En RDC, le clan Kabila accepte la transition « sous réserve »
Le prochain premier ministre sera un opposant et le président doit quitter le pouvoir après les scrutins de décembre 2017. A chacun son exégèse du texte d’accord signé samedi 31 décembre 2016 pour sortir de la crise politique ouverte en République démocratique du Congo. Du côté de l’opposition, on crie à la victoire. Certes, le président Joseph Kabila, dont le second mandat s’est en principe achevé le 19 décembre, reste une année de plus au pouvoir. Mais il désignera le prochain premier ministre, qui sera un opposant.
Félix Tshisekedi, le fils de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, s’y voit déjà, même s’il pense que cette mission est « quasi impossible » tant il sera délicat de codiriger le pays avec Joseph Kabila. « On a gagné à 90 % avec cet accord, car le pouvoir a dû faire des concessions », juge-t-il. Son père, malgré ses 84 ans et sa santé fragile, prendra la tête d’un nouvel organe chargé de veiller à l’application du texte.

Les proches de Joseph Kabila ont eux aussi célébré la fin des négociations. Sans même se cacher, ils ont signé cet accord « sous réserve » et ont pris par surprise l’opposition, tout en se jouant de l’obligation faite par la communauté internationale d’aboutir à un accord plus inclusif.
En fait, le camp du pouvoir joue habilement sur les divisions des anti-Kabila. Eve Bazaiba, la « dame de fer » de la deuxième plate-forme de l’opposition, a refusé de signer ce « partage du pouvoir négocié en toute opacité ». Mais sa position suscite l’indifférence du reste de l’opposition et ouvre une brèche : sans elle et quelques autres, la représentativité de cet accord est d’emblée mise en cause par la majorité présidentielle.
« Cela nous pose un problème évident, et c’est entre autres pour cela que nous avons signé sous réserve, dit André-Alain Atundu, porte-parole de la majorité présidentielle. Ce dialogue a suscité beaucoup d’espoir au sein du peuple, et il nous fallait arriver à un consensus. » Selon lui, l’accord serait même moins inclusif que le précédent, signé le 18 octobre avec une frange minoritaire de l’opposition, ce qui avait suscité de vives critiques de la communauté internationale.
Ni calendrier, ni modalités

Dans un contexte de profonde crise politique, ce compromis reste une avancée notable et pose la base d’une transition, en dépit de multiples et lourdes incertitudes. Dans le document de seize pages, pas de calendrier précis ni de modalités pratiques du futur partage du pouvoir. A la dernière minute, la majorité a exigé de retarder d’au moins trois mois la formation du futur gouvernement d’union nationale. Ce que l’opposition a refusé.
Selon cet accord, des élections présidentielles, législatives et provinciales sont prévues en décembre. Or, selon les experts électoraux, il est simplement impossible de tenir les trois scrutins d’un coup dans un pays continent où le recensement le plus récent date du milieu des années 1980.
«Si les élections ne se tiennent pas en décembre 2017, le futur premier ministre issu de l’opposition en portera la responsabilité », répète-t-on dans la majorité. « Je crois en la tenue de deux élections fin 2017 : la présidentielle et les législatives. C’est possible si on parvient à maintenir le rapport de force et à faire appliquer strictement l’accord », veut croire le député de l’opposition Delly Sesanga, l’un des négociateurs.

« L’accord n’est pas la fin de tous les problèmes, avertit le nonce apostolique Luis Mariano Montemayor. Il faut préparer les élections. Mais il y a au moins un cadre juridique qui n’existait pas jusque-là vu que, selon la Constitution, le président a fini son deuxième mandat. » Dès cette semaine, les négociations devraient reprendre, selon l’Eglise catholique, pour préciser ce cadre.
Source : lemonde.fr