L’annexe du rapport des Experts de l’ONU sur la RDC/Rwanda
1. Addendum au rapport intérimaire du Groupe d’Experts sur la RDC(S/2012/348) concernant:
- Violations par le Gouvernement rwandais de l’embargo sur les armes et du régime de sanction
I. Introduction
1. Conformément à ses communications orales du 13 juin 2012 adressées au Comité des sanctions, en application de l’engagement du Groupe d’informer le Comité sur des violations de l’embargo sur les armes et du régime des sanctions, le Groupe inclut le présent addendum à son rapport intérimaire (S/2012/348).
2. Depuis le début de son mandat, le Groupe a recueilli des preuves sur des violations de l’embargo sur les armes et du régime des sanctions, commises par le Gouvernement rwandais. Ces violations consistent en la fourniture de soutien matériel et financier aux groupes armés opérant à l’Est du Congo, y compris le nouveau groupe M23, en contravention du paragraphe 1de la résolution 1807 du Conseil de sécurité.
Les violations de l’embargo sur les armes et du régime des sanctions comprennent:
a. L’assistance directe à la création du M23 en facilitant le transport des armes et des troupes à travers le territoire rwandais ;
b. Le recrutement de jeunes rwandais et d’anciens combattants démobilisés, ainsi que des réfugiés congolais pour le M23;
c. La fourniture d’armes et de munitions au M23;
d. La mobilisation et lobbying auprès des leaders politiques et financiers congolais en faveur du M23;
e. Les interventions directes des Forces rwandaises de défense (FRD) sur le territoire congolais afin de renforcer le M23 ;
f. L’appui à plusieurs autres groupes armés, ainsi qu’à des mutineries des FARDC à l’Est du
Congo;
g. Le soutien à des personnes sanctionnées, soumises au gel des avoirs et à l’interdiction de voyager.
3. Au cours de ses enquêtes menées depuis la fin de l’année 2011, le Groupe a trouvé des preuves substantielles attestant de l’appui par des responsables rwandais à des groupes armés opérant à l’Est de la RDC. Initialement, les FRD semblaient établir ces alliances afin de faciliter une vague d’assassinats ciblés contre des hauts commandants des FDLR, menant à l’affaiblissement du mouvement rebelle. Cependant, ces activités se sont rapidement étendues à l’appui d’une série de mutineries postélectorales au sein des FARDC et ont finalement abouti au soutien direct, par l’utilisation du territoire rwandais, de la création de la rébellion M23, composée d’anciens officiers du CNDP intégrés dans l’armée congolaise (FARDC) en janvier 2009. Depuis que le M23 s’est établi dans des positions stratégiques le long de la frontière rwandaise en mai 2012, le Groupe a recueilli des preuves accablantes démontrant que les hauts officiers des FDR, en leur qualité officielle, ont soutenu les rebelles en leur fournissant des armes, de l’équipement militaire et de nouvelles recrues.
4. À son tour, le M23 continue de solidifier ses alliances avec de nombreux autres groupes armés et des mutins, y compris ceux qui avaient bénéficié d’un soutien des FDR. Cela a créé d’énormes défis sécuritaires pour l’armée congolaise (FARDC), allant du district de l’Ituri dans le nord, au territoire de Fizi dans le sud. Les autorités rwandaises ont également agi en contravention des mesures d’interdiction de voyager et du gel des avoirs découlant du régime des sanctions, en incluant trois personnes désignées sur la liste des sanctions parmi les individus qui bénéficient de leur soutien.
5. Depuis le début avril 2012, les gouvernements de la RDC et du Rwanda ont organisé une série de réunions bilatérales de haut niveau afin de mener des pourparlers visant à résoudre la crise provoquée par le soutien du Rwanda à des groupes armés. Lors de ces discussions, les responsables rwandais ont demandé l’impunité pour leurs alliés des groupes armés et mutins, dont le général ex-CNDP Bosco Ntaganda, et le déploiement d’unités supplémentaires FDR dans les Kivus pour mener des opérations à grande échelle contre les FDLR. Cette dernière demande a été réitérée à plusieurs reprises malgré le fait que :
a) au début de février, les FDR ont cessé leurs initiatives unilatérales visant à affaiblir les FDLR;
b) des Forces spéciales FDR ont déjà été déployées officiellement en territoire de Rutshuru depuis plus d’un an,
c) des unités FDR sont déployées périodiquement afin de renforcer le M23 lors des affrontements contre l’armée congolaise,
d) le M23 est directement et indirectement allié avec certains groupes dissidents des FDLR et
e) les FDR ont remobilisé des FDLR rapatriés antérieurement pour accroître les rangs du M23.
Standards de preuve élevés
6. Tenant compte de la nature grave de ces constatations, le Groupe a élevé ses normes de preuve. Depuis le début avril 2012, le Groupe a interviewé plus de 80 déserteurs de mutineries des FARDC et des groupes armés congolais, y compris des déserteurs du M23. Parmi ces derniers, le Groupe a interviewé 31 ressortissants rwandais. En outre, le Groupe a également photographié des armes et du matériel militaire dans des caches d’armes et sur le champ de bataille, et a également obtenu des documents officiels et des interceptions de communications radio. Le Groupe a également consulté des dizaines de hauts commandants militaires congolais, des agents de renseignement, ainsi que des dirigeants politiques et communautaires avec une connaissance approfondie des développements concernant la RDC et le Rwanda. En outre, le Groupe a communiqué régulièrement avec plusieurs participants actifs de la mutinerie ex-CNDP, la rébellion M23 et d’autres groupes armés. Enfin, alors que la méthodologie habituelle du groupe requiert un minimum de trois sources crédibles et indépendantes les unes des autres, le Groupe a élevé ce standard à cinq sources lorsqu’il s’agit de nommer des personnes spécifiques impliquées dans des cas de violation de l’embargo sur les armes et du régime des sanctions.
II. Soutien du Rwanda au M23
7. Depuis les premières étapes de la création de M23, le Groupe a documenté un appui militaire et politique systématique de la nouvelle rébellion par les autorités rwandaises. En prenant le contrôle de la position stratégique de Runyoni, le long de la frontière entre la RDC et le Rwanda, des officiers du M23 ont ouvert deux routes d’approvisionnement allant de Runyoni à Kinigi ou à Njerima au Rwanda, que les officiers RDF utilisent pour fournir des renforts en troupes, recrues et armes. Le Groupe a également obtenu des preuves que les autorités rwandaises ont tenté de mobiliser les anciens cadres et dirigeants du CNDP, les politiciens du Nord-Kivu, les commerçants et la jeunesse pour soutenir le M23.
