politique. De mauvaises langues sont d’avis que Eugène Ndahayo et son groupe sont pour le parti FDU ce qu’est Mukabunane pour le PS Imberakuri. Ils ont peut-être raison.
Du reste on ne peut que souhaiter « bon vent » au nouveau parti d’Eugène Ndahayo, JB Mberabahizi et autres Sixbert Musangamfura que les connaisseurs de la vie politique rwandaise n’hésitent pas à le qualifier de « vagabond politique » au vu de son parcours. En effet rares sont les politiciens qui comme Sixbert Musangamfura, peuvent se prévaloir d’avoir été successivement militant des partis : MDR, FPR, FRD, ADR, FDU et maintenant Inkubiri !
Il reste à demander aux dirigeants du nouveau « mouvement national – Inkubiri» de clarifier l’objet de leur lutte : soit être opposants au régime de Kigali, soit être opposants à leurs anciens compagnons de lutte des FDU-Inkingi. Leurs attitudes de ces derniers temps tendent plutôt à démontrer qu’ils s’inscrivent dans cette dernière option. Est-ce innocent ce genre de comportements ?
Jane Mugeni
echosdafrique.com
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