Opération Serval: vers une zone tampon au Mali?

Publié le par veritas

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La prise du village de Konna le jeudi 10 janvier 2013 par la coalition jihadiste composée d’Ansar Dine, du MUJAO (Mouvement de l’Unicité et du Jihad en Afrique de l’Ouest) et d’AQMI (Al Qaida au Maghreb Islamique) a engendrée une situation inédite dans le conflit malien. La défaite de l’armée malienne a déclenchée une panique perceptible parmi les civils et les militaires de la région de Mopti. Des cas de désertion de soldats étaient ainsi signalés. Un enchaînement inquiétant et assez inattendu. La veille, Reuters et France 24 annonçaient même une offensive victorieuse des militaires maliens vers Douentza, sur la base de fausses informations provenant de l’état-major à Kati, près de Bamako. Beaucoup d’illusions sur la capacité de combat des forces maliennes étaient relayées par les journaux et les principaux sites web du pays.

Et vient alors le choc déterminant de la chute de Konna. La ligne de défense de l’armée malienne était sur le point de s’effondrer. Sûrs d’eux, les combattants jihadistes annonçaient pour le vendredi 11 janvier leur intention d’avancer vers la ville de Sévaré, située à 56 km de Konna. Leur principal objectif étant l’aéroport, et sa piste stratégique qui dessert la ville de Mopti et le centre du Mali. Leur appétit de conquête était dopé par leur réussite sur le terrain.

Dispositif français de l’opération Serval. Dès jeudi soir, les témoins signalaient l’arrivée de soldats européens sur l’aéroport de Sévaré. Déploiement de parachutistes français de la 11 BP dont la « vocation prioritaire est la projection dans l’urgence afin de fournir une première réponse à une situation de crise« . Un ballet aérien d’avions de transport Transall C-160 s’en est suivi.

La carte ci-dessus (communiquée par le ministère français de la défense) détaille une partie du dispositif tel qu’il a été mis en oeuvre :

  1. Intervention d’hélicoptères positionnés au Burkina Faso dans le cadre d’une opération intitulée Sabre. Il se confirme qu’il s’agit d’hélicoptères Gazelle, comme le signalait l’expert Jean-Marc Liotier, alors que d’autres sources annonçaient des hélicoptères Tigre. L’action de ces éléments accompagnés de deux hélicoptères MI-24 de l’armée malienne, pilotés par des Ukrainiens, ont été d’une importance cruciale au cours de la journée du vendredi 12. Ils ont stoppé vers 16h locales un groupe de la coalition jihadiste qui avançait vers la ville de Sévaré. C’est lors de cet épisode qu’un pilote français a été mortellement blessé. De leur côté, après avoir perdu au moins quatre pick-ups, les jihadistes ont alors reflué vers Konna. 
  2. Attaques au sol d’avions Mirage F1 CR et Mirage 2000D provenant du contingent Épervier au Tchad, accompagnés par un avion ravitailleur C-135 FR. Selon différents témoins, des bombardements intenses ont eu lieu pendant la nuit de vendredi à samedi dans les environs de Konna. Dans ce genre de situation, des commandos au sol désignent les cibles par laser ou par une description radio. Lors de la conférence de presse, Le Drian avait donné l’exemple de la destruction d’un poste de commandement jihadiste camouflé sous un hangar. La reprise de Konna a eu lieu au cours de ce samedi contrairement aux affirmations de l’état-major malien qui affirmait contrôler la zone hier soir (sous les bombardements), une autre information non fiable reprise avec entrain par les agences d’actualité…
  3. Envoi d’un contingent d’une centaine de soldats français à Bamako. Pour sécuriser et protéger des « ressortissants et compatriotes » selon le président François Hollande dans son dernier discours.
  4. Pont aérien logistique en provenance du Sénégal vers la zone de combats.

D’autres moyens sont en cours d’acheminement depuis l’hexagone, y compris des avions Rafale et des compagnies de légionnaires.