A. Assistance directe à la création du M23 en utilisant le territoire rwandais
8. Le colonel Sultani Makenga a déserté les FARDC afin de créer la rébellion M23 en utilisant le territoire rwandais et bénéficiant directement de l’appui des FDR (voir le paragraphe 104 du rapport intérimaire). Le 4 mai, Makenga a traversé la frontière de Goma pour Gisenyi, au Rwanda, et a attendu que ses soldats à Goma et à Bukavu le rejoignent. Des officiers du renseignement, des collaborateurs du M23, ainsi que des hommes politiques locaux ont confirmé que le commandant de la Division de l’ouest des FDR, le général Emmanuel Ruvusha, a accueilli Makenga lors de son arrivée à Gisenyi. Les mêmes sources ont indiqué que durant les jours qui ont suivi, Ruvusha a tenu une série de réunions de coordination à Gisenyi et à Ruhengeri, avec des officiers du FDR et avec Makenga.
9. Selon des anciens officiers du CNDP et des officiers des FARDC, toujours le 4 mai, les colonels Kazarama, Munyakazi, et Masozera, et près de 30 soldats fidèles à Makenga ont quitté Goma et ont traversé la frontière vers le Rwanda à travers les champs proches de la frontière Kanyamuyagha. Plusieurs officiers des FARDC, des autorités civiles frontalières et des officiers du renseignement stationnés à Kanyamuyagha ont confirmé avoir clairement vu des traces du passage des troupes de Makenga à travers la frontière avec le Rwanda, à quelques mètres de distance d’une position RDF sur le côté rwandais. Ces mêmes sources ont récupéré plusieurs uniformes des FARDC abandonnés par les déserteurs à l’endroit de leur fuite.
10. Un deuxième groupe de soldats loyaux à Makenga a déserté les rangs des FARDC à Bukavu, également via le Rwanda. Trois anciens combattants M23 qui ont participé à l’opération ont relaté au Groupe qu’avant sa désertion, Makenga avait rassemblé environ 60 troupes sous le commandement du major Imani Nzenze, son secrétaire, ainsi que les colonels Séraphin Mirindi et Jimmy Nzamuye dans sa résidence au bord du lac Kivu, dans le quartier Nguba de Bukavu (voir image 1). Le 4 mai, à 20h30, deux grands bateaux à moteur ont transporté les 60 soldats et plusieurs tonnes de munitions et armes vers la ville rwandaise de Cyangugu, située à 200 mètres de l’habitation de Makenga (voir le paragraphe 118 du rapport intérimaire). Les mêmes sources ont indiqué qu’une fois arrivés au Rwanda, les bateaux ont été renvoyés une fois de plus à la résidence de Makenga pour récupérer le reste des armes et des munitions (voir image 2). Selon l’un des combattants du M23 qui a plus tard déserté le mouvement et selon les services de renseignement congolais, les armes évacuées comprenaient des armes lourdes telles que des lance-roquettes marque katiousha, des RPG 7, et des mitrailleuses 14,5 mm, dont certaines ont été ramenées à partir de la cache d’armes de Makenga à Nyamunyoni (voir le rapport intérimaire du paragraphe 118).
11. Les trois anciens combattants du M23 qui ont participé à cette opération ont également dit au Groupe que lors de l’arrivée à Cyangugu, les FDR et la police rwandaise les ont amenés dans un camp militaire. Les FDR leur ont fourni des tenues militaires complètes de l’armée rwandaise à porter durant leur traversée au Rwanda. Les troupes et le matériel militaire ont été ensuite chargés dans trois camions des FDR et transportés à la position militaire de Kabuhanga, en passant par Kamembe, Gikongoro, Butare,Ngororero et Nkamira. Cette position militaire est située sur la frontière entre la RDC et le Rwanda, près du village de Gasizi au Rwanda (environ 27 km au nord de Goma). Cet événement a été corroboré par plusieurs sources interrogées par le Groupe, qui ont toutes confirmé le passage des troupes à partir du Rwanda vers la RDC :
a) Quatre dirigeants locaux interviewés séparément par le Groupe à Kibumba ont été personnellement témoins du déchargement des troupes et du matériel militaire par les camions des FDR à Gasizi, aux mêmes dates.
b) Deux agents des services frontaliers congolais ont également observé des camions des FDR qui ont amené les troupes et du matériel militaire à Gasizi.
c) Un officier des renseignements civils a également rapporté que des troupes ont été emmenées à Gasizi dans des camions.
12. Les anciens combattants du M23 ont également dit au Groupe que le général Ruvusha a accompagné Makenga lorsqu’il est allé rencontrer ses troupes dans la base des FRD à Kabuhanga. Les commandants FRD ont ordonné aux soldats congolais de remettre leurs uniformes FARDC et leur ont fourni des bâches en plastique, de la nourriture, du savon et des ustensiles de cuisine. Les officiers des FDR ont également demandé aux soldats d’enlever tous les éléments, capables de faire identifier le Rwanda, tels que les étiquettes sur les uniformes et les bouteilles d’eau.
13. Cette nuit-là, les officiers des FDR ont ordonné aux déserteurs des FARDC de décharger et de transporter les armes apportées de Bukavu, à travers le Parc national des Virunga, à Gasizi, côté congolais, situé entre les volcans Mikeno et Karisimbi. Le 8 mai, ces soldats se sont joints aux mutins venus de Masisi au point de rassemblement à Gasizi. Les officiers de l’armée et de la police, ainsi que les autorités locales de Kibumba, ont rapporté l’arrivée des mutins de Masisi près de la frontière, et le mouvement des troupes de Makenga du Rwanda vers la RDC à travers Gasizi. Une autorité locale a recueilli des rapports de civils rwandais qui avaient été forcés de porter les armes de Gasizi au Rwanda jusqu’à la frontière de la RDC. Une fois que les groupes de Ntaganda et de Makenga ont fusionné, ils ont avancé à travers le parc et pris le contrôle de Runyoni le 10 mai. A partir de ce moment, ils ont lancé officiellement les opérations du M23 (voir paragraphe 104 du rapport intérimaire).
B. Recrutement par les FRD pour le M23
14. Une fois que le M23 a établi ses positions le long de la frontière rwandaise à Runyoni, afin de renforcer les rangs des rebelles, les FRD ont commencé à faciliter l’arrivée de nouvelles recrues civiles , ainsi que d’anciens combattants démobilisés des FDLR, afin de renforcer les rangs des rebelles.
