Gabon : Le mandat du Bureau régional pour la prévention des conflits

Publié le par veritas

 
Les Nations Unies vont ouvrir à Libreville un Bureau régional pour la prévention des conflits en Afrique centrale. Conseillère politique principale à la Division Afrique au siège de l’ONU à New York, Angèle Makombo-Eboum, qui prépare actuellement à Libreville la mise en place de ce Bureau précise dans cette interview la vocation et le mandat de cette nouvelle entité onusienne.
 
© gaboneco / Angèle Makombo-Eboum le 27 octobre à Libreville
 
Pourquoi ouvrir un Bureau régional des Nations unies pour la prévention des conflits en Afrique centrale dans un pays qui n’a jamais connu l’autoritarisme d’un conflit armé ? Est-ce un dividende de la stabilité dont joui le Gabon depuis sa sortie du colonialisme ?

«L’idée d’établir un Bureau régional des Nations-Unies en Afrique centrale provient d’un souhait exprimé par les chefs d’Etat des pays de la sous-région. Ils avaient exprimé ce souhait au Secrétaire Général des Nations-unies et cela remonte à 2003, lorsque le Conseil de sécurité lui avait demandé d’élaborer une approche globale et intégrée pour la paix et la stabilité dans la sous-région. Le Secrétaire Général avait donc dépêché une mission dans la sous-région et au cours de laquelle les chefs d’Etat avaient exprimé le souhait d’avoir ce Bureau.

Les Nations Unies ont réalisé une étude sur les différentes capitales de la sous région en fonction d’un certain nombres de critères portant notamment sur la stabilité du pays, la sécurité et l’accessibilité, le niveau des moyens de communication. Libreville et quelques capitales répondaient à ces critères. Mais Libreville l’a emporté surtout parce qu’elle abrite le siège de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC).

Quel sera le poids de ce Bureau sur les belligérants dans les confits ouverts, notamment dans la région des Grands Lacs, en République centrafricaine (RCA) ou au Tchad ?

Le mandat global du Bureau sera de promouvoir la paix et la stabilité dans la sous-région. Le Bureau n’aura pas pour mandat de s’impliquer dans les missions de maintien de la paix, c’est vraiment un rôle de prévention. Il travaillera en étroite collaboration avec les organisations régionales et sous-régionales, donc c’est d’abord un rôle de prévention des conflits, un rôle de consolidation de la paix. Par ailleurs, il n’agira pas de façon isolé, il le ferra en concertation avec les pays membres de la CEEAC. Le Bureau n’aura donc pas vocation à traiter des problèmes de belligérants. Le mandat du Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies qui dirigera ce bureau sera de promouvoir la diplomatie préventive, sous l’angle de bons offices.

Vous comptez sur la sécurité collective, à travers la coopération avec des organisations sous-régionales pour mener à bien votre mission. Vos actions seront-elles de nature politique ou à dominante sécuritaire avec une coopération directe avec la Force multinationale d’Afrique centrale (FOMAC) ou la Commission du Golfe de Guinée ?

Son rôle sera d’abord politique à travers la diplomatie préventive, les bons offices. Toutefois, la stratégie qui sera élaborée par le Représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU impliquera une étroite collaboration avec les organisations sous régionales comme la CEMAC, la CEEAC ou la Conférence des Grands Lacs. Mais évidement qui dit CEEAC dit également FOMAC. Ainsi, le Bureau aura à travailler étroitement avec la FOMAC puisqu’il se destine à traiter des questions de paix et de sécurité.

Quelle sera votre emprise sur la privatisation des conflits à travers les structures comme les Sociétés militaires privées (SMP), c’est-à-dire les sociétés de sécurité qui contrôlent parfois des pans entiers des territoires, notamment dans des zones économiques prospères ?

Cela rejoint ce que je viens de dire un peu plus haut, ce ne sera pas un rôle évidement de maintien de la paix. Il n’y aura pas de composante militaire, ce sera plus un rôle de prévention et la question que vous venez d’aborder sera traitée au premier chef par les pays et les gouvernements concernés. Chaque fois qu’un pays ou une organisation sous-régionale concernés aura à aborder ce type de cas avec le Bureau régional, je suis certaine que le Représentant du Secrétaire Général verra dans quelle mesure les Nations Unies peuvent venir en appui. Car le Représentant spécial aura un rôle important de coordination entre ces différents organes, c'est-à-dire les différentes organisations du système des Nations Unies dans la sous-région, ou les missions de maintien de la paix comme celle que nous avons en RDC, ou encore un bureau intégré comme celui présent en RCA.

