RWANDA: Attentat du 6 avril 1994, déclaration de Paris.

Publié le par veritas

Paris

Déclaration des organisations de la société civile et politiques rwandaises à propos de la Communication mensongère du gouvernement de Kigali sur les conclusions du rapport d'expertise technique ordonné par les juges d'instruction français.

 

 

 


                                 DÉCLARATION DE PARIS

                                  Dimanche 12 février 2012

 

Le 17 novembre 2006, le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière a lancé des mandats d'arrêt internationaux contre des officiers du haut commandement de l'Armée patriotique rwandaise, branche armée du FPR (Front Patriotique rwandais) pour leur responsabilité dans l'attentat de Kigali contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, dans la soirée du 6 avril 1994. Cet acte criminel a coûté la vie aux présidents Habyarimana du Rwanda et Ntaryamira du Burundi, à plusieurs ministres et membres de leurs suites, ainsi qu'à l'équipage français du Falcon 50. L'actuel président du Rwanda, le général Paul Kagame est nommément accusé par plusieurs de ses anciens proches collaborateurs d’être le commanditaire principal de cet attentat terroriste considéré comme l’élément déclencheur du génocide de 1994 et de tous les massacres ayant fait des millions de victimes au Rwanda et en République Démocratique du Congo.

 

Poursuivant leurs investigations, les successeurs du juge Bruguière dans cette affaire, les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux, ont ordonné une expertise technique pluridisciplinaire, notamment balistique, dont les conclusions ont été communiquées aux parties à Paris, le 10 janvier 2012.

 

Ce rapport qui n’avait pas pour objet de déterminer les auteurs ou leurs complices, s’intéresse principalement à l’arme utilisée et au lieu des tirs, et a confirmé les résultats des investigations réalisées par le juge Bruguière quant au type (SA16 soviétiques) et à l’origine (Ouganda) desdits missiles.

 

Alors même que la rencontre entre le juge et les parties venait à peine de se terminer, le gouvernement rwandais, par la voix de son ministre des affaires étrangères, publiait un communiqué dans lequel Madame Mushikiwabo Louise déclarait que le rapport d’expertise désignait les extrémistes hutu comme les auteurs de l’attentat du 6 avril 1994. Cette affirmation totalement fausse et dénuée de tout fondement ne figure nulle part dans ledit rapport. L’on est en droit de se demander par quelle magie le gouvernement de Paul Kagame aurait pu connaître les résultats non encore communiqués d’une expertise jusque là confidentielle. A moins qu’il n’en ait eu préalablement connaissance par un artifice que l’on serait en droit de questionner.

 

Au même moment à Paris, les avocats des officiers du FPR présumés auteurs de l’attentat paradaient devant la presse parisienne et internationale, répétant les mêmes affirmations infondées sorties de leur imagination. Dans la foulée, les dépêches d’agence et les unes des journaux français et belges titraient sur le même sujet en affirmant que les juges Trévidic et Poux avaient infirmé l’ordonnance du juge Bruguière du 17 novembre 2006, que l’attentat avait été commandité par les « extrémistes hutu », - sans plus les désigner -, et que le dossier étant désormais clos, le non-lieu restait la seule option qui s’imposait aux juges.

Un tel déchaînement médiatique visiblement préparé longtemps à l’avance et coordonné par les services de presse du gouvernement rwandais à Kigali, Bruxelles et Paris, avait comme objectif de manipuler l’opinion publique nationale et internationale, afin de blanchir le président Paul Kagame qui reste le commanditaire principal de cet attentat.

 

Les organisations de la société civile et politiques rwandaises réunies à Paris le 12 février 2012, Après avoir passé en revue  les différentes publications de presse sur le rapport d’expertise technique communiqué aux parties le 10 janvier 2012,

 

Gardant à l’esprit que l’attentat du 6 avril 1994 a provoqué le génocide rwandais dont les conséquences continuent d’entretenir la haine et les tensions au Rwanda et dans les autres pays de la région des grands lacs,

 

Solidaires avec les familles des victimes de cet attentat et de toutes les victimes du génocide qui en a résulté,

 

Rappelant qu’après le génocide rwandais, d’autres massacres de populations du Rwanda, du Burundi et de la RDC ont été commis par l’armée du Front Patriotique Rwandais, et que ces crimes ont été considérés par le rapport d’enquête Mapping rendu public le 1er octobre 2010 par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, comme des crimes contre l’humanité, voire des actes de génocide,