Nouvelles recrues civiles
15. Le Groupe s’est entretenu avec 31 ressortissants rwandais précédemment recrutés pour le M23 et qui ont réussi à s’échapper. Après avoir été interviewés séparément, chacun d’entre eux a confirmé avoir été recruté au Rwanda. Alors que certains ont été approchés par des « sensibilisateurs » civils, la majorité d’entre eux ont déclaré avoir été recrutés directement par des officiers des FRD. Des collaborateurs du M23, d’anciens officiers du CNDP, des politiciens, des anciens combattants du M23 et des réfugiés congolais au Rwanda ont informé le Groupe qu’un vaste réseau de mobilisation pour le recrutement a été mis en place dans les principales villes rwandaises situées à la frontière avec la RDC, ainsi que dans les camps de réfugiés, en ciblant les ressortissants rwandais et des réfugiés congolais. Des points focaux chargés de recrutement opérant à Kinigi, Ruhengeri,Mudende, Gisenyi, Mukamira et Bigogwe sont chargés d’identifier et de rassembler les jeunes hommes afin de les recruter et les remettre aux soldats FRD. Deux réfugiés congolais, ainsi qu’un visiteur du camp de réfugiés de Nkamira (situé à 27 km de Gisenyi au Rwanda) ont déclaré au Groupe qu’il y a eu une campagne de sensibilisation systématique dans le camp visant à encourager les jeunes hommes à rejoindre le M23.
16. Des anciens combattants du M23 en provenance du Rwanda ont déclaré que le point principal de transit pour le recrutement est la position des FRD à Kinigi, où les recrues sont regroupées et envoyées en RDC, ce qui a été confirmé par les services de renseignement congolais et un ancien officier des FRD. Certaines recrues déclarent avoir reçu un repas à l’Hôtel Bishokoro, qui appartient au général Bosco Ntaganda et son frère à Kinigi. Ensuite, les soldats des FRD escortent des groupes importants de nouvelles recrues à la frontière et les envoient en RDC.
17. Selon des officiers des FARDC, des agents de renseignement congolais, ainsi que des sources civiles de Kibumba, un second point d’entrée pour les recrues qui rejoignent le M23 en provenance du Rwanda est la ville de Njerima, située près de la frontière Rwanda-RDC, au sud-ouest de Kinigi. Les commerçants locaux qui vendent leurs marchandises à Njerima ont déclaré que, durant la dernière semaine du mois de mai, des réfugiés de Masisi ainsi que des ressortissants rwandais qui avaient été recrutés pour le M23, étaient passés par ce village. Les recrues arrivent en bus à Ruatano, à environ un kilomètre de Njerima. A partir de Njerima, des sentiers mènent à Kabare, situé dans le parc national des Virunga, entre les volcans Mikeno et Karisimbi, en RDC. Selon les autorités du parc, Kabare est une clairière naturelle dans la forêt où la présence des rebelles a été observée depuis la dernière semaine de mai 2012.
18. Le Groupe n’a pas été en mesure d’établir le nombre total de recrues, puisqu’à leur arrivée à Runyoni, ces hommes sont immédiatement déployés parmi les diverses positions du M23 situées sur sept collines différentes. Selon des anciens combattants du M23 d’origine rwandaise, les groupes de recrues qui partent de Kinigi sont composées de 30 à 45 recrues à la fois. Tous les combattants récemment recrutés ont vu d’autres recrues civiles du Rwanda lors de leur arrivée à Runyoni, etont également observé l’arrivée de nouvelles recrues en provenance du Rwanda tous les deux jours. Un déserteur du M23 déployé dans la position de Ntaganda a compté lors de son arrivée 130 -140 recrues en provenance du Rwanda, tandis qu’un autre combattant de Chanzu a compté environ 70 recrues en provenance du Rwanda. Deux anciens combattants du M23 basés Kavumu ont vu 60 recrues.
19. Tous les anciens combattants du M23 ont confirmé qu’il y avait des enfants de moins de dix-huit ans parmi les vagues de recrues. Le Groupe s’est entretenu avec deux garçons de quinze ans qui s’étaient échappés du M23. Alors qu’un ancien combattant a rapporté qu’il avait vu 28 enfants dans la position de Ntaganda, un autre témoin a vu au moins 20 mineurs dans la position du M23 à Chanzu. Comme pour la plupart des recrues du M23, ces enfants reçoivent une arme et suivent une formation très rudimentaire avant d’être envoyés immédiatement au champ de bataille.
Les anciens FDLR démobilisés
20. Les FRD ont également déployé des ancien combattants FDLR en renfort du M23. Selon plusieurs anciens hauts officiers FDLR, après avoir complété le programme de la Commission Rwandaise de Démobilisation et de Réintégration, tous les anciens combattants issus des groupes armés rwandais sont automatiquement enrôlés dans la Force de Réserve des FRD, commandée par le général Fred Ibingira. En tant que membres de la Force de Réserve, ils peuvent recevoir l’ordre de se déployer rapidement. Des anciens officiers des FRD, des hommes politiques et des collaborateurs du M23 ont indiqué que des anciens combattants FDLR de la Force de Réserve des FRD ont été remobilisés et déployés à Runyoni aux côtés du M23. Des officiers actifs des FDLR ont confirmé cette remobilisation de combattants FDLR précédemment rapatriés. Selon des anciens combattants rwandais du M23 qui ont fui Runyoni, de petits groupes des anciens combattants démobilisés arrivent chaque jour et sont dispatchés entre les différentes positions du M23.
21. Le Groupe a interviewé deux anciens FDLR qui ont été précédemment démobilisés au Rwanda et envoyés à Runyoni en mai 2012. Tous deux appartenaient à la Force de Réserve. L’un a été déployé après avoir été appelé par des officiers FRD, alors que l’autre a été invité à joindre une réunion avec d’autres soldats démobilisés quand il lui a été donné l’instruction de partir pour le service militaire. Tous deux ont été amenés à la base militaire de Kinigi, où ils ont reçu des armes et des munitions et ont été escortés à Runyoni de la même manière que les recrues civiles. Tous deux ont témoigné qu’ils avaient été envoyés à Runyoni avec un groupe de 70 autres personnes, parmi lesquelles se trouvaient 31 soldats démobilisés. A leur arrivée, ils ont vu 11autres soldats démobilisés à Chanzu (voir paragraphe 123 du rapport intérimaire).
C. Appui logistique des FRD au M23
22. Les FRD ont fourni de l’équipement militaire, des armes, des munitions et des fournitures générales aux rebelles du M23. Des officiers des FARDC et de l’ex -CNDP, ainsi que d’anciens combattants du M23 interviewés par le Groupe ont rapporté que des officiers des FRD ont appuyé la logistique du mouvement rebelle à partir des bases militaires à Kinigi et Njerima. Via les routes de ravitaillement, routes allant du Rwanda à Runyoni, le M23 a reçu non seulement un grand nombre d’armes et de munitions, mais aussi de la nourriture, des tentes, de l’essence, des bâches en plastique et des médicaments. Des anciens combattants ont également attesté du fait que des uniformes FRD ont été également fournis au M23. Le Groupe a photographié un déserteur du M23 avec des bottes et un pantalon de camouflage des FRD (voir image 5).Selon trois anciens combattants du M23, les troupes du FRD ont également aidé à l’évacuation de soldats blessés. Une fois de l’autre côté de la frontière, les blessés ont été envoyés vers les hôpitaux et cliniques à Ruhengeri.
