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Pierre Péan : « L'affaire Wenceslas restera comme un grand déshonneur de la presse française »
Publié le
par veritas
TRIBUNE. Le journaliste dénonce le rôle d'ONG et de médias dans l'affaire de ce prêtre rwandais accusé d'être impliqué dans le génocide de 1994.
Après vingt-trois ans d'attaques monstrueuses lancées par des associations censées défendre les victimes, attaques relayées, voire aggravées, par la plupart des grands médias, le père Wenceslas Munyeshaka vient d'être innocenté par la justice française (les parties civiles ont annoncé un pourvoi en cassation, NDLR). Pendant ces vingt-trois ans, il a été emprisonné à trois reprises, insulté, harcelé, persécuté. Il a dû supporter les accusations sur les chefs de génocide, de torture, de mauvais traitements et d'actes inhumains et dégradants. La présomption d'innocence a été constamment foulée aux pieds. Cette affaire restera comme un grand déshonneur de la presse française, et mérite d'être analysée car elle reflète la façon dont les journalistes qui écrivent sur le Rwanda font leur métier. Ils ne cherchent pas la vérité en enquêtant à charge et à décharge, mais sont imprégnés d'une idéologie victimaire et binaire qui évacue la complexité de l'histoire et reprend sans nuances la vision de Paul Kagame du drame rwandais.
Si le génocide des Tutsis est évidemment incontestable, il est soigneusement oublié que des Hutus dits modérés ont également été tués par les miliciens hutus et que des crimes de masse ont été perpétrés par les Tutsis du FPR. « Savez-vous que les Tutsis massacrent aussi ? » m'avait dit François Mitterrand le 1er juillet 1994. Plus généralement, l'affaire Wenceslas devrait permettre de réfléchir sur les liens très forts qui se sont noués entre les médias et les associations de défense des droits de l'homme et de défense des victimes, considérés par essence comme des producteurs de vérité.
La Ligue des droits de l'homme, la Licra, la FIDH, Survie, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), dirigé par Alain Gauthier – ce dernier assurant le relais en France du procureur du Rwanda, mais aussi le journaliste Jean-François Dupaquier, journaliste et propriétaire de L'Écho régional, qui ont été à la pointe de la traque du père Wenceslas, n'ont pas défendu la vérité, mais des accusations mensongères construites sur de faux témoignages. Précisons qu'Alain Gauthier a été décoré de la plus haute décoration rwandaise par Paul Kagame lui-même et, comme Jean-François Dupaquier, il a obtenu la nationalité rwandaise.
Savez-vous que les Tutsis massacrent aussi ? m'avait dit François Mitterrand le 1er juillet 1994.
C'est ainsi qu'après la confirmation du non-lieu l'avocate du père Wenceslas, Me Florence Bourg, constate que « la chambre de l'instruction a non seulement constaté l'absence de toutes charges contre le père Wenceslas mais a relevé que ce dernier était venu au secours de plusieurs réfugiés, qu'ils soient hutus ou tutsis, dans des conditions d'une extrême difficulté ». Cette dernière relève par ailleurs que « les juges et les enquêteurs français n'ont pas été dupes et ont relevé la mécanique de désinformation et de faux témoignages mise en place par les autorités rwandaises et certaines associations proches du pouvoir aux seules fins de compromettre le père Wenceslas ».
Il aurait pourtant été simple de trouver la vérité dans l'histoire du père Wenceslas pour ses actions à la tête de la paroisse de la Sainte-Famille à Kigali, transformée en camp de déplacés, rassemblant jusqu'à 18 000 personnes entassées sur moins d'un kilomètre carré. Quand j'ai écrit, en 2005, Noires Fureurs, blancs menteurs, il m'a fallu moins d'un mois pour constater que le vicaire de Gisors était victime d'un montage de fausses accusations, lancées dès le début par les autorités de Kigali qui l'avaient inscrit sur la liste des « génocidaires » sous le numéro 421. J'avais notamment rencontré l'abbé Célestin Hakizimana, considéré à Kigali comme un juste, qui, au centre pastoral Saint-Paul mitoyen de la Sainte-Famille, était mieux placé que quiconque pour me décrire la vraie attitude de Wenceslas, celle d'un homme actif qui a fait tout ce qu'il a pu pour protéger les réfugiés de la Sainte-Famille. Même si, inévitablement, des gens ont été tués, c'est l'une des rares paroisses où les réfugiés ont pu se cacher jusqu'à la fin du génocide. Le prêtre n'a jamais laissé les réfugiés aux mains des miliciens.