 

Considérant que le résultat des enquêtes des juges français aura des conséquences déterminantes sur l’avenir du Rwanda et des droits de l’homme dans ce pays,

 

Rappelant que le respect de l’indépendance de la magistrature est un principe républicain et constitutionnel devant être tenu à l’écart des intérêts stratégiques, politiques ou de quelque autre nature que ce soit,

 

Constatant avec regret qu’en l’espèce, au lendemain de la sortie du rapport d’expertise du 10 janvier 2012, le gouvernement rwandais, les avocats de la défense et quelques représentants de la presse française et belge notamment, ont publié des articles mensongers destinés à faire pression sur la justice française et à falsifier le contenu de ce rapport pour tromper et manipuler l’opinion française, rwandaise et internationale,

 

Prenant à témoin le peuple rwandais et tous les peuples de la région des grands lacs qui ont eu à déplorer la perte de plusieurs millions de ressortissants suite aux crimes de masse commis dans cette région,

 

Tenant compte du contexte ci-avant rappelé, Les associations de la société civile et les organisations politiques signataires de la présente déclaration,

 

- Renouvellent leur soutien sans faille aux familles des victimes françaises, rwandaises et burundaises de l’attentat du 6 avril 1994,

- Réitèrent leur confiance à l’indépendance des juges chargés de faire éclater la vérité dans cette affaire,

- Exigent que les gouvernements concernés par cette enquête s’abstiennent de s’immiscer dans la procédure, ni dans un sens ni dans l’autre,

- Dénoncent et condamnent les manouvres du gouvernement rwandais tendant à falsifier et à manipuler, par voie médiatique, le contenu du rapport d’expertise technique du 10 janvier

2012

 

- Dénoncent l’utilisation de ce rapport à des fins de propagande politique

- Recommandent aux juges et aux enquêteurs de faire preuve de sagesse et de patience, afin que tous les témoins qui se sont manifestés puissent être entendus

- Dénoncent la ligne éditoriale de nombreux medias, français et belges notamment, qui refusent systématiquement de donner la parole aux témoins crédibles et aux victimes, se rendant ainsi complices des manœuvres d’étouffement de la vérité orchestrées par le gouvernement de Kigali,

- Dénoncent le harcèlement et la terreur exercée par les lobbies pro-FPR sur toutes personnes ne partageant pas leur lecture de l’histoire récente du Rwanda.

- Appellent le peuple rwandais, la communauté rwandaise de la diaspora ainsi que les amis du Rwanda, à se mobiliser massivement pour réclamer une justice impartiale fondée sur la vérité, et pour appuyer d’autres actions envisagées par les organisations signataires de la présente déclaration en vue de soutenir les familles des victimes de l’attentat du 6 avril 1994, d’honorer leur mémoire ainsi que celle de toutes les victimes des autres crimes de masse qui en ont résulté.

 

Fait à Paris le 12 février 2012

 

 

Liste des signataires

 

Collectif des victimes des crimes de masse commis

dans la région des grands lacs africains - COVIGLA

et

Fédération Internationale des Associations Rwandaises - FEIDAR

M. Ndagijimana Jean-Marie Vianney, président (sé)

Centre de Lutte contre l'Impunité et l'Injustice au Rwanda - CLIIR

M. Matata Joseph, porte-parole du CLIIR et Vice-président COVIGLA (sé)

Communauté des Ressortissants Rwandais en Belgique - CORWABEL

M. Komeza Marius, président (sé)

Association pour la Promotion Culturelle Rwandaise - APCR

M. Kabanda Jean-Baptiste, Président APCR et Premier vice-président du COVIGLA (sé)

Association des Rwandais de Toulouse - ART

M. Kanyamibwa Jacques, représentant (sé)

Réseau International pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme au RwandaRIPRODHOR

M. Rutihunza Théobald, président (sé)

Rwanda Dream Initiative - RDI - Rwanda Rwiza

M. Twagiramungu Faustin, président (sé)

Parti social PS Imberakuri

M. Ryumugabe Jean-Baptiste, représentant au Benelux et dans l'Union européenne (sé)

Convention Nationale Républicaine - CNR - INTWARI

M. Hakizimana Emmanuel, Secrétaire général (sé)

Mouvement Républicain pour la Paix et le Progrès – MRP

M. Rukerantare Albert, président (sé)

 

 

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