De plus, des officiers de l’ex-CNDP, des anciens officiers des FRD, et de hauts commandants FARD C ont dit au Groupe que presque tous les officiers du M23 ont évacués leurs familles et leurs biens au Rwanda.
23. Les trente et un combattants rwandais du M23interviewés par le Groupe ont déclaré que les FRD les ont forcés à porter une boite de munition et une arme chacun lorsqu’ils ont traversé en RDC. Près de la frontière de la RDC avec le village rwandais de Gasizi, le Groupe a obtenu une boite de munitions que les officiers FARDC et des anciens combattants du M23 ont certifié avoir été fournie par les FRD et destinée au M23. La caisse en métal contenait des balles traçantes 7.62 mm pour des fusils AK-47 qui étaient peintes avec un bout vert contrairement aux munitions FARDC (voir image 7). Un habitant déplacé du village de Runyoni, et interviewé par le Groupe à Bunagana, a déclaré que les rebelles du M23 l’ont forcé à porter les mêmes boites de munitions de Chanzu à Runyoni. D’actuels officiers des FRD ont confirmé au Groupe que ce type de munition appartient bien aux FRD.
24. De plus, le Groupe a photographié des munitions anti-char récupérées sur le champ de bataille près de Kibumba (voir annexe 3). La cache d‟armes du colonel Makenga à Nyamunyoni contenait plus de 300 munitions pour canons 75 mm (voir paragraphe 118 du rapport intérimaire et annexe4). Selon plusieurs hauts commandants congolais et des officiers de la logistique, les munitions anti-char ci-dessus retrouvées sur le champ de bataille ainsi que celles de la cache de Makenga n’ont jamais été distribuées aux FARDC.
25. Des anciens combattants du M23 se sont aussi rendus avec des fusils AK -47 qui sont distincts de ceux utilisés par les FARDC. Le Groupe a photographié un tel fusil, qui a un canon plus large que ceux utilisés par les FARDC (voir image 7).
D. Officiels rwandais mobilisant l’aide au M23
26. Des officiels rwandais hauts placés ont été aussi directement impliqués dans la mobilisation de responsables politiques et de bailleurs de fonds pour le M23. Sur la base d’entretiens avec des membres du M23, des officiers de l’ex-CNDP et des hommes politiques, des agents de renseignement, et de hauts commandants FARDC, le Groupe a établi que des officiels rwandais ont passé de nombreux coups de téléphones et organisé une série de réunions avec des hommes politiques et des hommes d’affaires congolais pour promouvoir et rallier le soutien au M23.
Communications téléphoniques
27. Depuis mai, les autorités rwandaises ont entrepris des efforts de grande ampleur pour convaincre des officiers de l’ex -CNDP et des personnalités politiques du RCD et du CNDP de rejoindre le M23. Plusieurs hommes politiques ont dit au Groupe que des hauts officiels du gouvernement rwandais les ont directement contactés. Un homme politique et un officier ex-CNDP ont reconnu que le capitaine FRD Célestin Senkoko, l’assistant personnel du Ministre de la Défense rwandais le général James Kabarebe, les a appelé à plusieurs reprises pour les convaincre de rejoindre le M23. Une autre personnalité politique a déclaré au Groupe que Senkoko et Jack Nziza, le secrétaire permanent du Ministre de la Défense, l’ont appelé et menace après son refus de rejoindre le M23. Un autre homme politique interviewé par le Groupe a été contacté par Kabarebe, Senkoko, et Nziza, tous les trois lui demandant de mobiliser des soutiens pour le M23. Selon trois autres hommes politiques, Charles Kayonga, le chef d’état –major général des FRD, a appelé des hommes politiques et les a invités à une réunion sur le M23 à Kigali. L’ancien général CNDP Laurent Nkunda est également un mobilisateur clé du M23 et a téléphoné aux anciens officiers du CNDP pour les convaincre de rejoindre la nouvelle rébellion (voir paragraphe 107 du rapport intérimaire).
Réunions convoquées par le FRD
28. Selon des agents de renseignements, des hommes politiques et des collaborateurs du M23, le 23 mai 2012, Senkoko a organisé une réunion, avec la participation des officiers du FRD et 32 chefs de communauté, principalement des cadres CNDP, à Gisenyi à la résidence du membre du CNDP Gafishi Ngoboka. Senkoko s’est présenté comme un représentant de Kabarebe et a relayé le message que le gouvernement rwandais soutient le M23, dont la nouvelle guerre a pour objectif d’obtenir la sécession des deux Kivus. Après avoir montré le territoire qui devait être libéré sur une carte, il a donné l’instruction aux hommes politiques de convaincre tous les officiers rwandophones dans l’armée et opérant dans les Kivus de rejoindre le M23 et a souligné la nécessité pour le M23 de gagner plus de soutien populaire et de commencer à collecter des fonds. Selon des agents de renseignements, des hommes politiques et des collaborateurs du M23, Nziza est venu à Gisenyi et Ruhengeri à la même époque pour superviser à la fois les activités de mobilisation et les activités militaires liées au M23.
29. Une autre réunion similaire du M23 avec les autorités rwandaises a eu lieu le 26 mai 2012 à Ruhengeri, au Rwanda, à l’Hotel Ishema. Selon des agents des renseignements et des hommes politiques ayant des liens étroits avec Kigali, les FRD ont organisé une réunion pour les hommes politiques du CNDP, présidée par les évêques John Rucyahana et Coline, tous deux de hauts responsables du parti RPF.
L’objectif de cette réunion était de relayer le message que le gouvernement rwandais soutient le M23 politiquement et militairement. Tous les hommes politiques et officiers rwandophones ont reçu l’instruction de rejoindre le M23, ou de quitter les Kivus. En particulier, il a été demandé aux hommes politiques du CNDP de démissionner du gouvernorat du Nord Kivu et de se retirer de la Majorité Présidentielle (MP). Suite à la décision prise lors de la réunion à Ruhengeri, le ministre CNDP de la Justice François Ruchogoza a démissionné du gouvernorat au Nord-Kivu le 2 juin (voir image 7). Après des pressions considérables pour déclarer le retrait du CNDP de la majorité présidentielle, Edouard Mwangachuchu, le chef du parti politique du CNDP, a toutefois refusé. Des personnalités politiques CNDP s’alignant avec le M23 et agissant à partir du Rwanda ont néanmoins fait une telle déclaration (voir annexe 5).
30. Selon des hommes politiques, des individus étroitement associés au M23 et les services de renseignement congolais, les 2 et 3 juin, et les 9 et 10 juin, des représentants de la communauté des affaires de Goma, principalement des propriétaires de stations-service représentés par Désiré Rwabaenda et Dieudonné Komayombi, ont rencontré le général Kabarebe à Kigali, pour discuter de la mobilisation de contributions financières au M23.