La sous-région est habituée aux conflits de type classique avec des belligérants bien identifiés. Or la situation se complique avec l’émergence de nouveaux acteurs moins visibles, dans les cas de piraterie ou de terrorisme. Quelles solutions préconiser pour appréhender cette nouvelle réalité et briser la spirale des violences dans la sous-région ?

Effectivement c’est une nouvelle forme de violence à laquelle est confrontée notre continent. Et à ces nouvelles formes de violences il faut de nouvelles stratégies. Il ne me revient pas à moi à ce stade évidement de dire quoi que ce soit ou d’élaborer des stratégies. Le Représentant spécial aura mandat de le faire. Encore une fois j’aimerai insister sur le fait qu’il ne le fera pas seul, mais en étroite coopération avec les Etats membres de la CEEAC et avec les autres organisations régionales et sous régionales pour voir dans quelle mesure on peut prévenir ce genre de nouvelles formes de violence et évidement les stopper. Je sais par exemple que plusieurs pays du Golf de Guinée ont déjà mis en place un mécanisme pour traiter la question de piraterie. Le Représentant spécial dans le cadre de son mandat aura non pas à traiter de ces questions mais à travailler avec les Etats membres de la sous-région pour voir dans quelle mesure le Bureau peut effectivement aider à prévenir ce genre de violence.

Un bureau pour 10 pays, dont certains sont traversés par des conflits ouverts, d’autres en situation de post-conflit ou de restauration de la paix. Votre Bureau aura-t-il des ressources conséquentes en termes de budget pour mener à bien sa mission ?

Le budget de ce Bureau au départ est un budget modeste, il avoisine les 4 millions de dollars. En termes de personnel, l’effectif ne sera pas de grande taille au départ bien que les taches soient effectivement énormes. Le Conseil de sécurité a approuvé la création de ce Bureau pour un mandat initial de 2 ans et au bout de 12 mois le Secrétaire Général des Nations Unies fera une évaluation du travail accompli et celle-ci consistera également à évaluer les moyens. A l’issue de cette évaluation, le Conseil de sécurité décidera de la suite.

Ce Bureau pourra-t-il produire des bases de données pour la Cour pénale internationale (CPI) ?

Là je dirai tout de suite non, parce que ce n’est pas cela l’objet ou le mandat du Bureau de produire des données pour ce genre d’action. Le Bureau, son rôle est d’abord un rôle de prévention, de coordination avec les pays de la sous région pour mettre fin aux conflits et appuyer les efforts de consolidation de la paix dans les pays post-conflits.

Les Nations Unies ont échoué au Rwanda pour prévenir le génocide. Elles n’ont pas pu empêcher que l’armée rwandaise attaque le camp des réfugiés rwandais en RDC. La MONUC en RDC n’arrive pas à stabiliser cette région. Comment espérer dans ce cas l’efficacité du Bureau ?


Nous pensons que la prévention est très importante et en termes de coûts, elle revient moins chère qu’envoyer les casques bleus. Si nous parvenons, en étroite collaboration avec les pays concernés, à cerner les problèmes avant qu’ils ne s’aggravent, à freiner l’escalade avant que les choses n’empirent, nous pensons que nous n’arriverons pas à des situations que nous avons connues dans le passé et c’est d’ailleurs pour cela que les Etats membres de la CEEAC ont demandé la création de ce Bureau.

Nous constatons que la sous région de l’Afrique centrale est une région riche mais qui a encore beaucoup de mal à décoller. L’une des raisons qui expliquent cet état c’est la permanence des conflits. Il est vraiment important d’agir en amont à travers une prévention très active, avec des moyens conséquents pour assécher les terreaux des conflits. C’est un réel défit qui ne sera pas facile mais nous pensons qu’avec l’implantation de ce Bureau et l’implication de tous les acteurs, nous arriverons à limiter le nombre de conflits dans la sous-région.»

source: Gabon.com

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