Pourquoi Kagame Paul ne sacre-t-il pas le président Habyarimana héros national ?

Publié le par veritas

Nkiko.pngMadame Nathalie Poux
Monsieur Marc Trévidic
Vice-présidents chargés de l’instruction
Cour d’appel de Paris
Tribunal de Grande instance de Paris
4 Boulevard du Palais – Cabinet 175
F-75001 Paris
France
 
 
Madame le Juge, Monsieur le Juge,
 
 
Nous avons lu avec intérêt le rapport d’expertise établi sous votre ordonnance par les experts : Claudine Oosterlinck, Daniel Van Schendel, Jean Huon, Jean Sompayrac et Olivier Chavanis, rapport sur l’attentat de destruction en vol du Falcon 50 Kigali (Rwanda) du Président de la République rwandaise, Juvénal Habyarimana, en date du 6 avril 1994. 
 
Nous tenons à rappeler que trouvèrent la mort dans cet acte de terrorisme commis en temps de paix, deux chefs d’Etat en exercice, les présidents Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi, ainsi que deux ministres burundais, MM. Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi. Parmi les victimes rwandaises se trouvaient également le Chef d’état-major, le général Deogratias Nsabimana, le conseiller politique, Juvénal Renzaho, le major Thaddée  Bagaragaza, responsable de la maison militaire du président, le colonel Elie Sagatwa, chef du cabinet militaire du président, ainsi que l’équipage français composé de MM. Jacky Héraud, Jean-Pierre Minoberry et Jean-Michel Perrine, tous trois civils.
 
Nos déclarations antérieures du 10 et du 16 janvier 2012 ayant été communiquées avant la prise de connaissance du rapport d’expertise lui-même, après lecture et à l’approche fatidique de la date du 6 avril où, suite à l’attentat aérien, le Rwanda plongea dans l’horreur indicible du génocide et des crimes contre l’humanité, voici 18 ans déjà, nous tenons à vous apporter notre modeste contribution à l’éclatement de la vérité d’un acte majeur de la tragédie rwandaise.
 
Tout en vous priant de lire les résultats de notre analyse qui suivent, analyse qui se veut essentiellement méthodologique, les principales informations et conclusions sont les suivantes :
 
1.  Depuis la signature d'un accord de consignation des armes dans la ville de Kigali entre le chef d'Etat-major de l'armée rwandaise et la MINUAR fin 1993, c'est cette dernière qui était censée contrôler les armes et munitions dans tout Kigali,y compris le camp Kanombe, conformément audit accord, en collaboration avec les services logistiques de l'armée rwandaise. Le chef d'Etat-major avait même concédé un local au camp à la MINUAR où résidaient en permanence des militaires de la Mission affectés au contrôle des armes et munitions au niveau du camp;
 
2.  Même au cas où les missiles auraient été tirés du domaine militaire de Kanombe, ce qui n’est pas prouvé, ceci ne dédouanerait pas Kagame de la responsabilité criminelle de ce crime ; 
 
3. Contrairement aux déclarations du gouvernement du général Kagame et des lobbies qui lui font chorus, le rapport ne pointe pas du doigt le responsable de cet acte terroriste ;
 
4.  Le tapage médiatique qui a entouré la publication de ce rapport pourrait induire en erreur le public et laisser croire que la zone de Masaka avait été conquise par le Front patriotique rwandais (FPR) au moment des faits, ce qui n’en est pas le cas. Celui qui connait l’histoire de la guerre qui a secoué le Rwanda entre 1990-1994, sait que le FPR avait infiltré ses combattants dans plusieurs endroits au Rwanda ; ce qui pouvait être aussi bien le cas de Masaka et pourquoi pas de Kanombe;
 
5.  Le fait que les missiles utilisés dans l’attentat soient d’origine soviétique constitue un élément technique essentiel pour déterminer le véritable coupable. Les révélations du Rapport du juge Bruguière en avait déjà donné la traçabilité jusqu’aux stocks de l’armée ougandaise. Nous aurions aimé que les experts indiquent comment les missiles sont partis desdits stocks pour atterrir à la position de leur lancement de Masaka ou de Kanombe ;
 
6.  Le rapport manque d’honnêteté intellectuelle car les experts n’ont pas énoncé qu’ils procédaient par un raisonnement par absurde pour aboutir effectivement à des conclusions absurdes :
La position de Masaka étant « la meilleure position de toutes celles que nous avons étudiées », il parait absurde que les tireurs aient choisi de risquer de rater la cible en choisissant, sans raison aucune, la position de Kanombe dont «  La probabilité d’atteinte de l’avion est moins élevée que celle des configurations de tirs MASAKA » ! Ceci est d’autant plus absurde que, si les tireurs sont les anciennes Forces armées rwandaises (FAR), que ces dernières aient choisi la localité à plus haut risque de rater la cible, alors qu’ils avaient accès en toute liberté à l’endroit idéal, à savoir le site de Masaka. Il est tout aussi absurde en ce qui concerne les éléments infiltrés du FPR qui, dans l’hypothèse du site de Kanombe, auraient choisi le terrain ennemi à plus haut risque de manquer la cible ;
 