E. Unités FRD venant en aide au M23 lors d’opérations en RDC
31. Des anciens combattants du M23, des officiers FARDC, des autorités locales, des agents des renseignements et des anciens officiers des FRD ont informés le Groupe que des unités des FRD mêmes ont également été déployées pour renforcer le M23 lors d’opérations spécifiques à Runyoni. Les sources suivantes ont fourni des récits détaillés d’une telle implication directe des FRD:
a) Un soldat des FRD qui s’est rendu le 14 juin 2012 de la position militaire de Ntaganda à Runyoni a déclaré que son unité a été entrainée pendant deux semaines au camp militaire de Kanombe à Kigali, avant d’être déployée à Runyoni lors de la première semaine de mars. Ayant auparavant combattu comme soldat du CNDP sous Laurent Nkunda et dans les opérations conjointes FRD FARDC des opérations Amani Leo, le soldat en question a été recrût avec d’autres soldats rwandais ex-CNDP par un capitaine des FRD au début du mois de février. La mission de cette unité forte de 80 hommes était de préparer l’arrivée de Ntaganda à Runyoni. Sur le chemin vers Runyoni via Kinigi, l’unité a été rejointe par150 soldats FRD supplémentaires.
b) Des officiers FARDC ont informés le Groupe qu’ils ont capture un soldat rwandais qui travaillait pour Ntaganda alors qu’il recueillait des informations sur les déploiements FARDC à Kibumba à la fin du mois d’avril en préparation de l’arrivée du M23 (voir image 9).
c) Un officier du M23 de la position de Ntaganda à Runyoni et qui s’est depuis rendu a déclaré avoir vu comment les troupes FRD viennent en aide au M23 durant leurs opérations. Il a déclaré que les FRD utilisent le chemin allant de Kinigi à Chanzu, ou le chemin allant de Njerima à Kanyanja, où la position militaire de Ntaganda se trouve. La même source a rapporté que les troupes des FRD ont été déployées dans le parc non loin de Kanyanja pour venir en aide aux rebelles lors des opérations de combat contre les FARDC. Il a estimé qu’il y avait autour de 150 éléments des FRD déployés à Kanyanja.
d) Un autre officier ex-M23 qui s’est rendu de la position de Ntaganda à Runyoni a dit au Groupe qu’il a personnellement assisté à l’arrivée d’un bataillon FRD en renfort aux mutins, après le bombardement de leur positions par un hélicoptère FARDC. L’unité FRD est passée par la base de Ntaganda avant d’aller appuyer Zimurinda sur la colline Bugina.
e) Après sa désertion de la position du M23 sur la colline Mbuzi, un autre officier ex- M23 a dit au Groupe qu’il a vu des unités FRD venir aider les rebelles à trois occasions, après des avancées des FARDC.
f) Un officier qui s’est rendu de la position à Runyoni a rapporté qu’il a assisté à l’arrivée de 4 vagues, chacune d’entre elles compose d’à peu près 100 soldats des FRD et 30 recrues) Un ancien soldat du M23 recruté au Rwanda a rapporté que parmi les 40 soldats du FRD qui ont accompagnés les recrues jusqu’à la frontière avec la RDC, 20 ont continué à marcher et sont restés avec Ntaganda, dans sa position, après s’être changés en uniforme des FARDC.
h) Un ancien officier du FRD a affirmé que deux unités du RDF ont été déployées à Kinigi, et ont reçu la mission spécifique de renforcer les M23 en RDC.
i) Des communications radio entre le FRD et le M23 interceptées par les FARDC et partagées avec le Groupe, démontrent qu’un officier FRD reconnait la visite des officiers M23 en territoire rwandais, tandis qu’un officier M23 déclare qu’ils ont déjà reçu 400 à 500 soldats du FRD en renfort et demande des troupes additionnelles (voir image 10).
j) Plusieurs chefs déplacés de zones actuellement sous contrôle du M23 ont dit au Groupe que les rebelles qui occupent actuellement leurs villages ont été rejoints par d’autres soldats identifiés comme rwandais, en raison de leur équipement militaire distinct, notamment les bottes vertes hautes, les uniformes à taches de couleur vive, les tentes imperméables et les rations de nourriture emballées.
k) Deux civils de Chanzu interviewés par le Groupe en mai ont également vu des soldats rwandais traverser la frontière en RDC. Ils portaient l’uniforme militaire FRD avant de revêtir plus tard l’uniforme FARDC.
32. Depuis le début de 2011, deux unités mixtes FRD et FARDC ont été déployées dans le territoire de Rutshuru pour conduire des opérations contre les FDLR. Bien que ces unités n’aient pas pris part aux hostilités aux côtés du M23, des officiers FARDC ont déclaré au Groupe qu’ils craignent un tel scenario.
F. Officiels rwandais responsables pour le soutien au M23
33. Durant toutes ses enquêtes, le Groupe a systématiquement recueilli des témoignages des anciens combattants du M23, de collaborateurs du M23, des anciens officiers des FRD, des services de renseignement congolais, des commandants FARDC et des hommes politiques qui affirment l’implication directe du gouvernement rwandais à un haut niveau dans l’appui au M23.
a) Le général Jacques Nziza, le secrétaire permanent du Ministre de la Défense, supervise l‟ensemble de l’appui militaire, financier, et logistique ainsi que les activités de mobilisation en faveur du M23. Il a été récemment déployé à Ruhengeri et à Gisenyi pour coordonner l’aide et le recrutement pour le M23.
b) Le général James Kabarebe, le Ministre de la défense rwandais, avec l’aide de son secrétaire personnel le Capitaine Célestin Senkoko, est également une figure centrale pour le recrutement et la mobilisation de soutien politique et militaire au M23. Kabarebe a souvent été en contact direct avec les membres du M23 sur le terrain pour coordonner les activités militaires.
c) Le général Charles Kayonga, le chef d’état -major des FRD gère l’ensemble de l’aide militaire au M23. Kayonga est régulièrement en communication avec Makenga et a supervisé le transfert des troupes et des armes de Makenga via le Rwanda.
d) Le soutien militaire sur le terrain a été acheminé par le général Emmanuel Ruvusha , le commandant de la division FRD basée à Gisenyi, ainsi que le général Alexi Kagame ,commandant de la division FRD basée à Ruhengeri. Tous deux facilitent le recrutement de civils et de soldats démobilisés pour le M23 et coordonnent les renforts FRD à Runyoni avec les commandants du M23.
e) Le colonel Jomba Gakumba, un natif du Nord-Kivu, qui fut un instructeur FRD à l’Académie Militaire rwandaise à Gako, a été redéployé à Ruhengeri depuis la création du M23, où il est chargé de commander les opérations militaires locales en soutien auM23.34. Des anciens officiers RDF, des hommes politiques, des collaborateurs du M23 ont également informé le Groupe que Ntaganda et Makenga ont régulièrement traversé la frontière avec le Rwanda pour participer à des réunions avec chacun des hauts officiers FRD mentionnés ci-dessus à Kinigi afin de coordonner les opérations et le ravitaillement. Deux nationaux rwandais du M23, qui se sont rendus depuis, ont assisté à de telles réunions entre Makenga et des hauts officiers FRD à Kinigi, à plusieurs reprises. Les mêmes sources ont aussi déclaré que l’ancien président du CNDP, le général Laurent Nkunda, officiellement en résidence surveillée par le gouvernement rwandais depuis janvier 2009, vient souvent de Kigali pour participer à ces réunions.