L'affaire Wenceslas devrait permettre de réfléchir sur les liens entre les médias et les associations de défense des droits de l'homme, considérés par essence comme des producteurs de vérité.
Alain Gauthier décoré de la plus haute décoration rwandaise par Paul Kagame
Le dossier à charge contre Wenceslas, constitué à Kigali, a été transmis à l'avocat de familles des victimes du génocide rwandais qui dépose une plainte contre le prêtre des chefs de torture et de génocide. Le 26 juillet 1995, le juge d'instruction de Privas délivre un mandat d'amener contre l'abbé. Exécuté deux jours plus tard. Wenceslas est incarcéré. La revue Golias le désigne comme le « Touvier rwandais protégé par l'Église de France ». Elle titre encore : « Sous la soutane, la machette… ». Ou encore : « Non seulement il violait lui-même, mais il faisait violer par les gendarmes ». Le harcèlement médiatique ne va, dès lors, plus cesser.
Le directeur de L'Écho régional va, à plusieurs reprises, prendre à partie le prêtre dans des processions et à l'intérieur d'églises où il officie. En 2001, il réussit à impliquer le service public. C'est ainsi que l'équipe d'Envoyé spécial de France 2 diffuse l'émission intitulée « Génocide sans coupables », le 26 avril 2001. Les images volées sont d'une extrême violence, traduisant une évidente volonté de nuire. Le journaliste s'est borné à écouter le directeur de L'Écho régional que l'on voit pérorer devant l'église. Pour cautionner ses paroles, la caméra interroge trois Africains présents devant l'église, un homme et deux femmes, Immaculée et Clémence, qui accusent le père Wenceslas d'avoir livré des membres de leurs familles aux tueurs. « Depuis six ans, il est réfugié en France, six ans que l'Église le protège... il est mis en examen sans que rien ou presque ne se passe », commente le journaliste. Au-delà du contenu mensonger et calomnieux de l'émission, les conditions de réalisation posent certaines questions déontologiques : les trois participants africains interviewés étaient en réalité payés pour effectuer leur prestation devant la caméra! Le directeur de L'Écho régional ne s'arrêtera pas là et montera plusieurs autres coups médiatiques qu'il relatera longuement dans son journal. Il me faudrait encore de nombreuses pages pour citer tous les articles à charge contre le prêtre.
Citons-en seulement quelques-uns. TF1 lui a consacré un droit de savoir, le 1er novembre 2006, sous le titre : « Rwanda : Munyeshyaka, un curieux homme d'Église ». Témoignage chrétien, le 4 janvier 2007 : « Un prêtre bien encombrant ». Le Monde, le 24 février 2010 : «Un étrange miraculé ». Paris Match, le 13 février 2013 : « Un abbé exilé en France mis en examen ». Le magazine reprend sans bémol l'accusation contre Wenceslas d'avoir laissé les miliciens massacrer les gens. Le 13 avril 2014, France 3, dans Pièces à conviction, diffuse « Rwanda, des prêtres accusés », dans lequel, une fois de plus, l'abbé Wenceslas est présenté comme un génocidaire. Le tribunal puis la cour d'appel de Paris en 2016 condamnent France 3 pour atteinte à la présomption d'innocence. Mais L'Humanité, Jeune Afrique et Le Figaro continuent leur campagne à charge sur l'innocent vicaire de Gisors. La presse n'a pas joué son rôle.