7.  Le rapport manque de rigueur scientifique pour deux raisons principales :
i.  La simulation s’est basée sur des résultats de modélisation mathématique partant de la supposition que l’avion a continué un trajectoire rectiligne à vitesse constante après que le premier tir de missile l’ait raté. Aucun autre scenario n’a été sérieusement simulé pour tester les écarts des résultats. Par ailleurs, les simulations acoustiques faites en France ne pouvaient pas reproduire, avec beaucoup de fiabilité, l’environnement de topographie collinaire du Rwanda ;
 
ii. Les résultats de la simulation acoustique ont été déterminants sur les conclusions du rapport. Ceci suppose une crédibilité forte probante des témoignages qui ont servi d’éléments de tout le montage mathématique. Or, dans un pays où les morts avant le génocide ressuscitent pour voler les vaches des victimes du génocide, cas de Mélane Nzabakikante, grand frère du Président Habyarimana, mort en 1989, ou de  Bucyana Martin, président de la CDR assassiné par le FPR le 22 février 1994,pourtant tous les deux condamnés pour pillage de biens pendant le génocide de 1994[i]; dans un pays où le Président de la République, fou furieux, s’insurge contre ses alliés (Mme Susan Rice) parce que le TPIR n’avait pas retenu contre Bagosora le crime d’entente en vue de commettre le génocide ; dans un pays où l’on rompt les relations diplomatiques avec un autre (France) parce qu’un juge (Bruguière) a lancé des mandats contre les dignitaires d’un régime, il est inapproprié d’accorder la crédibilité aux témoins du rapport Mutsinzi qui, selon toute vraisemblance, transpirent la délation et la manipulation. Par ailleurs, le Dr Massimo Pasuch s’en est déjà plaint [ii] ;
 
8. Ce rapport n’était absolument pas nécessaire
Dès le moment où chacun des tireurs possibles du FPR ou des FAR pouvait accéder aux lieux de tir de missiles présentés comme présentant une grande probabilité, le problème essentiel n’était plus de savoir d’où sont partis lesdits missiles, mais en priorité de savoir qui les a tirés. Autrement dit, qui, du FPR ou des FAR, avait plus de chance de soustraire les missiles des entrepôts de l’armée ougandaise, maintenant qu’il est acquis, selon les études de traçabilité convergentes établies à cet effet, que dits missiles provenaient des lots ougandais. Cette question fondamentale, l’expert balistique ne se l’étant pas posé, il ne pouvait bien évidemment pas y répondre. Le rapport balistique n’était donc pas utile. Le moins que l’on puisse dire est qu’il nous distrait de l’essentiel ;
 
9.  Une dernière question simple.
Parce qu’elle était favorable à la paix, Madame Agathe Uwilingiyimana, Premier ministre, elle a été assassinée le 7 avril 1994 le lendemain de l’attentat aérien qui a coûté la vie au Président Habyarimana. Pour son engagement pour la paix, Madame Uwilingiyimana a été consacrée héros national par le régime FPR actuel. Le Président Juvénal Habyarimana, si l’on en croit le nouveau discours officiel du régime rwandais, aurait été assassiné par des hutu extrémistes de son camp parce qu’il avait décidé, contre leur avis, de mettre en application les Accords de paix d’Arusha et les Institutions de transition. La question que l’on est en droit de se poser à présent est la suivante : pourquoi le Président Paul Kagame ne sacre-t-il pas le Président Habyarimana, héros national ?
 
Les FDU-Inkingi vous savent gré de la sauvegarde de votre indépendance et de la prise de connaissance des résultats d’enquêtes antérieurs répertoriés au TPIR, à l’auditorat militaire belge et ceux des autres experts qui n’ont pas été contaminés et qui se sont investis dans ce dossier quand les gens avaient encore la mémoire fraiche et en dehors de toute pression et manipulation.
 
Par ailleurs, d’autres témoignages de personnalités éminentes qui ont décidé de faire triompher la vérité et la réconciliation entre les rwandais, comme l’ex-Directeur de cabinet du général Kagame et premier secrétaire général du FPR, le Dr Rudasingwa Théogène[iii] ainsi que le général Kayumba Nyamwasa qui a été protagoniste de tous les événements qui ont entouré la préparation et l’exécution de cet acte terroriste, seront de très grande utilité.
 
Nous restons d’avis également qu’à la lumière des grandes faiblesses du rapport ainsi que des manipulations qui ont précédé sa publication qu’une commission internationale indépendante serait plus appropriée pour synthétiser tous les travaux y relatifs faits jusqu’à présent, faire des enquêtes complémentaires, procéder à des contre-interrogatoires et présenter des conclusions moins sujettes à des motivations politiques.
 
Afin de prendre leur destin en main, assumer leur histoire et les pages sombres qui l’ont marquée, les rwandais ont besoin de connaître la vérité. Cela, ils sont en droit de vous l’exiger.
 
Tout en vous souhaitant bonne réception de ce rapport, nous vous prions d’agréer, madame le Juge, Monsieur le Juge, l’expression de notre haute considération.

 
  
Pour le Comité de Coordination des FDU-Inkingi
Nkiko Nsengimana
Coordinateur
 
 
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