III. Soutien du Rwanda à des groupes armés et des mutineries liées au M23
35. En plus du soutien des FRD au M23, le Groupe a recueilli des preuves indiquant que les officiels rwandais ont apporté leur soutien à d’autres groupes armés et à des mutineries, utilisant souvent Ntaganda et d’autres anciens commandants du CNDP pour encourager de telles alliances. Agissant par l’intermédiaire de ces groupes armés, les officiels rwandais sont arrivés à affaiblir les FDLR à travers d’une série d’assassinats ciblés des officiers FDLR. Des officiers du M23 et des leaders de groupes armés ont reconnu que ces alliances ont pour objectif commun de déstabiliser le gouvernement central.
A. Nduma Defence of Congo – NDC
36. Des officiels rwandais ont été en contact direct avec le commandant NDC Sheka Ntabo Ntaberi, et lui ont apporté leur soutien dans l’organisation de l’assassinat ciblé du commandant du bataillon FDLR Montana, le “lieutenant-colonel” Evariste Kanzeguhera alias “Sadiki” ” (voir paragraphes 37 et 61 du rapport intérimaire). Selon des officiers du renseignement, deux anciens combattants du NDC et des collaborateurs proches du NDC, le 4 novembre 2011, Ntaberi a voyagé au Rwanda, avec l’aide de Ntaganda. A son arrivée à Gisenyi, des officiers FRD lui ont confié la tâche de tuer Kanzeguhera et lui ont donné de l’argent pour cette opération. Après avoir tué Kanzeguhera le 20 novembre 2011, Ntaberi s’est rendu au commandant secteur FARDC le colonel Chuma Balumisa, à Walikale. Balumisa a informé le Groupe qu’il avait reçu un appel direct du chef des renseignements militaires rwandais de l’époque, le général Richard Rutatina, lui ordonnant de s’assurer que Ntaberi embarque bien dans l’avion envoyé par Ntaganda à Walikale pour l’évacuer au Rwanda (voir paragraphe 62 du rapport intérimaire).
Un déserteur du NDC a rapporté mi-avril que lors de la mutinerie de l’ex-CNDP, Ntaberi recevait quotidiennement des coups de téléphone de Ntaganda et de hauts officiels rwandais (voir paragraphe 93 du rapport intérimaire et annexe 6). Ces communications ont été confirmées séparément par un autre collaborateur du NDC. Des membres du M23 ont admis au Groupe qu’ils sont alliés à Ntaberi et au NDC.
B. Forces pour la Défense du Congo – FDC
37.Début 2012, des officiels rwandais ont chargé des commandants FDC d’assassiner le commandant suprême des FDLR le “général’ Sylvestre Mudacumura. Afin de les assister dans cette opération, Ntaganda a fourni aux FDC des armes et des munitions ainsi que plusieurs officiers ex-CNDP entrainés. Lors de cette opération contre le quartier général des FDLR le 11 janvier 2012, les combattants FDC ont réussi à tuer le chef d’état -major Léodomir Mugaragu (voir paragraphe 38 du rapport intérimaire). Un ancien officier FDC qui a participé à cette opération a déclaré au Groupe que le FDC avait reçu le soutien de 4 officiers commando rwandais, déployés pour renforcer les FDC à cette occasion. Des autorités locales au Masisi et à Walikale ainsi que des officiers FDLR ont également confirmé l’implication directe des FRD dans cette attaque.
C. Forces de défense locale à Busumba
38. Erasto Ntibaturama, un allié proche du CNDP, est le commandant d’une milice locale à Busumba dans le territoire de Masisi. Sa force de défense locale de plus de 50 hommes était sous le commandement du lieutenant-colonel ex-CNDP Gasheri Musanga en appui aux mutins du Colonel Zimurinda dans le nord du Masisi. Lorsque les mutins ont quitté Masisi, une partie de la milice de Ntibaturama a suivi les mutins à Runyoni, notamment le fils de Ntibaturama et le candidat (politique) CNDP, Erasto Bahati, ainsi que Musanga. Selon des anciens officiers du CNDP et des hommes politiques, Ntibaturama a ensuite traversé la frontière pour le Rwanda où le RPF lui a fourni une résidence à Gisenyi.
D. Coalition des groupes armés de l’Ituri - COGAI
39. Le soutien rwandais à des groupes armés ne se limite pas aux Kivus. Dans le district de l’Ituri, le Groupe a confirmé les tentatives par les FRD de convaincre des commandants FARDC de faire défection de l’armée congolaise et de rejoindre la Coalition des groupes armés de l’Ituri – COGAI, un mouvement rebelle nouvellement crée. Des officiers FARDC ont déclaré au Groupe que le général Kabarebe a effectué des appels téléphoniques avec de telles instructions au début de 2012. COGAI rassemble des membres des anciennes milices de différentes origines ethniques sous le commandement du commandant FRPI d’ethnie Lendu, le “Brigadier Général Banaloki alias “Cobra Matata” (voir paragraphes 51 & 52 du rapport intérimaire). Selon des FARDC, des agents de renseignement et des sympathisants du COGAI, d’importants membres de la communauté Hema ont approché Banaloki, dans le but de créer une alliance contre Kinshasa, après que la CPI a reconnu Thomas Lubanga coupable.
40. Les mêmes sources ainsi qu’un leader de la communauté Lendu ont informés le Groupe qu’une délégation de COGAI s’est rendue à Kigali entre le 27 mai et le 4 juin 2012. Les représentants de COGAI ont rencontré le général James Kabarebe, le Ministre de la défense rwandais. A son retour en Ituri, la délégation a fait son rapport à Banaloki et lui a remis $15 000 en liquide qu’elle avait reçu.
E. Union de congolais pour la défense de la démocratie – UCDD
41. L’UCDD a été créé dans le sillage de la création du M23, afin de compenser le départ de Makenga du Sud-Kivu. Le chef de l’UCDD, Xavier Chiribanya, est l’ancien gouverneur du Sud-Kivu à l’époque du contrôle des Kivus par le RPF et un sécessionniste de longue date. Selon des sources de renseignement congolaises et des leaders politiques détenus, Chiribanya a vécu sous la protection du Gouvernement rwandais depuis sa fuite de Bukavu en 2003. Les mêmes sources indiquent que lorsqu’il était à Gisenyi après avoir fui Goma, Makenga a rencontré Chiribanya pour planifier la création de l’UCDD. Le 9 mai 2012, Chiribanya a diffusé la nouvelle de la création de l’UCD D par sms (voir image 11).