 

http://7our.files.wordpress.com/2013/01/helico_serval.jpg?w=400&h=400Une lecture plus attentive de la carte montre que la zone opérationnelle couvre une large zone allant de la frontière du Burkina Faso à la frontière mauritanienne, le « col de cygne » suivant l’expression de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées (CEMA). Avec six points signalés par de petits losanges sur la carte, ce qui dénote plusieurs objectifs bien au delà de la défense de Mopti. La contre-offensive franco-malienne semble viser à créer un tampon de sécurité entre le Sud et le Nord. Des villes encore occupées par les jihadistes comme Douentza, Niafunké, Goundam sont incluses dans cette zone. Des villes à libérer des « terroristes« ? Alors que la ville de Tombouctou apparaît à l’extérieur de cette zone. Effet d’illustration dans la communication de guerre ou expression d’un véritable schéma d’opérations? Les prochains jours nous informeront très vite là dessus.

Pour le moment, les 3 annoncés objectifs de l’intervention française sont  »d’arrêter les jihadistes« , les « empêcher de nuire« , et « sécuriser les ressortissants et ceux des partenaires (de la France) ». La reconquête du Nord est laissée au contingent africain.

Au cours de sa conférence de presse, le ministre de la défense Jean-Yves le Drian a expliqué que le plan des jihadistes était d’avancer sur 2 axes. L’un au sud du fleuve Niger par Mopti, l’autre sur la rive nord en passant par Diabaly. Il a confirmé la présence d’une colonne de 80 véhicules entre Léré et Diabaly, une donnée publiée par plusieurs sites mauritaniens ayant des relais d’informations dans les groupes islamistes. Et selon le ministre, les 2 axes devaient faire jonction à Ségou avant de foncer vers Bamako.

Ce deuxième axe de jihadistes, constitué de 80 véhicules, est aussi la cible des bombardements. Une caserne et un stock d’armes ont été bombardés selon Saharamedias à l’intérieur même de Léré. De leur côté, les islamistes radicaux disent vouloir envoyer des renforts vers la ligne de front.

http://7our.files.wordpress.com/2013/01/mirage_serval.jpg?w=400&h=258Billard à 3 bandes. Après avoir renié l’accord de cessation des hostilités – fraîchement signé 21 décembre dernier à Alger – Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Dine a franchi le fleuve Niger, ce Rubicon malien, tout en s’alliant avec les autres jihadistes radicaux du MUJAO et d’AQMI (voir à ce sujet l’article précédent L’offensive des jihadistes au Mali : Le Bon, la Brute et le Truand). Plusieurs mois d’efforts diplomatiques ont été anéantis. Mais comme ni lui, ni Bamako n’avaient une volonté sincère d’avancer vers les compromis de la négociation, Alea jacta est.

Le discours de la présidence malienne est pour le moins consternant. Le président Dioncounda Traoré avait averti le 31 décembre dernier que son pays « n’attendra pas des mois » pour lancer « la guerre contre les terroristes ». Monsieur Traoré est décidément plus doué pour les paroles creuses que pour les actions pleines de bon sens. Sur le théâtre des opérations, sans l’intervention française, c’est les islamistes qui lui auraient dicté les conditions de la reddition, s’il ne se faisait pas éjecter au préalable du palais de Kolouba par des manifestants en furie.

Dès le départ, la France voulait intervenir militairement au Mali. Sa position a évoluée au cours des semaines (voir à ce sujet L’intervention militaire de la France au Mali. « Leading from the front » ou « Leading from behind » ?). Elle détient désormais la commande des opérations de guerre sur place. Mais elle risque de se laisser griser par quelques victoires militaires, pour ensuite s’embourber dans un combat qui n’est pas le sien. Avec les moyens technologiques et le soutien américain, elle peut défaire militairement les jihadistes sur le court terme, mais elle ne peut ni défaire l’idéologie radicale ni bloquer la progression des idées jihadistes sur le moyen terme. Seuls les Maliens du Nord, du Centre ou du Sud détiennent la clé de ce combat.

 

Source: 7our.wordpress


Publié dans FRANCAIS

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