42. Chiribanya a ensuite convoqué une série de réunions avec les dirigeants des groupes armés au cours de laquelle il a affirmé le plein appui du gouvernement rwandais à poursuivre une rébellion ouverte contre Kabila en vue d’obtenir la sécession de l’Est du Congo. Un ancien membre de l’UCDD a déclaré que Chiribanya lui aie dit lors d’une réunion le 24 mai à Bujumbura que le Rwanda avait plus de 2000 ex-combattants des FDLR préparés pour leur lutte. Selon une déclaration official le signée d’un chef d’un groupe armé en détention, Chiribanya a invite d’autres leaders à des réunions au Rwanda « afin d’harmoniser leurs efforts avec les autorités rwandaises. » Le Groupe a obtenu un sms à partir d’un membre de l’UCDD qui a confirmé ces invitations (voirimage 12).
43. En outre, selon les services de renseignement congolais, des officiers des FARDC, et un ancien membre de l’UCDD, Chiribanya a déjà fourni des armes à plusieurs groupes armés dans le territoire d’Uvira ainsi qu’aux Maï Maï Ya kutumba dans le territoire de Fizi.
E.Conseil Supérieur de la Paix- CONSUP
44. CONSUP a été créé en décembre 2011 à la suite des élections, dans le but de fomenter des troubles au sein des populations mécontentes qui doutaient de la crédibilité du scrutin tenu en novembre (voir le paragraphe 128 du rapport intérimaire). Des candidats malheureux aux législatives ont uni leurs forces avec des hauts commandants des anciens groupes armés au sein des FARDC, notamment le FRF et le CNDP. Lors de réunions préparatoires au siège des FRF à Bukavu dans les premières semaines de janvier, des anciens officiers du CNDP, le lieutenant-colonel Vianney Kazarama et le colonel Séraphin Mirindi, ont représenté le colonel Makenga. Au cours de la même séance, Kazarama a nommé les gouverneurs et les représentants politiques futurs pour l’Est du Congo. Selon des membres détenus du CONSUP, plusieurs personnes qui ont assisté aux réunions ont affirmé que le mouvement avait le plein soutien du Rwanda.
45. L’objectif initial du CONSUP était de générer des troubles en agitant les membres de l’opposition politique par des grèves et des manifestations urbaines jusqu’à ce que ces provocations organisées des forces de sécurité conduisent à des meurtres de manifestants, déclenchant ainsi une rébellion armée contre le président Kabila. Selon plusieurs membres du CONSUP détenus avant qu’ils ne puissent prendre ces mesures, à la suite de l’insurrection de Bukavu, « un renfort des militaires RDF devaient provenir de Cyangugu / Rusizi au Rwanda prétextant venir assister la population Rwandophone ou les sujets Rwandais soi-disant persécutés ou visé par cette manifestation » (voir image 14). Le chef de file du CONSUP, René Kahukula, est actuellement dans la clandestinité au Rwanda selon les renseignements congolais et des commandants des FARDC.
F. L’ ancien colonel FARDC Bernard Byamungu
46. Dès les premières étapes de la mutinerie dans le Sud-Kivu, le Ministre de la Défense rwandais, le général James Kabarebe, a donné des ordres opérationnels directs au colonel Bernard Byamungu, selon des anciens mutins et des officiers supérieurs des FARDC. Trois anciens gardes du corps de Byamungu ont dit au Groupe que Kabarebe communiquait fréquemment avec Byamungu pendant qu’il attendait l’arrivée d’autres mutins venant du territoire de Fizi au cours des premiers jours d’avril (voir paragraphes 73-77 du rapport intérimaire). Un autre ancien mutin a personnellement entendu une de ces conversations qui a eu lieu à 22h00 le 3 avril 2012, au cours de laquelle Kabarebe a posé à Byamungu des questions sur l’état actuel des préparatifs de la mutinerie et l’embuscade tendue au commandant des opérations « Amani Leo » du Sud-Kivu, le colonel Delphin Kahimbi. La même source a indiqué que les membres de la branche du renseignement des FRD ont appelé par la suite sur le même numéro afin de donner des ordres à Byamungu de mener son opération de s’emparer de la ville d’Uvira le jour suivant. Un autre ancien mutin qui a déserté avec Byamungu a déclaré que lorsque Byamungu commençait à manquer d’approvisionnements, Kabarebe lui a dit qu’il chercherait des munitions auprès d’autres groupes armés dans la zone.
En outre, lorsqu’il est devenu évident que la mutinerie de Byamungu au Sud-Kivu ne parviendrait pas à atteindre la capitale provinciale de Bukavu, selon des officiers supérieurs des FARDC, Kabarebe a plaidé par téléphone avec des Byamungu était déjà en communication avec les groupes rebelles burundais du FNL et FRONABU pour aider à faciliter sa fuite, selon plusieurs officiers du FNL dans le territoire d’Uvira.
G. L’ancien colonel FARDC Innocent Kaina
47. Des officiers supérieurs des FARDC ont dit au Groupe que, lors de sa désertion en territoire de Rutshuru, au début avril 2012, le colonel Innocent Kaina avait cherché à prendre le contrôle de la ville frontalière de Bunagana et à procéder à la création d’une base à Runyoni. Toutefois, lors de la prise de Bunagana le 8 avril 2012, Kaina et ses 80 soldats ont été délogés le même jour. Des officiers ex-CNDP, des officiers FARDC, des hommes politiques locaux, ainsi qu’un ancien mutin ont dit au Groupe que Kaina a traversé la frontière vers le Rwanda pour échapper à la poursuite des FARDC. Les mêmes sources ont également confirmé qu’après avoir passé dix jours au Rwanda, Kaina est retourné pour rejoindre les mutins dans le Masisi (voir paragraphe 82 du rapport intérimaire).
IV. Le soutien du Rwanda aux personnes sanctionnées
1. A. Le général Bosco Ntaganda
48. Malgré les efforts du M23 pour éviter toute association avec Ntaganda, ce dernier a établi une position militaire à Runyoni et reste toujours considéré comme le plus haut commandant CNDP/M23 (voir paragraphe 105du rapport intérimaire). En tant que tel, tout soutien au groupe rebelle constitue également un soutien direct à un individu sanctionné.
49. En outre, le Groupe a constaté que l’interdiction de voyager et les mesures de gel des avoirs placés sur Ntaganda n’ont pas été respectés par le gouvernement rwandais. Des agents de renseignements, des hommes politiques, deux proches collaborateurs du gouvernement Rwandais, un ancien officier du CNDP de l’entourage de Ntaganda, ainsi que quelques anciens combattants du M23 déployés dans la position de Ntaganda à Runyoni, ont informé le Groupe qu’au cours du mois de mai, Ntaganda a traversé la frontière rwandaise à partir de Runyoni à plusieurs reprises ; il a participé à des réunions avec de haut gradés des FRD et des représentants du gouvernement à Kigali et à Ruhengeri.
50. En outre, des hommes politiques, des anciens officiers du CNDP, et des officiers de renseignement ont informé le Groupe que Ntaganda possède une maison à Gisenyi où il a évacué sa famille. Il est également partiellement propriétaire de l’Hôtel Bishokoro à Kinigi, officiellement une propriété de son frère, utilisé dans les activités de recrutement menées par des soldats FRD pour le M23. La maison et l’hôtel sont encore en construction (voir image 15). Ses biens et les investissements continuent à être gérés par Cubi Wasabahizi, un parent de Ntaganda qui opère à partir de Gisenyi.
B. Le colonel Innocent Zimurinda
51. Le Groupe a obtenu des preuves que le colonel Innocent Zimurinda, actuellement avec le M23, s’est rendu au Rwanda pour des réunions avec le Gouvernement rwandais. Des agents de renseignement, un ancien officier du CNDP, ainsi que deux officiers FRD ont confirmé que le 9 avril, Zimurinda est arrivé à Gisenyi pour participer, avec le Ministre de la Défense Kabarebe, et d’autres autorités rwandaises et congolaises, à une réunion pour résoudre la crise au début de la mutinerie ex-CNDP.
1. B. Le « général » Sheka Ntabo Ntaberi
52. Des officiers de l’ex-CNDP, des agents du renseignement, et des anciens combattants Ont informé le Groupe que Ntaberi a voyagé au moins une fois au Rwanda depuis la réalisation de l’opération pour tuer le « lieutenant-Colonel » Kanzeguhera des FDLR. Ntaberi a été désigné par le comité des sanctions le 28 novembre 2011.
IV. Réponse du Gouvernement rwandais
53. En réponse aux allégations récentes des ONG et des médias signalant le soutien du Rwanda au M23, le Gouvernement rwandais les a catégoriquement niées. Le 28 mai, la ministre rwandaise des Affaires étrangères a réagi en appelant de telles déclarations « fausses et dangereuses » (voir annexe 7). Lors de réunions avec le Groupe, des représentants du Gouvernement rwandais ont confirmé cette position officielle.
54. Toutefois, des officiers des FRD ont dit au Groupe que le recrutement pour le M23 pourrait avoir lieu au Rwanda, mais qu’ils l’attribuent à des ressortissants congolais agissant indépendamment. En outre, les mêmes sources ont déclaré que parmi les combattants de nationalité rwandaise qui se sont rendus, 11 ont donné des faux témoignages concernant l’implication des FRD dans leur recrutement, parce qu’ils avaient été torturés par les FARDC. Le 22 juin 2012, le journal rwandais, le NewTimes, a publié une histoire avec des explications similaires (voir annexe 8).
55. Le Gouvernement rwandais a participé à la Commission de vérification conjointe (JVC), créée parles gouvernements de la RDC et du Rwanda pour s’entretenir avec 11 ressortissants rwandais qui se sont rendus à la MONUSCO, le 20 mai 2012.A l’issue des entretiens, le 9 juin, les Rwandais ont présenté leurs conclusions qui attestaient qu’ils n’ont trouvé preuve dans les témoignages impliquant le FRD dans un quelconque soutien au M23 (voir annexe 9). Par ailleurs, citant la nécessité de retourner à Kigali pour des consultations, la délégation rwandaise n’a pas signé la confirmation des résultats collectives du JVC. Le 10 juin, la délégation de la RDC, ainsi qu’un représentant de la MONUSCO observateur dans le processus, ont procédé à signer un «procès verbale de carence » (voir annexe 10). Néanmoins, avant son retour à Kigali, le chef de la délégation rwandaise, le Major Sam Ruhunga des FRD, a signé les procès-verbaux pour neuf des onze ressortissants Rwandais conjointement interviewés par les deux délégations gouvernementales (voir image 16).
56. Lors d’une réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine le 21 juin, l’ambassadeur Joseph Nsengimana a déclaré que «le gouvernement du Rwanda ne peut aucunement être tenu responsable de l’ensemble des événements regrettables et des initiatives erronés qui ont endommagés les efforts constructifs antérieurs et ont intensifié la crise vers une confrontation militaire complète. » En outre, Nsengimana a ajouté que « le Rwanda a reçu des informations détaillées sur la collusion entre et le soutien des unités des FARDC aux forces des FDLR » (voir annexe 11). Les rebelles du M23 ont lancé des accusations similaires dans un communiqué de presse le 22 mai 2012 dans laquelle ils ont déclaré qu’ils détiennent «des preuves irréfutables sur les positions FARDC tenues par les troupes des FDLR », tout en niant les accusations formulées par le gouvernement de la RDC qu’ils ont eux-mêmes alliés avec les FDLR (voir paragraphe 105 du rapport intérimaire et annexe 12).
Le Groupe continuera à enquêter sur ces allégations, mais n’a pas encore obtenu ou reçu de quelconque preuve fondée à cet égard.
57. Le gouvernement de la RDC a présenté à plusieurs reprises aux autorités rwandaises des informations concernant le soutien du FRD au M23. Au Ministère rwandais des Affaires étrangères, le 27 mai 2012, lors d’une réunion bilatérale entre les deux pays, les autorités de la RDC ont partagé les récits détaillés sur la facilitation donnée à Makenga, ses troupes, et ses armes par les FRD. En outre, le 19 juin, les autorités de la RDC ont présenté à la ministre rwandaise des Affaires étrangères, lors de sa visite à Kinshasa, un rapport complet qui documente le soutien du Rwanda au M23. À ce jour, le Groupe n’a reçu aucune réponse officielle ni explication du Gouvernement rwandais en ce qui concerne les informations qui lui ont été fournies par le gouvernement congolais.
58. Le Groupe a fait des efforts considérables pour engager le gouvernement Rwandais en ce qui concerne ses conclusions, avec un succès mitigé. Tous les six membres du Groupe ont participé à une visite officielle à Kigali du 12 au 14 mai 2012, même si le Gouvernement rwandais ne les a pas reçus pour des réunions substantielles pour discuter de ces questions. Toutefois, au cours d’une réunion sur ces résultats actuels des enquêtes du Groupe tenue à New York le 25 juin 2012,la Ministre rwandaise des Affaires étrangères a invité le Groupe pour une deuxième visite officielle à Kigali dans le but de procéder à une analyse exhaustive point par point de l’information contenue dans le présent addendum. Le Groupe est désireux d’accepter une telle invitation et demeure dans son engagement à clarifier et / ou de corriger toute information dans le présent addenda ainsi qu’à annexer toute réponse écrite par le Gouvernement rwandais dans son rapport final qui sera soumis au Comité en octobre 2012.
Source : lavdc.net corrigé par Veritasinfo.fr